17 octobre 2007





Petit à petit, la messe en latin reprend sa place
17 octobre 2007 - cyberpresse.ca
Le mercredi 17 oct 2007
Petit à petit, la messe en latin reprend sa place
Jean-François Cliche
Le Soleil / Québec
Pour les uns, il s’agit au mieux d’un souvenir d’enfance, au pire d’une relique empoussiérée. Pour d’autres, elle est quelque chose comme « la seule, la vraie, l’unique ». La messe traditionnelle en latin est de retour à Québec, célébrée tous les jours à l’église Saint-François-d’Assise, dans Limoilou.
C’est plus précisément le rite dit tridentin qui vient, en quelque sorte, de ressusciter, après avoir été largement abandonné dans les années 60, dans la foulée de Vatican II. Il se distingue notamment par la langue, le plus clair de la célébration se déroulant en latin, et par le fait que le curé, qui ne s’adresse pas directement à son auditoire, leur fait dos.
Ou plutôt, « il fait face à Dieu », précise l’abbé Guillaume Loddé, 30 ans, d’origine française, qui préside quotidiennement cette messe tridentine depuis le 9 septembre. Elle n’était offerte aux fidèles qu’une fois aux quinze jours auparavant. « Ça a commencé il y a environ deux ans, se souvient le curé Raymond Anger, officiellement en charge de la paroisse. Des gens en lien avec la Fraternité Saint-Pierre, qui ont déjà une paroisse dans la ville d’Ottawa, cherchaient une implantation à Québec. » Ils obtinrent d’abord une messe par mois, puis deux, et maintenant sept par semaine.
La Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP), dont est issu l’abbé Loddé, est une organisation religieuse qui forme les prêtres à la messe tridentine — un savoir qui s’est beaucoup perdu au cours des dernières décennies. Elle a été créée en 1988 afin d’accueillir d’anciens suivants de Mgr Marcel Lefebvre, archevêque ultraconservateur français qui a été excommunié pour avoir ordonné des prêtres sans l’assentiment de Rome. Très critique des réformes modernisantes de Vatican II, Mgr Lefebvre favorisait le maintien du rite tridentin.
Dès ses débuts, la FSSP a reçu l’appui d’un certain cardinal Joseph Radzinger, élu pape par la suite, qui a toujours eu la réputation d’être lui-même résolument conservateur.
« Catholique réveillé »
Il semble bien, en tout cas, que la messe à l’ancienne ait ses adeptes à Québec. Bien qu’elle n’attire qu’une poignée de catholiques sur semaine — ils étaient par exemple une douzaine, lundi dernier —, elle rassemble tout de même plus d’une centaine de personnes le dimanche matin, dont certains viennent des quatre coins de la ville, voire de l’extérieur. Il faut dire que, ce jour-là, la célébration comporte aussi des chants grégoriens.
« Ça avait l’air d’une vraie messe, il y avait plus d’émotion. J’étais un catholique endormi (…) mais là, j’ai retrouvé le côté sacré de la messe, qu’il n’y a pas dans le nouveau rite », dit Claude Bélanger, de Québec, assurant qu’il y retournera régulièrement.
Abondant dans le même sens, Joël, 33 ans, précise que « ce n’est pas le latin qui amène la dimension sacrée », mais plutôt plusieurs petites gestes. « Par exemple, dit-il, le fait que le prêtre, avant de proclamer la parole de Dieu, encense la Bible. Ça met en évidence le côté sacré de la chose. »
Comme d’autres pratiquants interviewés par Le Soleil, Joël souligne « qu’il y a plus de moments de silence, ça laisse davantage méditer la parole de Dieu ».
D’autres catholiques du quartier, cependant, préfèrent s’en tenir à la liturgie française. « La messe, ça reste la messe, mais c’est une question de sensibilité et d’habitude, dit François (nom fictif), 23 ans. (…) J’ai toujours fréquenté la messe nouvelle (en français), je ne vois pas pourquoi je changerais. »
Son curé, Raymond Anger, estime pour sa part que « les gens de Limoilou, ça ne les dérange pas. Nous, on fait une cohabitation avec eux (les partisans de la tridentine). Ils ont leurs heures et leur prêtre, et nous on célèbre nos messes comme d’habitude, aux heures qu’on avait avant. (…) Moi, poursuit-il, ça ne me dérange pas qu’elle soit tridentine ou non. Mais c’est la position face à l’autel et face au peuple... Je pense que la messe, on la célèbre avec des gens, alors on peut leur parler. Tandis que chez eux, la messe est plutôt vue comme un sacrifice. (…) Ils insistent beaucoup sur le silence de la prière eucharistique (…) c’est un peu mystérieux. Tandis que nous, on fait ça en français, c’est plus convivial. »