10 mai 2003

"Traditionnel et Catholique, en Union avec le Saint Siège" - conférence de Mgr Rifan à Londres, le 10 mai 2003.
Mgr Fernando Arêas Rifan dirige l’Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney.
Mesdames et Messieurs les Directeurs du Centre International d'Études Liturgiques du Royaume-Uni - CIEL-UK – à l'invitation de qui je dois la grande joie d’être ici présent, Mes très Révérends Pères
Mesdames et Messieurs les Membres du CIEL-UK, Très chers frères et amis de la Liturgie Traditionnelle, Mesdames et Messieurs.
Il me faut tout d’abord remercier le CIEL-UK en la personne de sa présidente Mme Nicole Hall, pour son aimable invitation, pour l'occasion et la joie qu’elle me donne d'être ici, pour la Sainte Messe que nous célébrons et pour cette conférence.
Je remercie surtout Son Eminence le Cardinal Cormac Murphy-o'Connor, Archevêque de Westminster, qui nous a donné très aimablement l’autorisation de cette Messe Pontificale. Je remercie le Père Ignatius Harrison, Supérieur de l'Oratoire de Londres, qui est venu à notre sacre et qui me loge très gentiment ici à Londres.
Je vous remercie tous de votre présence et, d'avance, de votre attention et de votre patience.

INTRODUCTION.
Je vous ai déjà été présenté : je suis Mgr Fernando Arêas Rifan, Évêque titulaire de Cedamusa, Administrateur Apostolique de l'Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney de Campos, Rio de Janeiro au Brésil ; j’ai été consacré évêque le 18 août 2002 par Son Eminence le Cardinal Darío Castrillón Hoyos, préfet de la Congrégation pour le Clergé. Ayant été nommé par le Saint Père le Pape Jean-Paul II évêque coadjuteur de Son Excellence Mgr Licínio Rangel, lors du décès de ce dernier le 16 décembre, je suis devenu automatiquement, selon le Droit Canonique, son successeur, et donc l'Administrateur Apostolique.
Notre Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney est une circonscription ecclésiastique officielle dans l'Église Catholique, érigée par le décret Animarum bonum de la Congrégation pour les Évêques le 18 janvier 2002 ; selon la volonté du Souverain Pontife dans la lettre autographe Ecclesiae unitas du 25 décembre 2001, elle concerne les catholiques attachés aux formes liturgiques de la Liturgie Romaine antérieure à la dernière réforme liturgique de 1969. Pour que vous puissiez mieux comprendre comment tout cela s'est développé, j’aimerais vous raconter un peu de notre histoire.

NOTRE PETITE HISTOIRE À L'INTÉRIEUR DE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
L'Église Catholique ici sur terre est militante, parce qu'elle est toujours en combat contre les ennemis de Dieu et des âmes, de l’intérieur et de l’extérieur, contre les péchés et les hérésies.
A peine sortie des persécutions romaines des trois premiers siècles, l'Église a eu à combattre les grandes hérésies trinitaires et christologiques qui sont apparues en son sein.
Même à l'apogée de la chrétienté médiévale, une époque de grands Saints, les grandes hérésies n’ont pas manqué, qui requirent beaucoup de vigilance de la part de l'Église.
La décadence des mœurs de la Renaissance, cette décadence morale qui a atteint tous les niveaux de l'univers chrétien, du petit peuple jusqu'à la plus haute hiérarchie, a produit comme fruit le protestantisme (la pseudo-réforme) qui a fait et qui fait encore de grands dommages parmi le peuple chrétien, surtout avec ses erreurs sur la prêtrise, sur l’Eucharistie et sur le sacrifice de la Messe. La vraie réforme a été opérée par l'Église à travers le Concile de Trente et le zèle des saints, tels saint Ignace et sa Compagnie de Jésus, saint Charles Borromée et la fondation des séminaires, saint Pie V et la codification de la Liturgie.
À la fin du XVIIIè siècle, vint la Révolution Française avec sa proclamation des droits de l'homme indépendamment des droits de Dieu, avec le laïcisme des États et les libertés modernes, avec une violente persécution de l'Église.
