13 mai 2001

[Aletheia n°14] Revue de presse - Nouvelles

Yves Chiron - Aletheia n°14 - 13 mai 2001
Revue de presse
Sedes Sapientiae, n° 75, printemps 2001, 86 pages, 50 F (Société Saint-Thomas d’Aquin, 53340 Chémeré-le-Roi).
La revue des Dominicains de Chémeré publie la traduction d’une longue et importante intervention du cardinal Biffi consacrée à l’immigration. Face aux vagues d’immigrants qui arrivent, généralement de façon irrégulière, en Italie, l’archevêque de Bologne expose “ la complexité du problème ”. L’Eglise, explique le cardinal Biffi, a déjà réagi en publiant deux longs documents, l’un émanant de la Commission Justice et paix, l’autre de la Commission ecclésiale pour les migrations. Ces deux documents étaient “ de nature à construire et à diffuser dans la chrétienté une “culture de l’accueil”.” Le cardinal ajoute : “ Il manque cependant un peu de réalisme dans l’examen des difficultés et des problèmes. Surtout l’importance de la mission évangélisatrice de l’Eglise à l’égard de tous les hommes, et donc aussi à l’égard de ceux qui viennent demeurer chez nous, ne semble pas avoir été mise suffisamment en relief. ”
L’intervention du cardinal Biffi est axée donc autour de trois nécessités : une politique d’accueil réaliste, la sauvegarde de l’identité nationale et la nécessité de l’évangélisation des personnes accueillies.
On trouvera dans Sedes Sapientiae trois autres études intéressantes : “ L’éducation des hommes dans l’histoire du salut ” par L.-J. Elders, “ Les débuts de dom Guéranger dans la prédication ” par Dom Matthieu Wallut et la première partie d’un article sur la tradition politique gallicane par Nicolas Warembourg.
Le Sel de la terre, n° 36, printemps 2001, 256 pages, 90 F (Couvent de la Haye-aux-Bonhommes, 49240 Avrillé).
Une partie du numéro est consacrée à Mgr Lefebvre, à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort. Un long article, non signé, montre en Mgr Lefebvre “ un confesseur de la foi ”. Sont évoquées, en neuf dates, “ les grandes étapes qui ont marqué la croisade entreprise par Mgr Lefebvre contre les erreurs actuelles ”. Puis, Mgr Tissier de Mallerais évoque “ Mgr Lefebvre face à la réforme de la messe ”. Ces pages sont extraites d’une biographie de Mgr Lefebvre que Mgr Tissier prépare. Les pages publiées en avant-première laissent présager un travail historique sérieux, abondamment documenté et référencé.
Outre trois textes de Mgr Lefebvre (un éloge de saint Thomas d’Aquin, un extrait de son Itinéraire spirituel, déjà édité, et un sermon sur l’état religieux), on trouve dans la revue des Dominicains d’Avrillé, reproduits en fac-similé, les extraits de deux lettres adressées par Mgr Lefebvre, en 1989 et 1990, à un des religieux du couvent. Un des deux extraits reproduits, relatif à la naissance du Sel de la terre, semble n’avoir pour but que de désigner les ennemis qui étaient et qui sont toujours ceux de la revue dominicaine. Il y aurait bien d’autres choses à dire sur les origines de la revue et son évolution.
Ce numéro contient de nombreux autres articles, notamment la traduction d’une étude critique de l’abbé Simoulin parue en italien il y a près d’un an (et déjà recensée ici) et un “ Petit catéchisme du sédévacantisme ”, signé Dominicus.
Nouvelle Ecole, n° 52, année 2001, 160 pages grand format, 130 F (Labyrinthe, 18-24 quai de la Marne, 75164 Paris Cedex 19).
Une grande partie de la revue dirigée par Alain de Benoist est consacrée au christianisme. On y trouve quatre études, une de Pierre Le Vigan, deux d’Alain de Benoist et une d’Alexandre Gryf. Cette dernière est consacrée, significativement, aux “ persécutions contre les païens, de la conversion de Constantin (312) à la mort de Justinien (565) ”.
Une des études d’Alain de Benoist retient l’attention parce qu’elle est consacrée à “ Jésus et ses frères ”. Elle était annoncée depuis un certain temps (cf. Dernière année, L’Age d’Homme, 2001, p. 23 et 77, déjà recensé dans Alètheia). Bien que dédiée “ A Guillaume de Tanoüarn ”, elle est décevante. Elle peut impressionner de prime abord : 153 notes et références pour un texte de près de trente pages, d’innombrables auteurs cités (de Renan jusqu’aux plus récents travaux d’exégèse en français, en anglais et en allemand). On s’étonne, néanmoins, de voir non seulement mentionner mais utiliser les travaux et hypothèses émises par des auteurs peu sérieux comme Gérald Messadié et Robert Ambelain.
