28 février 2010

[Abbé Jürgen Wegner, fsspx (Canada) - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs] "Grands et nombreux sont les bienfaits que Dieu le Père..."

SOURCE - Abbé Jürgen Wegner, fsspx (Canada) - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs - 28 février 2010

Chers Amis et Bienfaiteurs

Grands et nombreux sont les bienfaits que Dieu le Père, dans sa bonté inépuisable, nous accorde sans cesse. Pour nous sauver en nous rendant la vie de la grâce, pour nous faire participer à la vie divine, le Père a envoyé son Fils. Le Fils a accepté sa mission et a voulu devenir fils de l’homme, pour nous faire enfants de Dieu. Il s’est humilié, pour nous relever de notre abjection; il a été blessé, pour guérir nos blessures, il a souffert la mort, pour nous donner l’immortalité. Tels sont les bienfaits de la miséricorde divine.

Saint Jean nous avertit, « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous; si, au contraire, nous confessons nos péchés, Dieu est juste et fidèle, il nous en accordera le pardon » (1 Jean 1, 8). Par le péché, nous devenons débiteurs de Dieu. Par les sacrements et par sa grâce, don gratuit, Dieu nous attire vers lui. Mais la miséricorde divine exige notre collaboration. C’est par l’exercice des vertus, spécialement par la prière et l’aumône, que nous manifestons notre volonté de retour vers Lui. « Comme l’eau éteint le feu, » dit le Saint Esprit, « l’aumône éteint le pé-ché » (Eccles., 3. 28). Dans le baptême, la rémission n’est accordée qu’une fois; mais les bonnes œuvres, par leur continuité et leur multiplication, nous obtiennent sans cesse l’indulgence et le pardon de Dieu. Aussi Jésus, notre Maître et notre Sauveur, ne recommande rien tant que l’aumône. Il ne veut pas que nous cherchions les biens de la terre, mais que nous amassions des trésors dans le Ciel. « Vendez, dit-Il, toutes vos possessions et distribuez-les en aumônes. Ne cherchez pas les trésors de la terre, dit-il encore, ces trésors qui sont rongés par les vers et la rouille et qui deviennent la proie des voleurs; mais faites-vous des trésors dans le Ciel, là où on n’a à craindre ni les vers, ni la rouille, ni les efforts des voleurs. Là où est votre trésor, là aussi est votre cœur. » Il montre, en ces termes, la perfection aux observateurs de la loi: « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tous vos biens, distribuez-les aux pauvres et vous aurez un trésor dans le ciel, puis venez et suivez-moi » (Matt. 19). Ailleurs, il nous enseigne que cette perle précieuse, qui s’appelle la vie éternelle, est donnée en échange à celui qui sacrifie tous ses biens. Le royaume du Ciel est semblable à un marchand qui cherche des perles précieuses. S’il en trouve une, il vend ce qu’il possède et l’achète (Matt. 13).

Si vous craignez que vos largesses n’épuisent votre patrimoine et ne vous réduisent à l’indigence, rassurez-vous : une fortune consacrée aux usages du Christ ne peut s’épuiser. Cette promesse n’est pas humaine, elle repose sur la foi et l’autorité des Écritures. L’apôtre saint Paul nous dit : « Celui qui donne la semence au laboureur vous donnera aussi le pain dont vous avez besoin; il augmentera à la fois vos mois-sons et vos mérites, afin que vous soyez riche en toutes choses. » Et plus loin: « L’aumône ne donne pas seulement aux pauvres ce qui leur manque, elle augmente encore la somme de nos biens; car, lorsque les prières et les actions de grâces des indigents montent vers le ciel, Dieu se plaît à combler de ses bénédictions l’âme charitable » (2 Cor. 9,10). Dans l’Évangile, le Seigneur s’adresse à la fois aux hommes miséricordieux et aux incrédules, et il leur dit : « Ne vous demandez pas, que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi nous vêtirons-nous? Les païens s’inquiètent de toutes ces choses, mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Matt. 6, 31). Tels sont les biens promis à ceux qui cherchent la justice et le royaume de Dieu. Malheureusement nos temps modernes et matérialistes nous éloignent avec une force presque irrésistible de l’idéal chrétien. Les paroles de Saint Cyprien de Carthage sont pour nous difficile à cerner : « Croyez-vous donc que celui qui nourrit le Christ n’est pas nourri à son tour par le Christ? Croyez-vous que ceux qui possèdent les biens célestes et divins manqueront des choses de la terre? D’où vient ce calcul digne d’un incrédule? D’où vient cette pensée impie et sacrilège? Pourquoi cette défiance dans la maison de la foi? Comment peut-on se dire chrétien, quand on n’appartient pas au Christ? Ah ! Le nom de Pharisien vous conviendrait davantage. » (St Cyprien, Des bonnes œuvres)

Ne croyons pas pouvoir nous exempter des bonnes œuvres en alléguant pour excuse l’intérêt de nos enfants. Dans nos aumônes, c’est au Christ que nous devons penser, car, selon sa propre expression, c’est lui qui reçoit. Ce ne sont donc pas nos frères, mais le Seigneur, que nous préférons à nos enfants. Celui qui aime son père et sa mère plus que moi, dit-il, n’est pas digne de moi; celui qui aime son fils et sa fille plus que moi n’est pas digne de moi (Matt. 10, 37). Si nous aimons Dieu de tout notre cœur, nous ne devons lui préférer ni nos parents ni nos fils. L’argent donné aux pauvres est prêté à Dieu; en donnant aux plus petits, c’est au Christ qu’on donne.

