19 janvier 2010

[Céline Hoyeau - La Croix] Le retour de l’incontrôlable Williamson

SOURCE - Céline Hoyeau - La Croix - 19 janvier 2010

Malgré l’ordre reçu de la Fraternité Saint-Pie-X, de ne plus s’exprimer publiquement sur ses opinions politiques après le scandale provoqué par ses propos négationnistes, l’évêque intégriste Richard Williamson récidive dans une vidéo publiée jeudi 14 janvier sur Internet

Un an après, l’évêque par qui le scandale est arrivé n’a rien perdu de son flegme britannique. Mgr Williamson « se porte bien, merci. C’est une année sabbatique imprévue mais assez agréable », lâche-t-il à l’écran, dans un français impeccable, sans se départir de son ironie.

Pour la première fois en effet depuis la crise déclenchée il y a un an par ses propos négationnistes, rendus publics le jour même où l’on apprenait la levée des excommunications qui pesaient sur lui et sur les trois autres évêques ordonnés par Mgr Lefebvre, Mgr Richard Williamson est sorti de l’ombre jeudi dernier, dans une vidéo publiée jeudi 14 janvier sur Dailymotion.

S’il refuse toute interview à la presse (contacté par La Croix, Mgr Williamson n’a pas souhaité répondre), l’évêque controversé a en revanche accepté de se laisser filmer par Pierre Panet, candidat sur la liste antisioniste menée par l’humoriste Dieudonné aux dernières élections européennes.


Entretien de Mgr Williamson avec Pierre Panet (Source : labanlieuesexprime.org

Ce dernier l’a rencontré la semaine dernière à Londres. C’est là, dans le prieuré de la Fraternité Saint-Pie-X à Wimbledon, que l’ancien supérieur du séminaire argentin de La Reja ronge son frein, depuis qu’il a été démis de ses fonctions et expulsé d’Argentine. Ses activités ? « Dormir et manger », précise-t-il dans la vidéo, n’ayant plus pour chaire que son blog désormais accessible aux seuls abonnés.

En quinze minutes, Mgr Williamson aborde des questions religieuses et politiques. Interrogé sur l’Iran, il affirme qu’il « n’y a absolument pas de raisons d’attaquer ce pays selon la doctrine catholique de la guerre juste ». Sur la légitimité de l’État d’Israël, il hésite un instant, avant d’affirmer : « Beaucoup de monde croit que cet État est légitime, mais cela ne fait pas nécessairement qu’il l’est. »

Concernant les négociations entamées en octobre entre la FSPX et Rome, il se dit convaincu que les positions sont « inconciliables » : « Ou la Fraternité se trahit, ou Rome se convertit, ou l’on aboutit à un dialogue de sourds » affirme ce farouche opposant à Vatican II. Quant à son procès en Allemagne (1) : « excitation raciale, parce que j’ai mis en question les 6 millions de juifs gazés, et le mettre en question c’est un crime selon le droit allemand, donc ils m’attaquent ». S’il a présenté publiquement ses excuses pour le scandale provoqué il y a un an, Mgr Richard Williamson n’a en effet pas voulu revenir sur le fond de ses propos.

«Moins il parle, mieux on se porte»

Cette première prise de parole est pour le moins inattendue. Car depuis un an, la FSPX a tenté de faire oublier le récalcitrant. En Argentine, on n’a plus de nouvelles de lui « depuis les circonstances malheureuses de son départ », souligne le P. Christian Bouchacourt, supérieur du district d’Amérique du Sud. « Il est au repos, il prend du recul », précise-t-il.

Mgr Williamson, qui s’est vu retirer toute fonction, a en effet reçu ordre de ne plus s’exprimer publiquement sur ses opinions politiques. En mars, le supérieur de la FSPX Mgr Fellay souhaitait, dans une interview à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, « qu’il disparaisse de la vie publique pour un bon moment ». « C’est une punition », précisait-il, le 29 juin. « La plupart des fidèles l’aiment bien, mais tout le monde est d’accord pour dire qu’il nous a mis dans l’embarras pour un sujet qui n’a rien à voir avec notre combat. Mieux vaut qu’il se taise. Moins il parle, mieux on se porte », résume sans ambages le P. Grégoire Celier, porte-parole du district de France.

«Un excessif qui ne fait pas dans la nuance»

Reste que ce retour sur la scène publique dénote les ambiguïtés d’un personnage incontrôlable. Né à Londres le 8 mars 1940 dans une famille anglicane, diplômé en littérature à Cambridge, cet homme « fasciné par la face cachée des choses », selon le P. Celier, se convertit au catholicisme à 31 ans, en découvrant les apparitions mariales – non reconnues – de Garabandal en Espagne. L’année suivante, en 1972, il entre à Écône.

Alors supérieur du séminaire, Mgr Jacques Masson, qui a depuis quitté la Fraternité, évoque « un exalté » et précise qu’il avait demandé à Mgr Lefebvre de mettre à la porte du séminaire R. Williamson et d’autres « ultras » : « Il faisait partie de l’aile la plus intransigeante avec Rome. Je redoutais qu’il pousse Mgr Lefebvre au durcissement et finalement au schisme. » Mgr Masson fut écarté du séminaire et le P. Williamson consacré évêque en 1988. Ce dernier reste aujourd’hui membre du conseil élargi de la Fraternité Saint-Pie-X qui définit la stratégie à adopter face à Rome.

« C’est un excessif qui ne fait pas dans la nuance sur la forme. Mais sur le fond, les quatre évêques avancent d’un même pas », indique encore le P. Celier, avant de remarquer : « N’oublions pas qu’il vieillit et à bientôt 70 ans, s’achemine vers l’âge de la retraite épiscopale (75 ans, NDLR), il ne va pas refaire une nouvelle carrière extraordinaire. »

Céline HOYEAU

(1) Poursuivi par le Tribunal de Ratisbonne pour « incitation à la haine raciale », il a refusé de payer l’amende de 12 000 €, qui lui aurait évité un procès prévu vraisemblablement en mars.