20 août 2010

[Paix Liturgique] Un autre regard sur le bilan du Motu Proprio - 4: La Pologne

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 244 - 20 août 2010

Nous continuons notre bilan de la mise en œuvre du Motu Proprio par pays et publions aujourd'hui un dossier sur le cas de la Pologne.

A l’instar de ce qui a été fait pour les lettres consacrées à l'Allemagne, (Lettre 237) à l'Italie (Lettre 240) et les Iles britanniques (Lettre 242), nous rappelons la méthodologie retenue dans ces bilans :
- nous nous appuyons sur des données chiffrées livrées par les sources les plus sérieuses concernant les célébrations de la forme extraordinaire du rite romain mises en place depuis 3 ans ;
- en outre, nous en dressons un bilan qualitatif (messes célébrées en semaine et pas le dimanche ; un dimanche de temps à autre ; tous les dimanches, mais à un horaire non familial ; tous les dimanches et à un horaires familial ; messes enfin célébrées par la FSSPX).

Au total, entre 2007 et 2010, la Pologne a vu le nombre de messes célébrées selon le missel du Bienheureux Jean XXIII, dans le cadre de Summorum Pontificum, se développer lentement mais sûrement : le quart des 40 diocèses polonais offre désormais une messe traditionnelle dominicale hebdomadaire alors que, jusqu'au début des années 2000, la liturgie traditionnelle était réservée à la seule Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, arrivée dans le pays en 1993 seulement. 
I – LE BILAN POLONAIS

Victime du long hiver communiste, le catholicisme en Pologne a connu un beau printemps avec l'accession du Cardinal Wojtyla au trône de Pierre en 1978. Mais du coup, paradoxalement, ce n'est que sous Jean-Paul II que l'Église locale a pleinement commencé à mettre en œuvre les innovations, en particulier liturgiques, issues du Concile Vatican II.
D'où la conviction, largement répandue chez les prélats comme chez les fidèles polonais, que la Pologne est un pays où la réforme liturgique a été correctement menée, à la manière Jean-Paul II – ce qui, au regard des abus enregistrés dans les pays épargnés par le totalitarisme soviétique, n'est pas totalement faux.
Du fait de cette modération dans l’application de la réforme conciliaire, le « retour » engagé par Benoît XVI – marqué en particulier le Motu Proprio Summorum Pontificum – n'a pas encore trouvé au pays de saint Stanislas tout l'écho qu'elle rencontre ailleurs. D’autant que l’attachement des Polonais à la personne de Jean-Paul II les a amenés à être naturellement réticents à tout ce qui pourrait être interprété comme une remise en cause de « leur » Pape.
Cependant, des signes encourageants existent, à commencer par l'augmentation régulière du nombre des lieux où est célébrée la forme extraordinaire du rite romain ainsi que des signes donnés par certains des jeunes évêques du pays, comme Monseigneur Balcerek, évêque auxiliaire de Poznan et membre de la commission liturgique de la conférence épiscopale.

Les sites www.nowyruchliturgiczny.pl et sanctus.pl constituent la source de nos informations.

A – Nombre de lieux où la forme extraordinaire n'est proposée qu'en semaine et pas le dimanche :
5 sur un total de 49 célébrations, soit 10,2%.

B – Nombre de lieux ou le Motu Proprio n'est offert qu'un dimanche de temps à autre et pas tous les dimanches :
28 sur un total de 49 célébrations, soit 57,1%.

C – Nombre de lieux où la messe est dominicale et hebdomadaire mais à un horaire non familial (avant 9h et après 12h)
12 sur un total de 49 célébrations, soit 24,5%.

D – Nombre de lieux où la messe est dominicale, hebdomadaire et à un horaire familial, donc où le Motu Proprio est appliqué avec Amour et Charité :
4 sur un total de 49 célébrations, soit 8,1%.

E - Nombre de lieux où la messe est célébrée par la FSSPX :
12, dont 11 où la messe est dominicale et hebdomadaire, mais 5 seulement où la messe est à un horaire familial. 

II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Qu'elles soient régulières ou non, 90% des messes traditionnelles célébrées en Pologne sont des messes dominicales. C'est un point très positif qui place la Pologne dans une situation privilégiée par rapport aux cas de l'Allemagne (57%) et de l'Italie (67%) précédemment étudiés. Plus qu'ailleurs, l'application du Motu Proprio en Pologne se fait en accord avec le précepte dominical, ce qui est une marque de réel respect envers les fidèles.
On notera que 99 % des pratiquants n’allant à la messe que le dimanche, les applications du Motu Proprio en semaine – bien que signes de ce que la situation évolue positivement un peu partout à travers le monde – ne touchent qu’une frange marginale des fidèles.
On remarquera par ailleurs que seule la célébration dominicale de la forme extraordinaire du rite romain dans le cadre paroissial est propice à l’enrichissement réciproque des deux formes du rite romain souhaité par le Saint Père.

2) Avec 16 messes dominicales hebdomadaires, soit 1 sur 3, la Pologne fait presque jeu égal avec l'Allemagne voisine (36%) mais moins bien que l'Italie (53%).
28 des 44 messes dominicales polonaises ne sont pas hebdomadaires et c'est là l'un des points faibles de l'application du Motu Proprio Summorum Pontificum dans le pays.
Le passage de ces messes irrégulières ou mensuelles au rythme hebdomadaire serait un grand progrès qui permettrait aux fidèles attachés à la forme extraordinaire de s'impliquer encore davantage dans la vie des paroisses concernées.
Avec un peu de bonne volonté, cela ne devrait pas poser de difficultés.

3) En Pologne plus qu'ailleurs, la messe traditionnelle fait figure de « nouvelle » messe. Son développement est en effet très récent : la FSSPX n’y a commencé son apostolat qu’ en 1993 et l'essor des messes traditionnelles célébrées dans le cadre diocésain est postérieur à 2007, date du Motu Proprio de Benoît XVI.
Deux instituts Ecclesia Dei (Fraternité Saint Pierre et Institut du Bon Pasteur), qui ont chacun un prêtre dans le pays, n'y ont pas encore de reconnaissance officielle.
Le développement naturel de la liturgie extraordinaire passe donc par les prêtres diocésains qui ont le désir de la célébrer même si pour la plupart ils ne la connaissent pas et ont donc besoin de s'y former.

4) 5 messes dominicales hebdomadaires proposées à un horaire familial par la FSSPX contre 4 messes dominicales hebdomadaires diocésaines à un horaire familial : en à peine 3 ans d’application du Motu Proprio, les messes diocésaines ont donc comblé leur retard sur celles de la FSSPX. Ce résultat peu banal correspond à ce que le Saint Père disait : le désir de retrouver la messe traditionnelle dépasse les aires qualifiées de traditionalistes.