12 mai 2007

Les accords de la Fraternité saint-Pie X avec Rome.
La pensée de Monsieur l’abbé Celier.
12 mai 2007 par Monsieur l’abbé Aulagnier - http://la.revue.item.free.fr/
Monsieur l’abbé Celier nous livre sa pensée sur ce sujet très important, les accords avec Rome, dans son dernier livre : « Benoît XVI et les traditionalistes ». Monsieur Olivier Pichon, philosophe, journaliste, directeur de l’hebdomadaire « Monde et Vie » lui pose de très pertinentes questions.



Je ne m’intéresserai, dans ce « Regard » de cette semaine, qu’à la dernière partie du livre, celle qui a pour objet le « Futur », - c’est son titre - et qui concerne, on le comprend, les « accords avec Rome ». C’est l’avenir. Cet accord est à venir. Il peut être lointain. Il peut être proche. Quoiqu’il en soit, il est dans le futur. Je ferai remarquer que Monsieur l’abbé Celier utilise peu le mot « accord ». Il lui préfère manifestement l’expression « régularisation canonique ». Lorsqu’il parle d’accord, il ajoute « accord canonique ». Il a raison.


Je ne m’intéresserai même seulement à l’argumentation de l’abbé, aux quelques principes qui lui dictent son attitude pratique. Nous commenterons plus tard ses jugements sur l’évolution de la crise de l’Eglise qu’il exprime lorsqu’il traite des différentes communautés qui dépendent de la commission Ecclesia Dei adflicta.



Pour l’instant, nous en restons aux grandes affirmations.



La Fraternité Saint-Pie X veut un accord. Tous ses membres le veulent.



La première affirmation qu’il faut noter c’est que Monsieur l’abbé Celier souhaite de tout son cœur, la conclusion de cet accord. Cette idée est partagée par tous les membres de la Fraternité Saint Pie X. Il le dit et le répète. Il faut en prendre note.



Voici quelques affirmations très nettes.



Olivier Pichon lui pose la question : « Vous ne pouvez tout de même pas nier que la Fraternité saint Pie X est divisée sur cette question des accords, et qu’un clan très hostile fait campagne en interne contre tout rapprochement. Il y a donc un risque d’éclatement ? »



Monsieur l’abbé Celier lui répond clairement : « …Non, la volonté de la Fraternité Saint-Pie X, de façon unanime, est d’aboutir un jour, et le plus tôt qu’il sera possible, à un régularisation canonique fondée sur la profession entière de la foi : tout simplement parce que cela fait partie de notre volonté d’être pleinement reliés à l’Eglise catholique » (p. 206)



Il le répète à la page 212 de son livre.



Olivier Pichon lui demande cette fois s’il n’y aurait pas une réelle pusillanimité dans la Fraternité qui empêcherait la conclusion de tout accord.



Monsieur l’abbé Celier lui répond nettement ; « ….La Fraternité saint Pie X est prête dans l’heure à tout accord, à tout arrangement qui garantira la foi pour l’Eglise et pour elle-même ».



Monsieur l’abbé le confesse de nouveau, d’une manière indirecte, à la page 247 de son livre lorsqu dit qu’il souhaite une normalisation de la situation canonique de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X dans l’Eglise. Il écrit : « Si nous ne sommes pas aujourd’hui dans la régularité canonique, nous ne demandons pas mieux que de retrouver demain cette pleine légalité. Pourvu évidemment que nous puissions rester fidèles à la tradition, selon que nous en avons une obligation de foi ».



Je crois qu’il est difficile d’être plus clair.



Toutefois la Fraternité sacerdotale Saint Pie X ne signera pas encore un accord



Toutefois la Fraternité sacerdotale Saint Pie X ne signera pas encore un accord ou mieux n’est pas prête de signer encore un accord, non pas en raison d’elle-même, mais parce que la situation ecclésiale est telle qu’il serait imprudent de signer un tel accord. Pour qu’un accord soit possible, il faut pouvoir confesser pleinement la foi catholique.



