22 mars 2007

Benoît XVI joue la montre
22 mars 2007 - Philippe Clanché - temoignagechretien.fr
Avec son dernier texte, le pape calme le jeu. Pour mieux poursuivre la restauration traditionaliste ?
Benoît XVI joue la montrepar Philippe Clanché
Presque deux ans après le changement de pontife, la logique des catholiques progressistes sur les messages romains a changé. Sous Jean Paul II, on espérait des avancées. Sous Benoît XVI, on redoute des régressions. À force de craindre la libéralisation complète de l’usage de la messe « à l’ancienne » (selon le rite de saint Pie V), certains tressautent à chaque publication vaticane.
C’est à travers ce prisme qu’il faut considérer la réception, parfois alarmiste, de l’Exhortation apostolique Sacramentum caritatis, publiée le 13 mars. Le document reprend les travaux du Synode des évêques sur l’eucharistie, tenu en octobre 2005. Signé de la main du pape, il est d’abord un document collégial et international. On ne peut donc y voir simplement un diktat romain décalé des réalités du terrain. Dans plusieurs conflits avec le pouvoir central, les Églises locales semblent avoir obtenu gain de cause.
Dès le début du texte, Benoît XVI veut rassurer les fidèles attachés à la liturgie de Paul VI : « Les pères synodaux ont rappelé l’influence bénéfique que la réforme liturgique réalisée à partir du Concile œcuménique Vatican II a eue pour la vie de l’Église. Les difficultés et aussi certains abus relevés ne peuvent pas masquer que le renouveau litur- gique, qui contient encore des richesses pas pleinement explorées, est bon et valable. » Plus loin, le pape en remet une couche, en demandant de « demeurer fidèles à l’intention profonde du renouveau liturgique voulu par le concile Vatican II, en continuité avec toute la grande tradition ecclésiale ». Enfin, il recommande la poursuite du processus d’inculturation de la messe, cette indispensable adaptation, formelle, aux traditions locales. Nous voici soulagés.
Blocages et crispations
Gardant certains bons côtés de son prédécesseur, Benoît XVI consacre deux articles aux liens entre eucharistie et implication sociale des fidèles, ainsi qu’un joli couplet écolo : « La terre n’est pas une réalité neutre, une simple matière à utiliser indifféremment selon l’instinct humain. » Pour le reste, le document réaffirme bien des blocages que l’on désespère voir levés un jour. Les catholiques qui suivent la messe à la télé « ne satisfont pas au précepte dominical ». Les divorcés-remariés, qui constituent « un problème pastoral épineux et complexe, une vraie plaie du contexte social actuel, qui touche de manière croissante les milieux catholiques » demeurent interdits de communion. Les hommes et femmes que leur conjoint a quittés apprécieront d’être autorisés à tout vivre dans leur Église, sauf le plus important. Rien de neuf non plus concernant le célibat des prêtres. On peut simplement s’étonner de l’argument : « Le Christ a vécu sa mission jusqu’au Sacrifice de la croix dans l’état de virginité. » Tous les historiens sérieux disent ne rien savoir de la vie d’adulte du Nazaréen avant sa vie publique…
On connaît le faible de Benoît XVI pour les liturgies d’hier. Pour autant, il ne ferme aucune porte. Les assemblées dominicales en absence de prêtre (Adap) sont tolérées, à défaut d’être encouragées. Le pape préconise le latin pour les célébrations internationales principalement, et demande que les séminaristes « soient préparés à comprendre et à célébrer la messe en latin » et à utiliser le chant grégorien. Les communautés catholiques de France continueront de célébrer comme aujourd’hui. Pour fêter leur triomphe, hélas prévisible, les fidèles de l’abbé Laguérie doivent encore patienter. Et le pape demeure tiraillé entre l’envie de voir revenir au bercail de nouvelles troupes prêtes au service et l’angoisse face aux conséquences d’une fronde dévastatrice, notamment en France.