28 janvier 2007

[Aletheia n°104] Les quatre refus de la FSSPX

Yves Chiron - Aletheia n°104 - 28 janvier 2007
Les quatre refus de la FSSPX - par Yves Chiron
Alors que le motu proprio de Benoît XVI sur la messe est toujours en attente de publication, la Fraternité Saint-Pie X, à travers ses instances officielles, s’est exprimée ces dernières semaines dans une tonalité de fermeté ou de refus qui est significative du non possumus que, depuis 1988 au moins, elle maintient.
Les quatre prises de position que je vais citer ont été publiques. On ne peut accuser la FSSPX de tenir un double langage. En revanche, il n’est pas sûr que les lecteurs d’Aletheia – qui, pour leur plus grand nombre, ne sont pas familiers des moyens de communication de la FSSPX ou des lieux où elle s’exprime – en aient eu connaissance. Aussi, sans porter de jugement sur les prises de position exprimées, je crois utile de les rapporter, le plus objectivement possible, dans leur ordre de succession en ce mois de janvier 2007.



Benoît XVI à la mosquée bleue : « un scandale »
L’abbé Grégoire Celier, qui dirige encore pour quelques mois la principale revue de la FSSPX (Fideliter) et sa maison d’éditions (Clovis), intervient de plus en plus souvent au nom de la Fraternité Saint-Pie X pour expliquer les positions de la Fraternité fondées Mgr Lefebvre. Ses interventions laissent présager du rôle qui sera le sien, à l’avenir, dans la politique de communication de la FSSPX.
Lors du voyage qu’il a accompli en Turquie, Benoît XVI a visité, le 30 novembre dernier, la célèbre mosquée bleue d’Istanbul. Au cours de cette visite, le Pape et le Grand Mufti qui l’accompagnait se sont arrêtés, un moment : le Mufti priant en silence, le Pape se recueillant dans une méditation silencieuse.
Cette image a scandalisé certains catholiques, le site sédévacantiste Virgo Maria y voyant même une « apostasie » de Benoît XVI. L’abbé Celier, dans un article publié le 3 janvier 2007 sur le site internet de la FSSPX en France (La Porte Latine), n’emploie pas ce mot, mais il estime que c’est un « acte mauvais en soi » et « un scandale, au sens réel et étymologique » car « il induit les âmes au péché, dans ce qui est le plus grave, la confession de la foi ». L’abbé Celier, pour mieux faire connaître cette prise de position de la FSSPX, a réalisé, en urgence, une brochure qui reprend le texte diffusé sur internet, accompagné de diverses photographies[1].
Le geste de Benoît XVI à Istanbul s’inscrirait dans la logique des réunions inter-religieuses organisées par Jean-Paul II à Assise. S’il écarte, avec bon sens, le « soupçon d’adhésion implicite à l’islam », l’abbé Celier estime que le Pape a posé un acte qui « encourage l’opinion commune que les diverses traditions religieuses se valent plus ou moins, qu’aucune religion ne détient la totalité de la vérité ». Par ce « geste » de méditation silencieuse dans une mosquée le Pape « participe à la diffusion du relativisme religieux ».
On remarquera que les explications que Benoît XVI a fournies sur son geste et sa « médiation » dans la mosquée d’Istanbul ne sont pas citées une seule fois par l’abbé Celier, ni le commentaire qui a été donné ensuite par le P. Lombardi, directeur de la Salle de Presse du Vatican.



« Vatican II a baptisé l’idéal maçonnique »
Le 7 janvier dernier, clôturant à Paris le VIIe Congrès théologique organisé par la revue Si si No no, l’Institut Universitaire Saint-Pie X et DICI, congrès consacré aux crises de l’Eglise, le Supérieur général de la FSSPX, Mgr Fellay, a fait une longue conférence pour montrer que dans la crise actuelle de l’Eglise, c’est le sacerdoce lui-même qui a été atteint[2]. S’appuyant sur de nombreuses et longues citations de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay a montré que celui-ci avait d’abord voulu fonder une œuvre de préservation et de transmission du sacerdoce « dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire ». Reprenant une expression de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay estime que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est « l’Œuvre à laquelle Dieu va confier l’Arche d’Alliance du Nouveau Testament ».
Faisant allusion, notamment, à la déclaration sur la liberté religieuse, à la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde et au décret sur l’œcuménisme, Mgr Fellay estime que « Vatican II a baptisé l’idéal maçonnique ».



