4 janvier 2011

[summorum-pontificum.fr] Sandro Magister et le cardinal Biffi revisitent l’histoire du Concile…

SOURCE - summorum-pontificum.fr - 4 janvier 2011

Dans un récent article publié sur son site, Sandro Magister revient sur le livre de Roberto de Mattei consacré au Concile. Il note notamment :
Si l’on s’en tient à la reconstitution historique réalisée par de Mattei, on est frappé du poids énorme de certains individus et groupes dans la détermination du déroulement du concile et de la genèse des documents conciliaires.
Pour sa part, il s’attarde à une figure italienne, Giuseppe Dossetti qui fut expert au Concile du Cardinal Lercaro, archevêque de Bologne. À son sujet, Sandro Magister écrit ceci :
En tant qu’expert conciliaire, Dossetti mit ces talents à profit. Le 10 novembre 1962, un autre expert célèbre, le théologien dominicain Marie-Dominique Chenu, notait dans son journal cette phrase de Dossetti : « La bataille efficace se joue sur la procédure. C’est toujours par cette voie que j’ai gagné ».

Dossetti atteignit son apogée en 1963, lors de la seconde session du concile : pendant quelques mois il exerça de fait les fonctions de secrétaire des quatre cardinaux « modérateurs », parmi lesquels figurait Lercaro, et devint ainsi le pivot de l’assemblée tout entière.

C’est lui qui rédigeait les questions sur lesquelles les pères conciliaires devaient se prononcer. Le 16 octobre 1963, quatre de ces questions – portant sur le problème de la collégialité épiscopale – furent publiées, avant même d’être remises aux pères, dans le journal « L’Avvenire d’Italia » de Bologne, qui était dirigé par Raniero La Valle, un ami très proche de Dossetti et Lercaro. Irrité, Paul VI ordonna le retrait des 3 000 exemplaires de ce journal qui, comme chaque matin, allaient être distribués gratuitement aux pères.

Même après le concile, Dossetti a continué à exercer une influence profonde sur la culture catholique, et pas uniquement en Italie.

C’est lui qui a donné naissance – avec quelques historiens qui partageaient ses vues et dont le premier fut Giuseppe Alberigo – à l’interprétation de Vatican II qui a eu le plus grand succès dans le monde entier jusqu’à aujourd’hui, condensée dans cinq volumes de « Storia » [Histoire] qui ont été traduits en plusieurs langues.

Ce n’est pas tout. Dossetti a également été pour beaucoup de gens un grand inspirateur en termes de pensée à la fois théologique et politique. Il a exercé un fort ascendant sur le clergé, les évêques et les catholiques politiquement actifs à gauche.
Toujours selon Sandro Magister, cet homme n’avait été dénoncé jusqu’ici par personne, malgré (ou à cause de…) du poids idéologique qu’il représente. Un homme vient, cependant, de rompre le mur du silence : le cardinal Giacomo Biffi, qui fut de 1984 à 2003, archevêque de Bologne, le diocèse de Dossetti.

Dans ses Mémoires, révèle Sandro Magister, le cardinal Biffi loue la piété de Dossetti, mais il s’interroge aussi de ses qualités de théologien. Extraits (on ira lire la suite sur la version française du site de Sandro Magister) :
À la fin du mois d’octobre 1991, Dossetti m’a courtoisement donné à lire le discours que je lui avais commandé pour le centenaire de la naissance de Lercaro. « Examinez-le, modifiez-le, ajoutez, retranchez en toute liberté », m’a-t-il dit. Et il était certainement sincère : à ce moment-là, c’est l’homme de Dieu et le prêtre fidèle qui parlait.

Malheureusement, j’ai bien trouvé quelque chose qui n’allait pas. C’était l’idée, présentée de manière favorable par Dossetti, que, de même que Jésus est le Sauveur des chrétiens, de même la Torah, la loi mosaïque, est encore aujourd’hui la voie du salut pour les juifs. Cette affirmation était empruntée à un auteur allemand contemporain et elle était chère à Dossetti, probablement parce qu’il en entrevoyait l’utilité pour le dialogue judéo-chrétien.

Mais, en tant que premier responsable de l’orthodoxie dans mon Église, je n’aurais jamais pu accepter que soit mise en doute cette vérité révélée : Jésus-Christ est l’unique Sauveur de tous. [...]

« Père Giuseppe, – lui ai-je dit – est-ce que vous n’avez jamais lu les pages de saint Paul et le récit des Actes des Apôtres ? Est-ce que vous ne pensez pas que, dans la première communauté chrétienne, c’est le problème inverse qui se posait ? À cette époque-là, le fait que Jésus soit le Rédempteur des juifs ne suscitait ni doute ni controverse ; si l’on discutait de quelque chose, c’était de savoir si les gentils pouvaient, eux aussi, être pleinement touchés par son action salvatrice ».

Il suffirait d’ailleurs – me disais-je – de ne pas oublier une petite phrase de l’épître aux Romains, là où il est dit que l’Évangile du Christ “est une force de Dieu pour le salut de tout croyant, du juif  d’abord, puis du grec” (cf. Rm 1, 16).

Dossetti n’était pas habitué à renoncer à une seule de ses convictions. Dans ce cas-là, il finit par céder quand je l’avertis que, sur ce point, je l’interromprais et je le contredirais publiquement ; et il consentit à prononcer cette unique phrase : « Il ne paraît pas conforme à la pensée de saint Paul de dire que, pour les chrétiens, la voie du salut c’est le Christ et, pour les juifs, c’est la Loi mosaïque ». Il n’y avait plus rien d’erroné dans cette phrase et je n’ai pas fait d’objections, bien que j’eusse préféré qu’il ne soit même pas fait allusion à une opinion si aberrante du point de vue théologique.

Cet “incident” m’a fait beaucoup réfléchir et je l’ai tout de suite jugé d’une extrême gravité, même si, à ce moment-là, je n’en ai parlé à personne. Toute altération de la christologie compromet fatalement toute la perspective de la “sacra doctrina”. Dans le cas d’un homme de foi et de vie religieuse sincère comme le père Dossetti, il est vraisemblable que l’erreur ait été la conséquence d’une organisation méthodologique générale ambiguë et inexacte.