Ensuite, au XIXè siècle, c’est le libéralisme qui a prédominé, condamné par l'Enseignement de l'Église.
Au début du XXè siècle, Saint Pie X a condamné le modernisme dans l'Église, ce résumé de toutes les hérésies. Dans le domaine social apparaissait le communisme, fruit de la philosophie marxiste, destructeur de la société chrétienne et grand persécuteur de l'Église. Deux guerres mondiales ont servi pour augmenter la laïcisation et la déchristianisation de la société.
Et beaucoup d'erreurs, déjà condamnés par l'Église, ont commencé à se réintroduire dans les rangs catholiques. Le Saint-Père Pie XII a renouvelé la condamnation de ces erreurs dans plusieurs encycliques, surtout dans Humani Generis et, dans le domaine liturgique, dans Mediator Dei (1947).
En 1948, Mgr António de Castro Mayer a été nommé évêque de Campos ; c’était un professeur, docteur en Théologie, formé à l'Université Grégorienne de Rome, très fidèle à l'Enseignement de l'Église. Mgr António, à travers ses sermons, ses articles et, surtout, de brillantes Lettres Pastorales, alertait continuellement ses prêtres et ses diocésains contre les erreurs actuelles, déjà condamnées par l'Église, qui s'infiltraient de toute part. Et c’est dans cet esprit de fidélité à l'Église que Mgr António formait ses prêtres.
Ayant participé au Concile Vatican II de 1962 à 1965, Mgr António a cherché à donner aux prêtres et aux fidèles la légitime interprétation de l'"aggiornamento" désiré par le Pape Jean XXIII, mettant en garde contre ceux qui, profitant du Concile, cherchaient à faire revivre dans l'Église le modernisme et son ensemble d'hérésies, en mettant en place ce que le Pape Paul VI dénoncera comme l’ "autodémolition de l'Église".
Après le Concile, une grande crise, sans précédents, s'est installée dans l'Église, avec des apostasies de prêtres et de religieux à grande échelle, une désacralisation de la liturgie, une laïcisation du clergé, une diminution des vocations, la sécularisation des séminaires, un œcuménisme irénique, un syncrétisme religieux, etc. Comme l’a dit le Pape Jean-Paul II : "On a répandu à pleines mains des idées contraires à la vérité révélée et enseignée depuis toujours ; de véritables hérésies ont été diffusées dans les domaines de la dogmatique et de la morale... même la Liturgie a été violée" (Allocution au Congrès des Missions, 6/2/1981).
Au milieu de la crise générale, Mgr António a cherché à préserver son Diocèse dans la vraie doctrine catholique, en formant des prêtres et en guidant les fidèles.
Après le Concile ont été introduites quelques modifications dans la Liturgie de la Messe, que Mgr António a accepté docilement et a adopté dans le Diocèse. Mais quelques symptômes selon lesquels la réforme liturgique ne marchait pas bien laissaient insatisfait. Le Cardinal Antonelli, membre de la Commission Pontificale pour la Réforme de la Liturgie, admet que la réforme était l’œuvre de "personnes... avancées dans les voies des nouveautés..., sans aucun amour et sans aucune vénération pour ce qui nous avait été transmis" (Il Card. Ferdinando Antonelli et gli sviluppi della riforma liturgica dal 1948 al 1970 - Studia Anselmiana - Rome).
En 1969, arrivait le Novus Ordo Missae du Pape Paul VI, qui n'a pas manqué de laisser perplexes beaucoup de catholiques, même des personnalités importantes comme quelques cardinaux de la Curie Romaine.
C’est avec de telles perplexités que Mgr António écrivit au Pape Paul VI pour exposer sa difficulté de conscience à accepter la nouvelle Messe. Voici un extrait de sa lettre : "En ayant examiné attentivement le 'Novus Ordo Missae'... après avoir beaucoup prié et réfléchi, j'ai jugé de mon devoir, comme prêtre et comme évêque, de présenter à Votre Sainteté mon angoisse de conscience, et de formuler, avec la piété et la confiance filiales que je dois au Vicaire de Jésus-Christ, une supplique... J'accomplis ainsi un impérieux devoir de conscience, en suppliant humblement et respectueusement Votre Sainteté de bien vouloir daigner... nous autoriser à garder l'usage de l''Ordo Missae' de Saint Pie V, dont Votre Sainteté rappelle avec tant d’onction l'efficacité pour propager la Sainte Eglise et pour augmenter la ferveur des prêtres et des fidèles" (Lettre du 12 septembre 1969).
