3 juillet 1988

[Abbé Fernando Arêas Rifan - Campos] Lettre à Dom Gérard

SOURCE - Abbé Fernando Arêas Rifan - 3 juillet 1988

Le Barroux, le 3 juillet 1988
 
Cher Dom Gérard Calvet,
Laudetur Jesus Christus !

L’amitié sincère qui nous unit, à vous et aux monastères du Barroux et du Brésil, me permet de vous dire ici, un peu, les sentiments de mon cœur sacerdotal.

Je crois que seul l’amour de Notre Seigneur, de la Sainte Eglise et des âmes nous anime.

J’ai eu connaissance de la visite des envoyés de Rome à notre cher Monastère du Barroux. Certainement, ils vont proposer des accords.

L’étude détaillée du cas de Mgr Lefebvre me permet de constater le véritable piège dans lequel ils cherchent à nous faire tomber. Ils ne sont pas sincères. Ils l’ont démontré ; juste après la signature du protocole, ils demandaient déjà plus : que nous reconnaissions les erreurs doctrinales que nous avons commises ; après, la célébration de la Nouvelle Messe à St Nicolas, etc.

Voyons ce qui est arrivé avec Dom Augustin ! Il a commencé en se séparant de nous. Maintenant il est déjà en train de donner la communion dans la main ! Le chemin est glissant. Ils ont commencé en voulant la légalité. Après, ils ont dû recevoir l’Evêque pour célébrer la Messe au Monastère. Ils ont terminé avec la communion dans la main.

Notre Seigneur nous demande d’unir la simplicité de la colombe à l’adresse du serpent.

Cher Dom Gérard, l’affection que nous avons pour le Monastère nous pousse à vous demander de ne pas faire ces accords avec ceux qui ne veulent pas le bien de l’Eglise.

Le Cardinal Gagnon a déclaré (dans nos journaux brésiliens) que la tactique du Vatican sera, désormais, de bien traiter les traditionalistes afin de les séparer de Mgr Lefebvre. Diviser pour vaincre.

C’est clair : si nous restons tous unis, les ennemis auront peur et reculeront. “Vis unita fit fortior”. Si il y avait un accord de la part de quelques uns d’entre nous, ce serait l’affaiblissement général de la Tradition. Le meilleur service que nous pouvons rendre à la Sainte Eglise, est de résister ensemble.

C’est au nom de cette union que nous avons publié dans notre Bulletin “Heri et hodie” votre sermon “5 raisons pour un sacre épiscopal”, où vous nous incitez à avoir confiance en Mgr Lefebvre. Comme votre article a aidé à rassurer les consciences !

De plus, nous devons considérer la situation de toute l’Eglise et non vouloir résoudre seulement notre cas particulier. Ce serait une trahison à la cause pour laquelle nous combattons ensemble depuis déjà tant de temps.

D’autant plus qu’ils confessent leur tactique insidieuse ! Ce serait le comble de l’ingénuité de croire en ce piège.

En plus, tous savent que Dieu vous réserve un rôle providentiel dans l’Eglise d’aujourd’hui. Tous reconnaissent ce que Dieu fait par votre intermédiaire et par votre influence.

Cher Dom Gérard, c’est la Chrétienté de demain qui implore votre fermeté. Aidez-nous, par votre exemple, à rester ferme.

Si le Monastère du Barroux fait un tel accord, cher Dom Gérard avez-vous déjà pensé aux troubles que cela créera dans les milieux traditionalistes ? Et aux divisions qui se produiront dans le Monastère ? Au Brésil, la répercussion sera catastrophique. Le Monastère da Santa Cruz pourra aller jusqu’à disparaître. Les fidèles de Campos n’y iront plus. Nos prêtres ne donneront plus leur appui. Les vocations disparaîtront, et ceux qui s’y trouvent, peut-être, sortiront tous. Ce sera une disgrâce ! Et après tout l’appui donné par les prêtres de Campos, tous les efforts faits par le Père Possidente pour les vocations du Monastère, parcourant le diocèse avec les moines, une trahison comme celle-ci serait une déception pour tout le diocèse de Campos et pour tout le Brésil.

J’ai reçu beaucoup de correspondance du Père L. M. de Blignières accompagnant sa régression. La revue “30 Giorni” publie un article sur sa nouvelle position montrant comment les traditionalistes peuvent se “convertir” au progressisme. Je ne sais pourquoi il dépense autant d’énergie pour défendre la liberté religieuse du Concile, faisant une étude traditionnelle du texte, si Rome elle-même l’interprète dans le sens d’“Assise” ? ! L’arbre se reconnaît à ses fruits : l’arbre bon ne peut pas donner de mauvais fruits. “Assise” est le fruit de “Dignitatis Humanae”. L’œcuménisme actuel, l’indifférentisme religieux des états, patronnés par le Vatican, la laïcisation de la société, sont les fruits de “Dignitatis Humanae”. Et le Cardinal Ratzinger lui-même confesse (dans une interview à “Jésus”) que “Dignitatis Humanae” est l’anti-syllabus !

Et on ne peut pas argumenter en affirmant que, dans d’autres lieux, la vérité est maintenue. Il est nécessaire de savoir reconnaître que nous avons affaire à des Modernistes et à un Concile Moderniste ! St Pie X l’a déjà démasqué dans “Pascendi”, quand il dit : si nous lisons une de leur page nous avons la parfaite doctrine traditionnelle, mais quand nous tournons la page nous rencontrons l’hérésie. Il est bon de se rappeler le principe que la pire fausse-monnaie est celle qui apparaît comme vraie. Et elle est d’autant plus dangereuse qu’elle y ressemble davantage.

Cher Dom Gérard, je vous demande pardon de vous écrire tout cela mais c’est notre amitié sincère et notre affection pour votre Monastère qui nous a poussé à l’écrire. L’heure est grave. Nous restons unis dans la prière et dans l’identité de doctrine. Que votre enthousiasme pour la cause de l’Eglise
 
Que Notre Dame de la Sainte Espérance nous garde unis dans le même idéal.
 
Vôtre,
En Jésus et Marie,
P. Fernando Arêas Rifan