22 février 2001

"Une évolution se dessine parmi les catholiques traditionaliste..." - Élie Maréchal
Le Figaro, 22 février 2001
Depuis quelques mois, une évolution se dessine parmi les catholiques traditionalistes dont, au Vatican, est chargé le cardinal Dario Castrillon Hoyos, à la fois préfet de la Congrégation du clergé et président de la commission Ecclesia Dei. Cette commission romaine fut créée par Jean-Paul II en juillet 1988, au lendemain des quatre sacres épiscopaux que venait d'effectuer Mgr Marcel Lefebvre sans l'aval du Pape. Cette désobéissance avait alors été considérée comme " un acte schismatique " qui mettait la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X au ban de l'Église catholique, tandis que d'autres traditionalistes, préférant l'unité coûte que coûte, se rangeaient sous la houlette de la Fraternité Saint-Pierre. Dix années durant, la situation a paru figée. Elle ne l'est plus.
La Fraternité Saint-Pierre, restée dans le giron de l'Église, a connu récemment de sévères remous sur la question de savoir si un prêtre traditionaliste pouvait ou non accepter de concélébrer la messe autour d'un évêque, selon le rite issu du concile Vatican II. En juin dernier, Rome a nommé un nouveau supérieur, l'abbé Arnaud Devillers, pour cette Fraternité. Mais les risques d'éclatement demeurent chez ces traditionalistes qui se sentent les mal-aimés de l'Église, malgré leur fidélité, non dénuée d'exigences auprès des évêques.
Quant à la Fraternité Saint-Pie X, elle a voulu, depuis deux ans, éviter de devenir une " petite Église " à la dérive. Elle s'est d'abord employée à nouer des contacts avec le clergé fiançais à travers une Lettre aux prêtres, depuis mars 1999. Puis, à la faveur du Jubilé, elle a organisé un pèlerinage à Rome, les 8 et 9 août 2000. Tout s'y est passé sans heurt. L'impression fut si bonne de part et d'autre que le cardinal Castrillon Hoyos a souhaité entrer en contact avec les évêques de la Fraternité.
Au mois de septembre, le même cardinal aurait été mandaté par Jean-Paul II, afin de rencontrer Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X. En perspective, une possible visite chez le Pape. Le dialogue, qui ne s'était jamais vraiment interrompu officieusement depuis douze ans, allait-il prendre une nouvelle tournure, au moment où la Fraternité Saint-Pierre traversait l'orage ? La démarche du Jubilé allait-elle porter ici l'un de ses fruits ?
La Fraternité Saint-Pie X saisit habilement l'occasion qui pouvait faire basculer en sa faveur des membres déçus de l'autre Fraternité. Mais la partie est fine, qui met aux prises le Vatican, la Fraternité Saint-Pie X, la Fraternité Saint-Pierre, l'épiscopat, notamment en France. Rumeurs distillées, communiqués en chaire, atermoiements feront le reste pendant les dernières semaines écoulées. Et chacun de faire patte de velours.
Voici le récit qu'en donne la Fraternité Saint-Pie X : " Le 29 septembre, le cardinal Castrillon propose à Mgr Fellay les divers éléments qui pourraient servir à un possible accord entre Rome et la Fraternité, et le supérieur général exprime son point de vue, ses méfiances, ses appréhensions (bien que Rome ne soit jamais allée aussi loin en faveur de la tradition). Le 30 décembre, pendant quelques instants, le supérieur général entrevoit le Pape dans sa chapelle privée (aucune parole d'importance n'est échangée). Le 13 janvier, réunion spéciale du conseil général des évêques et du délégué de Mgr Rangel (donc, tous de la Fraternité Saint-Pie X, NDLR), où sont établis les principes qui nous guident dans la situation présente. Le 16 janvier, nouvelle rencontre avec le cardinal Castrillon, pendant laquelle le supérieur général expose la nécessité de garanties de la part de Rome, avant d'aller plus loin dans le concret d'éventuelles discussions ou accord : que la messe tridentine soit accordée à tous les prêtres du monde entier; que les censures qui frappent les évêques (de la Fraternité Saint-Pie X, NDLR) soient annulées."
La suite de ce communiqué ne cache pas une " défiance extrême " vis-à-vis de Rome. Le "triomphe final" n'est pas pour demain. Mais il peut être utile de laisser courir le bruit d'un "accord" possible, tandis que le Vatican se tait, tout comme l'épiscopat français qui n'a guère su gérer la crise avec Mg Lefebvre.
Pour sa part, la Fraternité Saint-Pierre ne peut que redouter que le Vatican ne converse mieux avec les fidèles de Mgr Lefebvre qu'avec elle-même, et de là se sentir davantage délaissée. Les bons offices entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X n'ont néanmoins pas atténué les propos durs de celle-ci, assurée d'avoir raison, seule contre tous. Maintes déclarations en témoignent. A Rome de parler clair.