De cette manière, bien que Mgr António n'ait obligé personne (et il y a eu des prêtres qui adoptèrent la messe nouvelle) dans la grande majorité des paroisses du diocèse de Campos, on a conservé officiellement la Messe traditionnelle, dite de Saint Pie V, et toute l'orientation traditionnelle de l'apostolat.
En 1981, Mgr António a été remplacé sur le siège épiscopal de Campos. Les évêques qui l'ont suivi n'étaient pas de la même ligne. Ayant été retirés des paroisses, suivis par des milliers de fidèles qui désiraient la Messe et l'orientation traditionnelle de l'Église, les "prêtres de Campos" se virent dans la nécessité de s’occuper des fidèles qui s’adressaient à eux, et ils ont continué, dans de nouvelles églises et chapelles, à leur donner les sacrements. C’est ainsi que fut créée l'Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney. Et, sans aucune intention de faire le moindre schisme dans l'Église, ils ont demandé aux Évêques de la Fraternité Saint Pie X de consacrer l’un de leurs prêtres, Mgr Licínio Rangel, pour s’occuper des fidèles de la ligne traditionnelle. Évêque sans juridiction, avec seulement le pouvoir d'Ordre, sans intention de constituer un diocèse parallèle (1991). Il est clair que cette situation d'urgence n’aurait pas pu durer indéfiniment. Tous aspiraient à ce que tout revienne à la normale.
Lors du Jubilé de l'an 2000, les prêtres de Campos ont fait le pèlerinage de l'Année Sainte à Rome en même temps que la Fraternité Saint Pie X. À cette date, le Cardinal Darío Castrillón Hoyos, le préfet de la Congrégation pour le Clergé, avec l'approbation et la bénédiction du Saint Père le Pape Jean-Paul II, a commencé les conversations en vue d'une régularisation juridique de la situation de ceux que l’on appelle les prêtres et les fidèles de la Tradition.
Les prêtres de l'Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney ayant écrit une lettre au Saint Père, demandant à être "acceptés et reconnus comme catholiques", le Pape leur a répondu en les accueillant avec bienveillance, en érigeant, le 18 janvier 2002, l'Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney, avec son Évêque propre et ses prêtres, avec une juridiction personnelle sur les fidèles, avec le droit d'avoir la Messe Traditionnelle comme rite propre (obtenant donc la réalisation officielle de ce que sollicitait Mgr António de Castro Mayer) ; il suspendait toutes les censures et les peines qu’ils avaient éventuellement encouru, régularisant de cette manière leur situation juridique à l'intérieur de l'Église Catholique, reconnaissant canoniquement leur appartenance à l’Eglise et respectant leur réalité ecclésiale et leurs caractéristiques particulières.

MOTIF DE CE QUE L’ON APPELLE ACCORD AVEC LE SAINT SIÈGE
Comme nous l’avons déjà dit, par la lettre autographe Ecclesiae unitas du Saint Père le Pape Jean-Paul II, du 25 décembre 2001, et par le décret Animarum bonum de la Sacrée Congrégation pour les Évêques du 18 janvier 2002, le Saint-Siège a créé l'Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney, pour les catholiques du Rite Tridentin, avec Évêque propre, prêtres, paroisses personnelles et séminaire propre, pour prendre soin des fidèles liés à la Liturgie traditionnelle du rite latin.
Ce fut un événement historique et de grande importance pour l'Église Catholique.
Ce ne fut pas un accord à proprement parler, comme je vais vous l’expliquer.
Si nous considérons l'aspect juridique, à propos de ce qui nous a été accordé, nous pouvons dire qu'il y a eu une concession juridique de la part du Saint-Siège.
Mais si nous considérons les pourparlers et les conversations, ce ne fut pas proprement un accord, mais une compréhension.