Alain de Benoist s’attache à montrer, après bien d’autres, que les “ frères ” et “ soeurs ” de Jésus mentionnés dans les Saintes Écritures ne sont point des cousins du Christ ou des enfants que Joseph aurait eus d’un premier mariage mais bel et bien des enfants selon la chair de Marie et de Joseph. De là, forcément, s’écroulent le dogme de la virginitas in partu (Ephèse, 431) et la croyance en la virginitas post partum.
L’exégèse récente, en nombre de ses voix, conclut, elle aussi, à l’existence de frères et soeurs de sang du Christ. Dernier exemple en date, postérieur à l’article d’Alain de Benoist, l’Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien (30-135) de François Blanchetière, Editions du Cerf, 2001, 587 pages. L’auteur y consacre près de vingt pages, p. 188 à 204, à l’existence historique de frères et soeurs de Jésus.
Tout ceci, pourtant, ne doit pas impressionner le catholique fidèle. Le grand exégète américain Raymond E. Brown, décédé en 1997, avait résumé très clairement la position catholique sur le sujet : “ comme ces frères sont associés à Marie (Mc 3, 31-32 ; Jn 2, 12), si l’on ne disposait que du NT on pourrait supposer qu’ils étaient les enfants de Marie et Joseph, nés après Jésus - opinion tenue dans l’antiquité par Tertullien et aujourd’hui par la plupart des protestants. Mais dès le début du IIe siècle, on voyait en eux les enfants d’un précédent mariage de Joseph (Protévangile de Jacques 9, 2). Cette interprétation est conservée dans la plus grande partie du christianisme d’Orient, et Bauckham (Jude Relatives 31) déclare qu’elle “mérite plus de considération qu’on ne lui en accorde aujourd’hui”. L’idée qu’il s’agit d’un cousin de Jésus sera introduite au IVe siècle par Jérôme et elle est devenue courant dans l’Eglise occidentale. Dans le catholicisme romain la thèse selon laquelle Marie resta vierge après la naissance de Jésus est généralement considérée comme enseignée de manière infaillible par le magistère ordinaire. ” (Que sait-on du Nouveau Testament ?, Paris, Bayard, 2000, p. 780).
• Roma felix, a. III, n° 4, avril 2001 (Fraternita S. Pio X, Via Trilussa 45, 00041 Albano, Italia).
La lettre mensuelle d’informations de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X en Italie, dirigée par l’abbé Michel Simoulin, et rédigée en italien, apporte sur les discussions en cours avec le Saint-Siège, un éclairage qui n’a guère transparu dans les communiqués officiels. L’abbé Simoulin, évoquant les propositions faites par le cardinal Castrillon Hoyos en janvier dernier (au cours d’une rencontre avec Mgr Fellay, à laquelle il a participé semble-t-il), écrit : “ tout semblait tellement beau et inespéré que nous avions peine à le croire ”.
Depuis, reconnaît l’abbé Simoulin, les enthousiasmes se sont rafraîchis, parce que, écrit-il, la Fraternité a demandé “ que le Vatican fasse quelque chose en faveur de la Messe tridentine ” et, pour l’heure, “ rien n’a été fait et peut-être faudra-t-il beaucoup de temps encore pour que quelque chose soit fait ”.
Bulletin saint Jean Eudes, n° 64, avril 2001, 24 pages, 10 F (Prieuré saint Jean Eudes, 1 rue des Prébendes, 14210 Gavrus).
Dans le dernier numéro de son bulletin mensuel, l’abbé Aulagnier raconte longuement, avec de nombreuses photographies à l’appui, le séjour de huit jours qu’il a fait au Gabon en mars dernier. Un récit chaleureux, personnel, pittoresque. Mgr Lefebvre fut treize ans missionnaire dans ce pays. La Fraternité Saint-Pie X y est implantée depuis quinze ans. L’église Saint-Pie comprend plus de 2.500 fidèles, note l’abbé Aulagnier qui ajoute : “ L’évêché vient de le confesser tout récemment : “Saint Pie X est la plus grosse paroisse de Libreville””. Depuis 1986, plus de 4.600 baptêmes y ont été dispensés.
M. l’abbé Aulagnier se demande à un moment (p. 14), avant une conférence sur la messe, si les Gabonais connaissent la Fraternité Saint-Pierre et Dom Gérard ? Oui, ils les connaissent, au moins indirectement, puisque l’Institut du Christ-Roi a, lui aussi, deux missions au Gabon. L’une à Mayumba, l’autre à Mouila, avec chacune un prêtre et une communauté de laïques consacrées. Une association, en France, s’attache à les soutenir et à les aider : Jeunes missionnaires en Afrique, 334 rue Pioch de Boutonnet, 34090 Montpellier.
Au Gabon, aussi, la Tradition est polyphonique.
La Nef, n° 117, juin 2001, 40 pages, 40 F (B.P. 73, 78490 Montfort l’Amaury).
Dans ce numéro, qui paraîtra dans une quinzaine de jours, plusieurs articles de théologiens et de liturgistes répondent à l’ouvrage de la FSSPX sur la nouvelle messe. L’un d’eux met en lumière, notamment, l’ancienneté de la notion de “ mystère pascal ” chez les Pères.

