10 avril 2017

[Francesco Antonio Grana - farodiroma.it] Prélature personnelle pour les lefebvristes. Le pape pourrait l'annoncer à Fatima

SOURCE - Francesco Antonio Grana - farodiroma.it - 10 avril 2017

L'annonce pourrait avoir lieu à Fatima, le 13 mai prochain, lorsque le pape François canonisera aussi deux des trois voyants, les Bienheureux Jacinta et Francesco Marto. Bergoglio a, en effet, décidé de créer une prélature personnelle pour les adeptes de l'évêque schismatique Marcel Lefebvre. cela marquera définitivement la fin de la fracture entre la Fraternité Saint-Pie X et l'Eglise catholique. Le 30 juin 1988, en fait, Lefebvre avait ordonné quatre évêques sans mandat du pape, encourant immédiatement l'excommunication avec les évêques nouvellement consacrés, comme l'exige le Code de Droit Canonique. Jusqu'à présent, au sein de l'Eglise catholique, seule l'Opus Dei bénéficie du statut de prélature personnelle, demandé en 1969 et accordé en 1982 par saint Jean Paul II. La décision d'annoncer à Fatima ce geste de réconciliation ultime et final est prise par François, à la suite de ce qu'ont fait ses deux prédécesseurs immédiats ces dernières années, et dictée par la profonde dévotion que les adeptes de la Fraternité Saint-Pie X ont pour les apparitions de Notre-Dame, il y a 100 ans au Portugal.
     
Dès le début de son pontificat Bergoglio, qui a continué  à travailler vers la pleine unité dans le christianisme, à la suite de Ratzinger, a fait deux gestes très importants d'ouverture vers les lefebvristes. Au cours du Jubilé extraordinaire de la miséricorde, de fait, le pape a déclaré valides les confessions administrées par les disciples de Lefebvre. «Une dernière considération -a écrit François dans la lettre dans laquelle les indulgences sont accordées pour l'année sainte- s’adresse aux fidèles qui, pour diverses raisons, désirent fréquenter les églises où les offices sont célébrés par les prêtres de la Fraternité Saint Pie X. Cette Année jubilaire de la Miséricorde n’exclut personne. Certains confrères évêques m’ont fait part en plusieurs occasions de leur bonne foi et pratique sacramentelle, unie toutefois à la difficulté de vivre une situation pastorale difficile. J’espère que dans un proche avenir, l’on pourra trouver les solutions pour retrouver une pleine communion avec les prêtres et les supérieurs de la Fraternité. Entre temps, animé par l’exigence de répondre au bien de ces frères, j’établis, par ma propre disposition, que ceux qui, au cours de l’Année Sainte de la Miséricorde, s’approcheront, pour célébrer le Sacrement de la Réconciliation, des prêtres de la Fraternité Saint Pie X recevront une absolution valide et licite de leurs péchés».
   
«Au cours de l’Année jubilaire -a écrit le pape dans sa Lettre apostolique Misericordia et Misera- j’avais concédé aux fidèles qui, pour des raisons diverses, fréquentent les églises desservies par des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, la faculté de recevoir validement et licitement l’absolution sacramentelle de leurs péchés. Pour le bien pastoral de ces fidèles et comptant sur la bonne volonté de leurs prêtres afin que la pleine communion dans l’Eglise catholique puisse être recouvrée avec l’aide de Dieu, j’établis par ma propre décision d’étendre cette faculté au-delà de la période jubilaire, jusqu’à ce que soient prises de nouvelles dispositions, pour que le signe sacramentel de la réconciliation à travers le pardon de l’Eglise ne fasse jamais défaut à personne.»
   
Mais le chemin vers la pleine unité des lefebvristes s'est récemment enrichi d'une nouvelle étape importante. Dans une lettre de la Commission pontificale Ecclesia Dei aux évêques des conférences épiscopales du monde entier, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Gerhard Ludwig Müller, a annoncé la décision du pape de reconnaître les mariages célébrés par Lefebvre. «Comme vous le savez -écrit le cardinal, adressant tous les évêques catholiques- différents types de rencontres et d’initiatives sont en cours depuis longtemps pour ramener la Fraternité sacerdotale Saint Pie X dans la pleine communion. Ainsi le Saint-Père a-t-il récemment décidé d’accorder à tous les prêtres de cet institut les pouvoirs de confesser validement les fidèles, de manière à assurer la validité et la licéité du sacrement qu’ils administrent et à ne pas laisser les personnes dans le doute.
   
Dans la même ligne pastorale, qui veut contribuer à rasséréner la conscience des fidèles, malgré la persistance objective, pour le moment, de la situation canonique d’illégitimité dans laquelle se trouve la Fraternité Saint Pie X, le Saint-Père, sur proposition de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et de la Commission Ecclesia Dei, a décidé d’autoriser les Ordinaires du lieu à concéder aussi des permissions pour la célébration de mariages de fidèles qui suivent l’activité pastorale de la Fraternité, selon les modalités suivantes. Dans la mesure du possible, la délégation de l’Ordinaire pour assister au mariage sera donnée à un prêtre du diocèse (ou du moins à un prêtre pleinement régulier) pour qu’il reçoive le consentement des parties dans le rite du Sacrement qui, dans la liturgie du Vetus ordo, a lieu au début de la Sainte Messe ; suivra alors la célébration de la Sainte Messe votive par un prêtre de la Fraternité.
   
