29 novembre 2004

[Aletheia n°66] Jean Madiran interpelle les évêques de France

Aletheia n°66 - 28 novembre 2004
Un nouveau livre de Jean Madiran
Jean Madiran interpelle les évêques de France
Le titre – La trahison des commissaires – rappelle la célèbre Trahison des clercs de Julien Benda. Le mot “ commissaires ” peut sembler renvoyer aux systèmes idéologiques totalitaires et à leur “ police de la pensée ”,   mais il peut aussi être pris à la lettre, au sens étymologique : “ personne chargée d’une mission publique ou privée ”. En effet, c’est la Commission doctrinale de la Conférence des évêques de France que Jean Madiran interpelle.
Cette Commission doctrinale est de création récente dans l’histoire de l’Eglise de France. Elle est une des formes qu’a prises l’exercice collégial du ministère épiscopal. Jean Madiran fait remarquer d’emblée : “ L’institution récente de commissaires doctrinaux dans l’Eglise de France n’avait pas pour but, en tout cas elle n’eut pas pour effet de rectifier les erreurs et de corriger les dérives ”.
Jean Madiran en fournit une démonstration, d’une acuité sans pareille, en examinant, l’une après l’autre, les trois interventions de la Commission doctrinale au cours des quatre premières années du XXIe siècle : le communiqué qui a approuvé la nouvelle traduction de la Bible publiée aux éditions Bayard (août 2001), la note doctrinale sur le film La Passion de Mel Gibson (mars 2004) et celle qui a critiqué et approuvé à la fois l’émission télévisée L’origine du christianisme (mars 2004).
Ce que la Commission doctrinale enseigne ou valide officiellement par ces déclarations est une “ nouvelle religion ” estime Jean Madiran. Une religion chrétienne qui ne se veut plus “ une vérité révélée par Dieu à son Eglise ” (p. 10).
La Bible éditée chez Bayard, par ses traductions nouvelles et par ses annotations critiques, a répandu dans un très vaste public des “ extravagances hypercritiques et négationnistes ”, notamment celle qui distingue entre le “ Jésus de l’histoire ” et le “ Jésus de la foi” .
Jean Madiran, qui est le contraire d’un esprit manichéen, reconnaît que deux évêques ont, plusieurs mois après le communiqué de la Commission, jugé très sévèrement cette Bible : Mgr Guillaume, évêque de Saint-Dié, dans un article paru au début de l’année 2002[1], et Mgr Cattenoz, archevêque d’Avignon, dans un message pastoral à ses diocésains. “ La Bible Bayard est une œuvre littéraire, elle n’est pas une Bible chrétienne, encore moins catholique ” a dit le premier, “ Non, cette Bible n’est pas celle de l’Eglise ! ” a déclaré le second.
Mais ces deux interventions, isolées, ne furent suivies, remarque Madiran, d’ “ aucune mise au point rectificatrice ”. La Bible Bayard continue à être diffusée avec l’affirmation que son appareil hypercritique et négationniste “ permet d’inscrire cette traduction dans la tradition vivante de la foi catholique ” (termes employés par la Commission doctrinale).
La note doctrinale sur les émissions de Prieur et Mordillat consacrées à L’origine du christianisme est tout aussi terrible pour les chrétiens. Elle disserte sur le “ conflit d’interprétations ” (lecture juive/lecture chrétienne) et affirme : “ Que l’une ait raison n’entraîne pas que l’autre ait tort ”.
Jean Madiran s’indigne de cet abandon : “ [La Commission] abandonne le public au milieu des “difficultés“ qu’elle lui a retransmises. Elle ne donne aucun repère, allant jusqu’à recommander “ces émissions“… ”.
À force de “ questionnement ”, on se demande s’il y a encore des certitudes chez ceux qui ont rédigé cette Note doctrinale. On nous dira que la Commission doctrinale n’est pas l’expression unique et univoque de l’épiscopat français et l’on mettra en contrepoint les deux déclarations épiscopales citées plus haut. Mais ce que Madiran appelle “ l’unité de façade ” est maintenu. Il y a parfois des réactions individuelles, il y a aussi des corrections subreptices[2], mais il n’y point de rétractation ou de clarification officielles.
Au-delà du texte de ces trois documents officiels de la Commission doctrinale de l’épiscopat français, Jean Madiran pointe avec une acribie sans pareille cette nouvelle religion qui s’est répandue et se répand : “ Du rang de vérité révélée, enseignée au nom de Dieu avec une rigueur dogmatique impliquant des exigences morales inébranlables, la religion catholique en France, dans ses expressions officielles, est en train de glisser à celui de mythe fondateur d’une idéologie humanitaire accompagnant souplement la diversité évolutive des consciences individuelles. ”
Ce nouveau livre de Jean Madiran est “ une réclamation qui s’adresse principalement à la hiérarchie catholique ”. Sera-t-elle entendue ? Le livre sera-t-il même lu par ceux à qui il s’adresse en premier ? Depuis longtemps déjà, il y a, dans l’épiscopat, un mépris, intellectuel et spirituel, à l’égard de Jean Madiran[3]. “ Mépris intellectuel ” parce qu’ils ne perçoivent pas que cette voix est celle d’un “ beau défenseur de la foi ” (l’expression fut employée par saint Pie X à propos d’un autre laïc français, il y a quelque cent ans). “ Mépris spirituel ” parce qu’ils ne s’imaginent pas que cette voix est d’abord animée par un grand amour de l’Eglise qui se soucie de la foi des petits, des humbles.
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[1] L’article parut dans le n° 1 de la revue Kephas, janvier-mars 2002, revue publiée avec les “ encouragements ” du cardinal Ratzinger.
[2] J. Madiran rappelle (p. 60-62) l’affaire du Nouvel missel du dimanche où, de 1970 à 1976, figura un “ rappel de la foi ” qui niait le caractère sacrificiel de toute messe. À partir de l’édition de 1976, ce “ rappel ” fut subrepticement retiré de ce même missel des dimanches.
[3] “ Comme des chiens. Voilà comme ils nous traitent ” écrivait Madiran, il y a quarante ans déjà ( ” Les Chiens ”, Itinéraires, janv. 1965, n° 89). La réponse de l’épiscopat, si l’on peut dire, fut la “ Mise en garde ” de juin 1966 contre Itinéraires et d’autres publications de la “ minorité [qui] conteste, au nom d’une fidélité au passé, les principes du renouveau entrepris ” (l’expression est celle qu’employait le Conseil permanent de l’épiscopat français dans sa mise en garde).