Nouvelles
• Selon des informations romaines, les discussions entre la FSSPX et le Vatican sont suspendues mais point définitivement interrompues. L’exigence posée en préalable par la FSSPX - que la messe traditionnelle soit autorisée sans restriction - n’a pas été acceptée. Du moins, pas encore. Le 22 avril dernier, au cours d’une réunion inter-dicastères réunies autour du Pape, une forte majorité des cardinaux présents s’est opposée à une reconnaissance de la liberté de la messe traditionnelle pour tous les prêtres et fidèles du monde entier, sans condition restrictive.
En revanche, la possibilité d’accorder un statut juridique à la FSSPX est plus largement acceptée. Elle avait été évoquée dès la rencontre de janvier entre Mgr Fellay et le cardinal Castrillon Hoyos.
• Les milieux sédévacantistes sont à l’origine de deux ouvrages, tous deux collectifs, qui connaissent une certaine diffusion ces derniers mois.
Mystère d’iniquité se présente comme une “ Enquête théologique, historique et canonique ” sur la vacance du Siège apostolique (Carmel Sancta Maria, 4790 Reuland 143, Belgique, 332 pages). Les auteurs s’efforcent de démontrer que “ depuis la mort de Pie XII, il n’y a plus de pape ” (p. 249). Chaque chapitre de l’ouvrage se termine par un bref résumé encadré. Pour donner le ton de l’ouvrage, il suffira de citer le résumé du dernier chapitre : “ L’Eglise dite “conciliaire”, ne possédant point les quatre notes caractéristiques de la véritable Eglise, est une secte, une “contrefaçon d’Eglise”. Roncalli, Montini, Luciani et Wojtyla président une secte hérétique ; ils ne sont pas papes de l’Eglise catholique. ” L’ouvrage est préfacé par Mgr Daniel L. Dolan, un prêtre américain qui a été sacré irrégulièrement évêque par Mgr Guérard des Lauriers, un dominicain qui, lui-même, avait été sacré irrégulièrement évêque par Mgr Ngo Dinh Thuc.
L’Eglise éclipsée ? est publié par les Amis du Christ Roi (éditions Delacroix, B.P. 18, 35430 Chateauneuf, 298 pages). L’ouvrage en est à sa troisième édition. Il se veut une démonstration, essentiellement historique, du “ complot maçonnique contre l’Eglise ”.
L’ouvrage s’ouvre sur des entretiens avec Malachi Martin qui eurent lieu, à New-York, en 1996. Malachi Martin est le pseudonyme d’un jésuite, aujourd’hui décédé, qui s’est fait connaître par des ouvrages, habiles, mi-romanesques mi-historiques, sur la papauté et le Vatican et dans lesquels il prétendait révéler des secrets, plus ou moins compromettants. Dans les entretiens retranscrits dans le volume (p. 17-27), Malachi Martin est affirmatif : Jean XXIII était franc-maçon ; à deux reprises, au cours des conclaves de 1963 et 1978, le cardinal Siri a été élu pape mais a dû renoncer immédiatement à la charge suite à des menaces.
Les auteurs veulent établir que “ les ennemis de l’Eglise ont choisi Karol Wojtyla parce qu’il était “le pape dont ils avaient besoin” ” (p. 138), “ Karol Wojtyla a été pressenti depuis de nombreuses années pour devenir le Pontife de la Gnosis et de la science ésotérique” dont parlait Roca ” (p. 139). Tout le projet de Jean-Paul II serait d’établir une “ religion mondiale, maçonnique : le noachisme ”.
Le livre se veut aussi une arme de combat contre la FSSPX qui reconnaît la légitimité de Jean-Paul II et a exclu de ses rangs, à partir de 1979, les prêtres sédévacantistes et ceux qui refusaient, à la messe, de prier una cum.
Ces deux ouvrages témoignent de l’influence accrue des théories conspirationnistes dans certains milieux traditionalistes et des dérives qu’entraînent certaines positions ecclésiologiques.
Pour rétablir la vérité sur les conclaves de 1963 et 1978, on pourra se reporter plutôt à ce qu’en ont écrit deux des biographes du cardinal Siri, bien documentés et qui ont chacun bénéficié d’entretiens avec lui, avant sa mort : Raimondo Spiazzi, Il cardinale Giuseppe Siri, Bologne, Edizioni Studio Domenicano, 1990, p. 95-101 et Benny Lai, Il Papa non eletto. Giuseppe Siri, cardinale di Santa Romana Chiesa, Bari, Laterza, 1993, p. 199-206 et p. 262-281.
• L’abbé Aulagnier, responsable de la communication et de l’information dans la FSSPX, a lancé une nouvelle publication : les Documentations Informations Catholiques Internationales (D.I.C.I.). L’abonnement à cette publication, hebdomadaire, est de 390 francs (Les Amis du Prieuré Saint Jean Eudes, 1 rue des Prébendes, 14210 Gavrus).