Bien que le mot "accord" ait été utilisé dans les pourparlers avec le Saint-Siège, nous considérons qu’il est moins approprié à la circonstance présente. D’abord, parce qu’on ne fait pas d’accord avec un supérieur, et encore moins avec le Pape : on lui doit respect et obéissance, selon les normes de l'Église. En second lieu, parce que "accord" suppose des concessions et des négociations, qui en réalité n’ont pas eu lieu. Le mot qui exprime le mieux ce qui s’est passé est "entente".
En vérité, nous étions connus pour notre part négative et caricaturale : les "prêtres de Campos", "traditionalistes", étaient ceux qui n'acceptaient absolument pas le Pape et qui ne reconnaissaient ni le Concile Vatican II ni la validité du Novus Ordo Missae, la Messe de Paul VI. Il a donc été nécessaire d'exposer notre position véritable qui, une fois "comprise", "entendue" telle qu’elle est, a permis notre approbation et notre reconnaissance comme catholiques, en parfaite communion avec la Sainte Eglise. Il y a donc eu une "entente" et, avec elle, une régularisation juridique.

POURQUOI CHERCHONS-NOUS CETTE UNION AVEC LE SAINT SIÈGE.
Mgr Licínio Rangel a répondu de la manière suivante à la revue internationale 30 Jours : "Ce fut notre amour de Rome et du Pape, notre sens catholique, fruit de la formation que nous avions reçu de Mgr António de Castro Mayer, qui nous ont portés à toujours désirer l'union avec la Hiérarchie de la Sainte Eglise. Nous avons toujours eu conscience de ce que notre position de résistance pour la Tradition (et la situation d'exception qui s’en suivait) se devait d’être circonstancielle, temporaire et limitée à des sujets précis, à l’origine des points aigus de la crise ; une résistance justifiée par l'état de nécessité des âmes, sans aucune intention de schisme. La preuve en est qu’après le décès de Mgr António de Castro Mayer, quand j’ai reçu il y a dix ans un épiscopat d'urgence et de suppléance pour les fidèles de la ligne traditionnelle, j'ai déclaré que j’attendais un changement des circonstances pour remettre au Pape mon épiscopat, pour qu’il en dispose comme il le voudrait. Aucune rupture avec l'Église, donc. Ainsi nous avons toujours soupiré après une régularisation et une reconnaissance. L'occasion est apparue après notre pèlerinage à Rome pour le Jubilé de l'an 2000, quand le Saint Père a nommé le Cardinal Darío Castrillón Hóyos pour, en son nom, commencer des conversations en vue de notre régularisation. Les conversations se sont tenues toute l'année 2001 et, grâce à Dieu, elles sont arrivées à bon terme, avec notre complète reconnaissance canonique au sein de la Sainte Eglise".

LA NÉCESSITÉ D'UNE RECONNAISSANCE
Tout catholique doit être uni à la hiérarchie de l'Église. D'ailleurs, c'est un dogme de la Foi catholique : "Nous déclarons, disons et définissons qu’il est absolument nécessaire au salut que tous les hommes se soumettent au Pontife Romain" (Boniface VIII, Bulle Unam Sanctam, Dz-Sh 875). Et le Magistère de l'Église (Léon XIII - encyclique Satis Cognitum) nous enseigne que l'unité du gouvernement est aussi nécessaire que l'unité de Foi.
Donc, être séparé de la hiérarchie, même matériellement parlant, et même pour une question de nécessité, est quelque chose d’anormal, de temporaire, qui doit prendre fin. C'était bien la pensée de Mgr Marcel Lefebvre, quand, dans les conversations qu’il eût avec le Saint Siège en 1988, il écrivait au Cardinal Ratzinger : "Ayant pu suivre les travaux de la Commission chargée de préparer une solution acceptable pour le problème qui nous préoccupe, il semble, qu’avec la grâce de Dieu, nous nous acheminons vers un accord, ce dont nous sommes très heureux" (lettre du 15/4/1988 - cf. Fideliter - le dossier complet).