Cela aussi, il le dit clairement



Olivier Pichon lui fait remarquer que retarder sine die la signature d’un accord peut finir par lasser les protagonistes qui se dévouent à cette cause, le cardinal Castrillon Hoyos, voire même Benoît XVI,



Monsieur l’abbé Celier répond de fait : « C’est possible, je n’en disconviens pas. Il existe un risque. Mais la vie est faite de risques qu’il faut affronter avec lucidité. Sinon, on ne fait plus rien. Au demeurant, notre attitude n’est pas fondée d’abord sur la stratégie la plus payante à court ou long terme. Notre attitude est fondée sur la foi. Fondamentalement, c’est parce que nous estimerions mettre en danger notre foi en signant aujourd’hui un accord canonique, dans les termes qui nous sont proposés, que nous ne le ferons pas. On peut estimer fausse notre position, mais on ne peut pas faire comme si elle n’existait pas, comme si elle n’était pas telle que nous la disons. En conscience, pour le moment, nous ne sommes pas prêts à signer un accord. Ce qui ne signifie pas que, les circonstances changeant réellement (et l’histoire de l’Eglise montre que dans certains cas, cela peut aller extrêmement vite), nous ne pourrons signer : mais ce serait en réalité un accord substantiellement différent de celui qu’on nous propose aujourd’hui, même si les clauses pratiques restaient à peu près semblables ». (p 224)



La raison pour ne pas signer d’accord :
« tant que Rome sera résolument pour le Concile, nous ne pourrons prendre le risque de nous replacer entre ses mains »




Mais quelle est donc la raison essentielle pour ne pas signer cet accord « proposé » par Rome ?

Monsieur l’abbé Celier invoque une raison doctrinale. C’est parce que la foi est mise en cause et surtout pas suffisamment garantie dans l’accord proposé.



La chose est clairement dite à la page 184



Olivier Pichon l’interroge sur les conditions qui seraient acceptables par la FSSPX pour une signature : « faudrait-il attendre la résolution de tous les problèmes dans l’Eglise… mais alors c’est remettre la signature des accords à la Saint Glinglin »



Monsieur l’abbé Celier lui répond « Avant la « pleine résolution » de la crise. La Fraternité Saint Pie X ne prétend pas qu’elle n’acceptera un accord que lorsque l’Eglise aura pleinement recouvré sa tradition dans toutes et chacune des parties. Cela remettrait sine die un tel accord, car il sera toujours possible de trouver une portion de l’Eglise qui ne soit pas ce qu’elle doit être. En revanche, il faut créer « de façon irréversible une situation qui rende possible des accords canoniques ». C’est-à-dire qu’il faut que Rome s’engage clairement en faveur de la foi vraie et intégrale, en faveur de l’élimination des erreurs, en faveur de la revivification de la vie chrétienne traditionnelle, même si cette volonté n’a pas encore atteint toutes les parties de l’Eglise ». (p 184)



Ainsi le jour où apparaîtra clairement un retour de l’Eglise vers sa tradition, l’attitude de la Fraternité sera radicalement différente. Retenons bien cette proposition. Elle est au cœur de la pensée de la Fraternité Saint Pie X dans ce difficile problème des « accords avec Rome.



Monsieur Olivier Pichon insiste et lui pose clairement la question : Si à la suite des discussions doctrinales, Rome donne un sérieux coup de barre vers la tradition, tout en vous laissant le droit d’émettre des critiques publiques de Vatican II et de la Nouvelle Liturgie. à ce moment, la Fraternité Saint Pie X signe-t-elle les accords ? »



La réponse est spontanée : « Oui, évidemment. A partir du moment où le chemin inverse de la rupture de 1974-1977 a été parcouru ; à partir du moment où notre confession de la foi n’est plus directement menacée, il est normal de vouloir retrouver la légalité canonique. C’est une évidence. Et, alors, dans une Eglise que son capitaine aura réorientée par un bon coup de barre, mais qui restera encore contaminée de multiples erreurs, commencera pour nous, au sens strict, ce que Mgr Lefebvre a appelé « l’expérience de la tradition » (p 202)



Il faut donc conclure que, pour la FSSPX, ce « coup de barre » vers sa tradition n’est pas encore donné ou pas encore suffisamment donnée puisqu’elle ne veut encore signer un accord. Il n’est pas assez clair. La « machine institutionnelle »,- c’est ainsi qu’il regarde l’Eglise -, c’est un aspect de l’Eglise, elle est aussi « institution », roule encore pour « Vatican II ». Et c’est là que se trouve le danger, pour Monsieur l’abbé, d’un ralliement en cas de signature comme beaucoup l’ont fait dans un passé récent. C’est toute l’histoire des « Instituts Ecclesia Dei ». Cette idée occupe de nombreuses pages de cette partie du livre.