Benoît XVI : « un moderniste » et « un « hérétique »
Vatican II : à mettre « tout entier à la poubelle »
Dans les jours qui ont suivi ce Congrès théologique, Mgr Williamson, un des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988, a donné une interview à l’hebdomadaire Rivarol (numéro du 12 janvier 2007).
Dans cet entretien, accordé au journaliste Jérôme Bourbon, Mgr Williamson porte des jugements très sévères sur Benoît XVI, dans des termes que je ne commenterai pas : « Si un moderniste est quelqu’un qui veut adapter l’Eglise Catholique au monde moderne, certainement Benoît XVI est un moderniste. Il croit toujours que l’Eglise doit se réapproprier les valeurs de la Révolution française. Peut-être admire-t-il moins le monde moderne que Paul VI, mais il l’admire encore beaucoup trop. Ses écrits passés sont pleins d’erreurs modernistes. Or, le modernisme est la synthèse de toutes les hérésies (Pascendi, saint Pie X). Donc, comme hérétique, Ratzinger dépasse de loin les erreurs protestantes de Luther comme l’a très bien dit Mgr Tissier de Mallerais. »
Mgr Williamson estime encore que les actes du concile Vatican II « sont beaucoup trop subtilement et profondément empoisonnés pour qu’il faille les réinterpréter. Un gâteau en partie empoisonné va tout entier à la poubelle ! ».
Dans une vision providentialiste de l’histoire de l’Eglise, Mgr Williamson estime « ou bien dans cinq, dix, vingt ans Dieu intervient avec un châtiment exemplaire pour rétablir l’ordre, ou bien l’Eglise en sera à gémir dans les catacombes, en attendant cette intervention. De toute façon, la situation actuelle est irrécupérable par des efforts purement humains. »



« Pas d’accord à court terme avec Rome »
Avec un Pape qui crée « scandale », qui est « moderniste » et « hérétique », qui ne met pas « à la poubelle » un concile « empoisonné », il n’y a pas d’accord « à court terme » possible : voilà, en substance, la position actuelle de la FSSPX.
Ce résumé de la situation, à partir des textes cités ci-dessus, trahit-il ou caricature-t-il la position actuelle de la FSSPX ?
Je ne le pense pas. Et, tout en tenant compte que les analyses et prises de position des uns n’équivalent peut-être pas celles des autres, et que l’autorité des uns n’équivaut pas à celles des autres, on doit bien considérer que la FSSPX reste dans une position de « Non possumus ».
Même si le Pape publie un indult accordant une plus grande liberté à la messe traditionnelle et lève solennellement l’excommunication qui frappe les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre, « la Fraternité Saint-Pie X n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome ».
C’est la position qu’expose l’abbé Grégoire Celier dans un ouvrage à paraître Benoît XVI et les traditionalistes. Le livre doit être publié le 12 mars prochain aux éditions Entrelacs, une filiale du groupe Albin Michel. C’est un livre d’entretiens entre l’abbé Celier et Olivier Pichon, directeur du magazine Monde et Vie, ancien élu du Front National et du M.N.R.
Il est significatif que l’ouvrage soit annoncé à paraître le 12 mars. Que d’ici là, le motu proprio « libérateur » de la messe traditionnelle ait été publié ou pas, la position de la FSSPX n’en sera pas changée. Car, en disant « la Fraternité Saint-Pie X n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome », l’abbé Celier n’exprime pas, bien sûr, une opinion personnelle, il s’exprime, comme dans toutes ses initiatives et tous ses écrits publics, avec l’accord de ses supérieurs. C’est donc bien la position officielle de la FSSPX qu’il développe dans cet ouvrage à paraître.
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NOTES
[1] Abbé Grégoire Celier, D’Assise à Istanbul, A L’Enseigne du Petit-Pont, 12 pages, 2 euros. La brochure est disponible à la Librairie France-Livres, 6 rue du Petit-Pont, 75005 PARIS.
[2] Les actes de ce Congrès seront publiés dans les mois à venir. Des comptes-rendus, d’une tonalité assez différente, ont été publiés sur le site de la FSSPX, La Porte Latine, et sur le site sédévacantiste Virgo Maria.