DANGER DE SCHISME DANS CET ÉTAT DE SÉARATION
Les prêtres de l'Union Sacerdotale de Campos et Mgr Licínio, après avoir beaucoup réfléchi, ont écrit officiellement le 5 juin 2001 au supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay, avec qui nous étions unis dans les conversations avec le Saint Siège; nous lui présentions 28 raisons graves en faveur de la nécessité d’une reconnaissance, l'alertant du danger de continuer dans cet état anormal de séparation : "En considérant... que la situation actuelle des catholiques de la Tradition, situation de séparation de la hiérarchie, provoquée par la crise de l'Église, outre son aspect anormal, se doit d’être occasionnelle et temporaire, et qu’elle exige donc de notre part un désir ardent de régulariser et de s’unir, et non de se satisfaire de la situation ; en considérant que les effets négatifs de cette séparation anormale se font déjà sentir dans les milieux traditionalistes, provoquant un esprit de critique généralisée et systématique, un esprit d'indépendance, une autosatisfaction de l'anomalie de la situation et un sentiment de détenir personnellement l'exclusivité de la vérité ; en considérant le danger que cette séparation, au fil du temps, bien qu’elle ne signifie l’adhésion à aucun schisme théorique, puisse prendre un esprit de schisme, étant donné l’absence d'unité dans le gouvernement...". (Malheureusement, cette lettre n'a pas obtenu de réponse).
Les exemples que nous connaissons de cet esprit dans les milieux traditionalistes nous ont amenés à réfléchir sur le danger de cette séparation habituelle et systématique : les radicaux finissent par devenir sédévacantistes, schismatiques ou même apostats.
Saint Thomas d'Aquin dit : "On appelle schismatiques ceux qui refusent de se soumettre au Souverain Pontife et ceux qui se refusent à vivre en communion avec les membres de l'Église qui lui sont soumis" (Ii -II, q. 39, art. 1).
Le célèbre théologien espagnol Francisco Suarez enseigne qu'il y a plusieurs manières de devenir schismatique : "sans nier que le Pape soit le chef de l'Église, ce qui serait déjà de l’hérésie, on agit comme s'il ne l'était pas : c'est la manière la plus fréquente..." (De Charitate, de disp. 12, sect. I, n.2, t. XII, p. 733, in Opera Omnia).

OÙ ÉTAIT RÉELLEMENT L'IRRÉGULARITÉ DE LA SITUATION.
La principale irrégularité tenait au Sacre d'un Évêque, et dans le fait de le maintenir contre la volonté du Pape. Donc, à la première occasion, il fallait sortir de cette situation irrégulière, sans quoi il y avait un grave danger de passer d'un état de simple séparation à un schisme réel.
Comme l’a dit le Pape Pie XII dans l'Encyclique Ad Apostolorum Principis : "Aucune autorité en dehors du Pasteur Suprême... aucune personne ni assemblée de prêtres ni de laïcs, ne peut s'arroger le droit de nommer des évêques. Personne ne peut conférer légitimement le sacre épiscopal sans être certain d’en avoir le mandat pontifical. Un sacre ainsi conféré contre le droit divin et humain, et qui est un très grave attentat à l'unité même de l'Église, est puni d'une excommunication...".
De plus, en laissant passer le temps, commencent à apparaître des cas dans lesquels on a besoin du "pouvoir des clés", qu'un évêque sans juridiction ne possède pas ; par exemple, pour déclarer la nullité de mariages, pour séculariser des diacres, pour dispenser de vœux publics, etc. S'arroger de tels pouvoirs ce serait se substituer à la hiérarchie, former une église parallèle, ce qui réellement serait un schisme.
Dans notre cas, même si Mgr Licínio Rangel avait été sacré évêque dans une situation extraordinaire pour prendre soin des fidèles liés à la Liturgie traditionnelle, il aspirait toujours à une normalisation de la situation irrégulière dans laquelle nous nous trouvions, et il avait donc conscience que ce qui est normal pour un catholique c’est d’être uni et soumis à la hiérarchie de l'Église. De la sorte, aussitôt que le Saint Siège a offert l'occasion de régulariser, Mgr Licínio a affirmé : "c’en est fini de l'état de nécessité !" Et il a tout fait pour que les conversations avec le Saint Siège arrivent à bon terme, malgré les pressions subies de la part de ceux qui voulaient continuer dans la marginalité.