Voilà ! Quitte à me répéter. Le danger de se laisser « contaminer » : c’est la grande idée immédiate et concrète qui justifie, pour la Fraternité Saint Pie X, son refus de la signature des accords.



Monsieur l’abbé Celier l’écrit à plusieurs endroits.



« Je me refuse donc de croire que cette évolution des Instituts Ecclesia Dei tienne principalement à la faiblesse des hommes : je la crois au contraire structurelle. On ne peut sous-estimer la puissance formidable de l’appareil ecclésiastique, sa capacité à attirer, à imprégner, à orienter, à marquer les âmes. C’est une des forces principales de l’Eglise, nous ne devons pas nous en étonner. Il n’est pas surprenant que l’appareil ecclésiastique ait réussi à faire évoluer en son sens les hommes qui l’on rejoint depuis vingt ans. Le problème, c’est que cet appareil ecclésiastique roule aujourd’hui pour Vatican II. C’est donc vers Vatican II qu’il attire les Instituts Ecclesia Dei : tout simplement! Il serait téméraire pour la Fraternité Saint-Pie X de se croire plus maligne ou plus forte que ceux qui, dans le passé, ont signé des accords. Si de plus coriaces que nous s’y sont cassé les dents, nous nous casserons également les dents tant que l’orientation fondamentale de l’appareil ecclésiastique n’aura pas changé » (p 221)



Il répète son argument à la réflexion qu’Olivier Pichon lui fait sur les membres de l’ « Institut du Bon Pasteur » qui ne semblent pas vouloir trahir leur foi baptismale : « Ce sont incontestablement des fortes têtes, dit-il ( !)…Je souhaite qu’ils réussissent à tenir le coup et à conserver leur liberté de critique à l’égard de Vatican II, à l’intérieur même de la structure ecclésiastique. Comme je l’ai dit une telle réussite démontrerait que nos craintes sont désormais infondées. Mais l’histoire, tant longue que récente, m’enseigne la capacité d’assimilation quasi illimitée de l’appareil ecclésiastique. Je reste dubitatif sur la capacité de quelques prêtres même psychologiquement très solides, à résister à une telle puissance. C’est pourquoi tant que Rome sera résolument pour le Concile, nous ne pourrons prendre le risque de nous replacer entre ses mains « (p 222)



Il se répète en fin de page : « « Tant que l’appareil ecclésiastique sera fermement attaché à Vatican II, les normes juridiques les plus favorables ne seront qu’un frêle papier à cigarettes pour nous protéger des pressions. Lorsqu’au contraire le coup de barre vers la tradition aura été donné, des normes juridiques même un peu bancales seront acceptables, car la vie de l’Eglise, alors, travaillera chaque jour à les améliorer. Le fond du problème est là, et nulle part ailleurs ».



Voilà qui est clair.



C’est la pensée de Monsieur l’abbé Célier et, n’en doutons pas, de la Fraternité saint Pie X ;

Elle est bien synthétisée.



Simples remarques.



Je ferai, à ce moment de notre analyse, simplement, trois remarques.



Premièrement. Puisque la Fraternité Saint-Pie X attend de la part de Rome, un « coup de barre » franc et massif vers sa tradition, pour régulariser sa situation avec Rome, il serait intéressant d’étudier si ce coup de barre, n’a pas, de faite, commencé à être donné. Ne pouvons nous pas le voir et en dater son début juste après les sacres faits par Mgr Lefebvre, le 3 juillet 1988. Le discours du cardinal Ratzinger au Chili en est, pour moi, la première initiative…J’ai développé très souvent une telle idée. Voilà, du moins, un sujet de discussion que l’on pourrait avoir avec Monsieur l’abbé Celier…



Deuxièmement. Vous reconnaîtrez avec moi que Monsieur l’abbé Celier ne nous parle pas des propositions faites par Rome à la Fraternité Saint-Pie X, au sujet de l’accord. Il dit que des propositions ont été faites. J’ai cité le passage. Mais il ne dit pas lesquels. Pour moi, elles sont les mêmes que celles que Rome a proposé en 2000-2001 et à la Fraternité Saint-Pie X et à la Fraternité saint Jean-Marie Vianney, nos amis de Campos. Elles tournent toujours autour des mêmes questions : la messe tridentine, le Concile Vatican II.