Mais, direz-vous encore, souvent, dans nos familles traditionnelles, les enfants sont nombreux : ces familles ne peuvent pas faire des aumônes abondantes. — Non, au contraire, le grand nombre d’enfants est une raison de plus pour donner largement. Le père de beaucoup d’enfants, doit adresser à Dieu plus de prières, il a plus de fautes à racheter, plus de consciences à purifier, plus d’âmes à délivrer. Dans cette vie, plus les enfants sont nombreux, plus les dépenses qu’ils exigent sont grandes; il en est de même dans la vie spirituelle : la multiplication des enfants exige celle des bonnes œuvres. Job offrait pour sa famille de nombreux sacrifices; et plus elle s’augmentait, plus s’augmentait aussi le nombre des victimes. Si les parents aiment leurs enfants, ils multiplient leurs aumônes en leur faveur, afin de les rendre plus chers à Dieu. Saint Cyprien rappelle ce devoir aux pères : « Vous êtes un père dénaturé, si vous ne prenez les inté-rêts de vos enfants, si vous ne veillez religieusement à leur conservation. Plus attaché aux biens de la terre qu’à ceux du Ciel, c’est au démon et non au Christ que vous confiez vos enfants. Par là vous commettez un double crime: d’abord, parce que vous ne ménagez pas à vos enfants la protection de leur Père céleste, et ensuite, parce que vous leur enseignez à aimer la fortune plus que le Christ. » (Des bonnes œuvres)

Le Christ nous a tracé la conduite à laquelle nous devrions nous tenir : il promet l’éternelle récom-pense à ceux qui font l’aumône; il menace d’un supplice éternel les âmes insensibles; la sentence est déjà rédigée; nous savons, par ses propres paroles, comment doit avoir lieu le jugement. Quelle excuse alléguer, si on ne fait pas l’aumône? Comment se défendre, si on persévère dans son insensibilité? Puisque le ser-viteur n’accomplit pas les ordres du maître, il faudra bien que le maître exécute ses menaces. Écoutez : « Le Fils de l’homme paraîtra dans toute sa gloire, et ses anges seront avec lui. Il prendra place sur un trône étincelant; tous les peuples se réuniront en sa présence; alors il les séparera, comme un pasteur sépare les brebis des boucs. Il placera les brebis à sa droite, les boucs à sa gauche. Et se tournant vers ceux qui seront à sa droite, il leur dira : « Venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde; car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’ai été étranger, et vous m’avez accueilli; j’ai été nu, et vous m’avez revêtu; j’ai été malade, et vous m’avez visité; j’ai été en prison, et vous êtes venus à moi. » Et les justes répondront: « Seigneur, quand donc avons-nous apaisé votre faim, soulagé votre soif? quand vous avons-nous accueilli dans votre exil et revêtu dans votre nudité? Quand vous avons-nous vu malade et en prison et sommes-nous allés vous visiter? » Et le roi leur répondra: « En vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. » — Alors, il dira à ceux qui seront à sa gauche: « Éloignez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel que mon Père a préparé pour Satan et pour ses anges; car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire; j’ai été étranger, et vous ne m’avez pas accueilli, nu et vous ne m’avez pas revêtu, malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. » Les méchants répondront aussi et diront : « Seigneur, quand vous avons-nous vu souffrir la faim et la soif? Quand vous avons-nous vu étranger, nu, malade, en prison, sans venir à votre secours? » Et Jésus leur dira : « En vérité, je vous le dis, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses au plus petit d’entre ces hommes, c’est à moi que vous les avez refusées. Et les méchants iront dans le feu éternel et les justes dans la vie éternelle ». (Matt. 25, 3-46)

Le Christ pouvait-Il nous intimer un précepte plus formel? Pouvait-Il nous porter davantage aux œuvres de miséricorde qu’en nous disant: donner au pauvre, c’est donner à moi-même, refuser au pauvre, c’est m’offenser gravement ?

Travaillons donc à notre salut éternel pendant ce saint temps de carême. Pendant qu’il en est temps, faisons du bien à tous. En faisant le bien, nous ne serons jamais dans l’indigence, plus tard, nous en re-cueillerons les fruits.

Avec mes vœux pour un Bon et Saint temps de Carême

Abbé Jürgen Wegner