LA LUTTE POUR LA MESSE TRADITIONNELLE
Pendant de nombreuses années nous avons combattu et souffert pour maintenir la Messe Traditionnelle. Et maintenant, grâce à Dieu, comme une récompense pour cette lutte, le Saint Père nous a accordé le droit de conserver officiellement dans notre Administration Apostolique la Sainte Messe traditionnelle, codifiée par Saint Pie V, avec tous les sacrements, toute la Liturgie et la discipline traditionnelles.
La création de l'Administration Apostolique venait démontrer au monde qu’il était possible de maintenir la Liturgie Traditionnelle, en parfaite communion avec le Saint Père le Pape, sans avoir besoin de rompre la communion avec lui. On avait enfin accédé à la requête de Mgr António de Castro Mayer quand il demandait au Pape la faculté de continuer avec la Messe traditionnelle.
Ainsi nous conservons, avec les bénédictions du Saint Père le Pape, la Messe Tridentine parce que c'est une authentique richesse de la Sainte Eglise Catholique, une Liturgie qui a sanctifié beaucoup d'âmes, une Messe à laquelle les Saints ont assisté, une Messe qui, par sa façon claire et sans ambiguïté d’exprimer les dogmes eucharistiques, est devenue une authentique profession de Foi, un symbole de notre identité catholique, un vrai patrimoine théologique et spirituel de l'Église qu’il importe de maintenir.
Comme l’a bien dit le Cardinal Castrillón Hoyos, préfet de la Sacrée Congrégation pour le Clergé : "Le rite antique de la Messe sert précisément à beaucoup de personnes pour maintenir vif ce sens du mystère… Le rite sacré, avec le sens du mystère, nous aide à pénétrer avec nos sens dans l’enceinte du mystère de Dieu. La noblesse d’un rite qui a accompagné l’Eglise pendant tant d’années vaut bien la peine de ce qu’un groupe choisi de fidèles maintienne l’appréciation de ce rite, et l’Eglise par la voix du Souverain Pontife l’a compris ainsi quand elle demande qu’il y ait des portes ouvertes pour la célébration... Nous célébrons ensemble un beau rite, rite qui fut celui de nombreux saints, une belle messe qui a rempli les voûtes de nombreuses cathédrales et qui fit résonner ses accents mystèriques dans les petites chapelles du monde entier..." (extraits de l'homélie pendant la Messe St Pie V qu’il a célébré à Chartres le 4 juin 2001).
Le Pape J-P II a dit la même chose, à propos de la Messe traditionnelle, quand il l’a proposée comme modèle de révérence et d’humilité pour tous les célébrants du monde : "Le Peuple de Dieu a besoin de voir dans les prêtres et dans les diacres un comportement plein de révérence et de dignité, capable de l'aider à pénétrer les choses invisibles, même avec peu de mots et d’explications. Dans le Missel Romain, dit de Saint Pie V... nous trouvons de splendides oraisons par lesquelles le prêtre exprime le plus grand sens d'humilité et de révérence face aux saints mystères : elles révèlent la substance même de toute la Liturgie" (J-P II, message à l'Assemblée Plénière de la S. Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, sur le thème, Approfondir la vie liturgique au sein du Peuple de Dieu, le 21/9/2001).
Mais, aimer, défendre et conserver la Messe traditionnelle ne signifient pas considérer la Nouvelle Messe en elle même comme hérétique, sacrilège, peccamineuse ou illégitime. Cela irait contre le dogme de l’indéfectibilité de l'Église.
Nous avons dit dans notre déclaration que nous reconnaissons la validité du Novus Ordo Missae, promulgué par le Pape Paul VI, chaque fois qu’il est célébré correctement et avec l'intention d'offrir le vrai Sacrifice de la Sainte Messe.
D'ailleurs, c’était déjà l'enseignement de Mgr de Castro Mayer et aussi de Mgr Lefebvre ; dans la déclaration doctrinale de l'accord que ce dernier a révisé et signé, on lit ceci : "Nous déclarons en outre reconnaître la validité du Sacrifice de la Messe et des Sacrements célébrés avec l'intention de faire ce que fait l'Eglise et selon les rites indiqués dans les éditions typiques du Missel et des Rituels des Sacrements promulgués par les Papes Paul VI et J-P II". (Fideliter, le dossier complet).