La messe tridentine : Rome est décidée à en reconnaître le droit, la légitimité. Elle souhaite même sa célébration. Elle encourage et crée même, si cela est possible, des Instituts à cet effet Ce sont là des encouragements réels, des faits. Hier, cela était impensable. Aujourd’hui c’est possible. Non seulement possible mais loué. Sur ce point précis, ne peut-on pas voir un véritable coup de barre vers sa tradition. Ce coup de barre commence même, sous un certain point avec la lettre apostolique « Quattuor abhinc annos », il passe par la création d’une commission de neuf cardinaux, en 1986, pour s’exprimer plus clairement encore dans le Motu Proprio Eccelsia Dei adflicta, avec le souhait exprimé par le Pape Jean-Paul II à l’épiscopat catholique d’être plus large dans la « concession » de la célébration de la messe tridentine, en passant par cette fameuse messe célébrée le 24 mai 2003 à sainte Marie Majeure par le Cardinal Castrillon Hoyos affirmant, au nom du pape, que cette messe jouit dans l’Eglise d’un vrai « droit de citoyenneté », pour arriver enfin à la création d’une Administration Apostolique dont le rite tridentine est son droit propre, son « rite propre ». Il en est de même pour la dernière création romaine : l’Institut du Bon Pasteur. N’est-ce pas des choses à prendre en compte qui montrent le retour de l’Eglise vers sa tradition, du moins du coté de Rome ? On parle enfin d’un prochain Motu Propri qui aura pour objet la messe de toujours et son droit dans l’Eglise. Il faudrait aussi parler des documents romains qui insistent sur la Réforme liturgique nécessaire à mettre en place. Je trouve là Monsieur l’abbé Celier très sévère. Tout peut coopérer à la création d’un mouvement vers le retour de l’ordre…



La deuxième question c’est le Concile. Là aussi on voit l’évolution romaine. Hier, il était impossible d’en faire la moindre critique. Mgr Lefebvre et la Fraternité Saint Pie X en savent quelque chose puisque Mgr Lefebvre fut condamné en raison de sa déclaration du 21 novembre 1974, son séminaire fermé, sa fondation détruite, nul ne devant lui accorder désormais le moindre soutien….Aujourd’hui, sur ce point, les choses ont bien changé, à Rome. La critique est possible. En 1988, cela fut écrit noir sur blanc dans le protocole d’accord signé par Mgr Lefebvre. Aujourd’hui avec les prêtres de l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney, les choses ont été répétées avec encore plus de libéralité ainsi que lors de la création de l’Institut du Bon Pasteur. Ce que les fondateurs ont signé sur ce sujet est clair, libre discussion sur le Concile dans le respect, bien évidemment, du Magistère de l’Eglise.

Nous pourrions discuter de tout cela avec Monsieur l’abbé Celier. Le principe posé par Monsieur l’abbé Celier pour refuser tout accord avec Rome peut être discuté. Ne pourrions-nous pas ébranler les autorités de la Fraternité pour le bien? Nous savons expressément aujourd’hui leur raison.



Troisièmement. Je ferai encore une troisième remarque sous forme de question : Mais pourquoi donc Monsieur l’abbé Celier ne parle-t-il pas de la lettre que Mgr Lefebvre remettait au Cardinal Gagnon à la fin de sa visite canonique le 8 décembre 1988 et datée du 21 nombre 1987. Dans cette lettre qui a pour objet « la normalisation canonique » de la Fraternité Saint Pie X dans le sein de l’Eglise, nous avons toute la pensée de notre fondateur sur ce délicat problème. Elle est dominée par ce grand axiome : « Qu’on nous prenne tels que nous sommes » dit-il au Cardinal Gagon, c’est-à-dire, avec notre amour pour la tradition. Rome est prête à le faire aujourd’hui. Elle est prête à nous donner les garanties nécessaires à notre fidélité à la tradition, refusés à l’époque, en 1988. Elle l’a fait pour les pères de Campos leur donnant une véritable exemption vis-à-vis de l’évêque territoriale. A l’Institut du Bon Pasteur, le Vatican nous a pris tels que nous sommes. C’est, du moins, mon sentiment. Ce fut le cas aussi pour les pères de Campos au Brésil. Pourquoi ce ne le serait-il pas pour les membres de la Fraternité Saint-Pie X ? Mais faudrait-il encore vouloir avancer ou permettre que la situation avance. N’est-ce pas là le vrai problème de la Fraternité Saint Pie X ? Monsieur l’abbé Célier ne l’aborde pas. C’est dommage ! On peut le faire loyalement. Je le lui propose.