En cas d’impossibilité ou s’il n’existe pas de prêtre du diocèse qui puisse recevoir le consentement des parties, l’Ordinaire peut concéder directement les facultés nécessaires au prêtre de la Fraternité qui célébrera aussi la Sainte Messe, en lui rappelant qu’il a le devoir de faire parvenir au plus vite à la Curie diocésaine la documentation qui atteste la célébration du Sacrement. Certaine que, de cette façon aussi, on pourra éviter les débats de conscience chez les fidèles qui adhèrent à la FSSPX et les doutes sur la validité du sacrement de mariage, tout en facilitant le chemin vers la pleine régularisation institutionnelle, cette Congrégation sait qu’elle peut compter sur votre collaboration.»
 
Ces dernières années, le dialogue a été mouvementé -c'est un euphémisme- entre l'Eglise catholique et la Fraternité Saint-Pie X, qui rejette le Concile Vatican II et la réforme du missel de Paul VI, préfèrent continuer à célébrer la messe en latin selon le rite tridentin. En 2009, Benoît XVI a essayé en vain de réduire la fracture en retirant définitivement l'excommunication des quatre évêques consacrés illégitimement par Lefebvre, ce dernier étant mort en 1991. Un geste, celui de Joseph Ratzinger, qui avait été précédé en 2007 par le Motu proprio Summorum Pontificum, par lequel Benoît XVI a libéralisé la messe préconciliaire, ou la célébration en latin, utilisée du Concile de Trente jusqu'à Vatican II, époque à laquelle elle a été remplacée dans les faits par les langues nationales.
     
Ce document, voulu par Joseph Ratzinger, a certainement été le texte du pape qui a suscité dans l'Eglise catholique le plus de réaction pendant le pontificat du papa allemand et sa mise en œuvre a rencontré une forte opposition dans de nombreux diocèses, par plusieurs évêques dans le monde. Benoît XVI avait seulement voulu intensifier le dialogue avec les lefebvristes, particulièrement sensibles à cette forme ancienne de la célébration eucharistique. Mais ni ce signe d'une attention particulière de la part du pape allemand, ni la levée ultérieure de l'excommunication des quatre évêques lefebvristes n'ont suscité de signes similaires de rapprochement vers Rome de la part des partisans de l'évêque schismatique.
      
Le jour même où Benoît XVI a révoqué l'excommunication, la télévision suédoise a diffusé une interview avec Mgr Richard Williamson Lefebvre, enregistrée le 1er novembre 2008 au séminaire bavarois de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, où l'interviewé a nié l'existence des chambres à gaz nazies et a affirmé que 300.000 Juifs avaient été exterminés dans les camps de concentration et non 6.000.000. Au journaliste qui l'a interrogé Williamson a dit: « Avez-vous déjà entendu parler du rapport Leuchter? Fred Leuchter était un expert en chambres à gaz. Il a conçu trois chambres à gaz pour trois états des États-Unis, sur 50, qui admettent la peine de mort. Il connaissait donc la question. Et il a étudié, dans les années quatre-vingt, les restes des chambres à gaz allemandes présumées, par exemple les crématoires de Birkenau, Auschwitz. Et sa conclusion d'expert, est qu'il est impossible que ces structures aient été utilisées pour le gazage d'un grand nombre de personnes. Parce que le gaz de cyanure est très dangereux. Si on suppose -a continué Williamson- que vous voulez gazer trois cents personnes amassées dans une chambre et que vous les gaziez. C'est très dangereux d'entrer ensuite et de retirer les corps. Parce que le gaz qui a suinté dans les vêtements va vous tuer. C'est extrêmement dangereux. Une fois que vous avez gazé les gens, vous devez expulser le gaz. Pour éjecter le gaz vous avez besoin d'une haute cheminée. Si la cheminée est courte, le gaz retombe au sol et tue tous ceux qui passent. Il faut une cheminée haute, ne pas se tromper sur sa taille. S'il y avait eu une cheminée élevée, l'ombre en aurait été projetée au sol, et les photographes alliés qui survolaient le camp en auraient saisi l'ombre. Il n'y a jamais eu de telles ombres. Et puis -a conclu Williamson- voici le témoignage de Fred Leuchter: il ne peut pas y avoir eu de chambres à gaz. Il a examiné la porte. Les portes doivent être absolument étanches à l'air. Sinon, encore une fois, le gaz s'échappe et tue les gens qui sont en dehors. Les portes des chambres à gaz qu'on montre aux touristes à Auschwitz ne sont absolument pas étanches à l'air. Absolument pas.
     
Le 27 Janvier 2009, le supérieur des lefebvristes, Mgr Bernard Fellay, a écrit  à Benedict XVI une lettre d'excuses pour les déclarations négationnistes de Williamson, en prenant ses distances et en assurant que la communauté n'a jamais partagé ces positions antisémites. A partir de là, cependant, la tentative de parvenir à la pleine communion avec l'Eglise de Rome a été de plus en plus compromise jusqu'aux déclarations virulentes de Fellay sur le pape Francois: «Nous avons devant nous un vrai moderniste».
      
Le 15 octobre 2013 s'est déroulé un autre épisode pour le moins désagréable. Le vicariat de Rome avait refusé des obsèques publiques pour Erich Priebke, et proposé une messe de funérailles dans la maison du défunt - face à quoi les lefebvristes ont grand ouvert les portes de leur établissement d'Albano Laziale, pour accueillir cet office. Cet événement a été marqué par de violents affrontements et des manifestations qui ont forcé à suspendre la cérémonie. Priebke, comme Williamson, avait toujours nié l'Holocauste. Sur cette question Bergoglio a toujours été clair: «Il est contradictoire pour un chrétien d'être antisémite. Nos racines sont un peu «juives». C'est aussi ce que disait en 1986 saint Jean-Paul II, le seul pape à mentionner dans son testament un Juif, l'ancien grand rabbin de Rome, Elio Toaff, et qui a appelé les juifs «nos frères aînés». Maintenant, c'est à François de mettre fin au conflit avec les lefevristes. Et le voyage à Fatima semble la bonne occasion.