Pourquoi avons-nous fait cette exception "chaque fois qu’il est célébré correctement et avec l'intention d'offrir le vrai Sacrifice de la Sainte Messe" ?
Parce que, si le prêtre célèbre la Messe avec l'intention de ne faire qu’un repas communautaire ou une simple réunion avec le récit de la Cène du Seigneur, sans l'intention d'offrir le vrai sacrifice de la Messe, il est clair que la validité de cette messe sera affectée.
En outre, il faut déplorer des messes, même valides, dans lesquelles "la Liturgie a été violée", comme l’a dit le Pape J-P II (Allocution au Congrès des Missions, 6/2/1981), ou dans lesquelles la "Liturgie dégénère en 'show', où on essaye de rendre la religion intéressante à l’aide de folies à la mode... avec des succès momentanés de la part du groupe des fabricants liturgiques", comme critique le Cardinal Ratzinger (Introduction au livre La Réforme Liturgique, de Mgr. Klaus Gamber, p. 6). Et encore, comme l’a dit le Cardinal Gagnon, président du Comité Pontifical pour les Congrès Eucharistiques Internationaux, "On ne peut ignorer cependant que la réforme (liturgique) a donné lieu à beaucoup d'abus et a conduit dans une certaine mesure à la disparition du respect dû au sacré. Ce fait doit malheureusement être reconnu et disculpe un bon nombre de ceux qui se sont éloignés de notre Église ou de leur ancienne communauté paroissiale" (...) (Integrismo e conservatismo", Interview du Card. Gagnon, "Offerten Zitung - Römisches", nov.déc. 1993, p.35)..
Il est clair que l'Église vit une grande crise. C’est une des raisons pour lesquelles nous gardons la Messe Traditionnelle. Comme l’a bien dit le Cardinal Ratzinger, actuel préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, "la crise ecclésiale, dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, dépend en grande partie de l'effondrement de la Liturgie" (Card. Ratzinger - La mia vita, p. 113). Donc, pour notre plus grande tranquillité et sécurité, nous conservons à notre Administration Apostolique, avec tout l'amour et la dévotion, en vertu de la faculté que nous a accordée le Saint Père le Pape, la Liturgie et la discipline liturgique traditionnelle comme notre rite propre, ce grand trésor de l'Église comme une authentique profession de foi catholique, en parfaite communion avec le Siège de Pierre. Et vous faîtes de même ici. Et j'aimerais faire l'éloge du CIEL-UK et de tous les catholiques qui aiment et s'efforcent de faire aimer la Liturgie Traditionnelle, et le Saint Père nous rassure en nous disant que notre attachement à la tradition liturgique du Rite Romain est légitime.
Par conséquent, comme je l’ai écrit dans ma première Lettre Pastorale, nous conservons la Tradition et la Liturgie traditionnelle, en union avec la Hiérarchie et avec l'Enseignement vivant de l'Église, et non en nous y opposant. Et la création de notre Administration Apostolique démontre que cela est parfaitement possible. Il est possible d'être catholique et traditionnel, en parfaite communion avec le Saint-Siège.

EN CONCLUSION
Nous aimons la Sainte Messe comme le centre de notre vie catholique, et comme la forme d'expression de notre foi et de notre adhésion à Notre Seigneur et à la Sainte Eglise.
Nous aimons la Messe Traditionnelle, ce grand trésor de la Sainte Eglise, claire profession de notre Foi catholique, en union avec la Hiérarchie et l'Enseignement vivant de l'Église.
Nous aimons le Saint Père le Pape et nous prions toujours pour lui.
Nous prions pour que Dieu remporte la victoire sur les ennemis de son Église : "ut inimicos Sanctae Ecclesiae humiliare digneris, te rogamus, audi nos" (Litanies des Saints).
Nous restons unis dans la prière.
Que tout serve à la plus grande gloire de Dieu, au triomphe de la Sainte Eglise et au salut de nos âmes
Que Notre Dame, Mère de l'Église, nous garde dans son coeur immaculé.