19 mai 2011

[Abbé de Cacqueray, fsspx] Croisade des vocations 2011 - La vertu de l’âme

SOURCE - Abbé de Cacqueray, fsspx - Lettre sur les vocations - mise en ligne par la Porte Latine - mai 2011
Le juste milieu, celui de la vertu, n’est pas facile à atteindre parce qu’il ne se trouve précisément qu’au bout des efforts incessants nécessaires à une âme pour devenir vertueuse. Il ne doit pas être confondu avec une sorte de médiocre compromis que l’on a passé avec ses passions. Au contraire, on n’y parvient qu’au prix d’un véritable sacrifice intérieur des désirs de son coeur pour ne plus rechercher et ne se tenir qu’à ce que Dieu veut. Cet équilibre, fruit conjugué de la grâce et des efforts de la volonté, inspire ensuite le regard catholique que l’on doit poser sur toutes choses.

C’est en tâchant de s’en approcher toujours davantage que les parents chrétiens découvriront l’attitude convenable à l’égard des vocations susceptibles d’éclore dans leur foyer. Nous voudrions mettre d’abord en garde contre certaines manières qui, chez les parents, par excès ou par défaut, peuvent nuire à l’éclosion des vocations. Nous décrirons ensuite les comportements qui nous semblent justes.

Bien que la chose ait sans doute à peu près disparu aujourd’hui, il est quand même utile de relever que les parents ne doivent pas contraindre leurs enfants à entrer dans les ordres malgré eux. Une telle contrainte exercée sur des enfants serait évidemment coupable. Quel homme, en effet, a le droit d’imposer à son semblable des états de vie parfaits que Notre-Seigneur lui-même n’a indiqués que pour les conseiller aux âmes prêtes à s’y engager volontairement ? Chez les parents, et sans doute plus spécialement chez quelques mères, il existe l’excès de tellement souhaiter qu’un enfant devienne prêtre, religieux ou religieuse qu’ils finissent par avoir la vocation « à la place de leur enfant ». Or il peut se trouver que l’enfant n’est en réalité nullement fait pour un tel état ou, s’il en possède les aptitudes, il peut être rendu fort mal à l’aise par les insistances indiscrètes qu’il subit. Certes, le souhait, chez les parents, qu’un ou plusieurs de leurs enfants se consacrent à Dieu dans la vie ecclésiastique ou religieuse est louable en soi. Mais les parents doivent demeurer bien humbles et désintéressés en un domaine si délicat et ne pas chercher à persuader, par des incitations désordonnées, l’un de leurs enfants qui serait appelé. A l’opposé, il existe aussi le défaut de ne pas vouloir que les enfants entrent dans les ordres ou même de chercher à les en dissuader, par égoïsme, par dédain ou par incompréhension de la grandeur de la vocation, ou encore par crainte des épreuves de la crise de l’Église, crainte aussi du monde qui se montre si haineux envers le sacerdoce et la vie religieuse. Une telle attitude provient toujours d’un man que de foi, d’espérance ou de charité.  Il s’agit d’un manque de foi lorsque le sacerdoce et la vie religieuse n’ont pas été compris comme étant les voies les plus sublimes qu’il soit donné à l’homme de suivre sur la terre. Les parents, alors, en parlent avec négligence ou désintérêt et rien de ce qu’ils disent ne manifeste que les vocations ecclésiastiques ou religieuses sont les plus belles qui soient. Il s’agit d’un manque d’espérance lorsque les sentiers de la perfection ont été convenablement repérés comme tels mais que la conscience de leurs difficultés amène à une crainte excessive de voir ses enfants s’y engager. Enfin, il s’agit d’un manque de charité si, devant Dieu, par exemple, l’on fait passer l’espoir de la venue possible de petitsenfants, et que l’on décourage astucieusement un enfant pour des motifs en réalité personnels et égoïstes. Sans aller jusque-là, des parents peuvent parler des prêtres et des religieux d’une façon si critique et si défavorable, devant leurs enfants, que leurs propos risquent de provoquer chez ceux-ci une résonance décisive qui les dégoûtera des plus beaux sentiers. Qu’il s’agisse de médisances ou de jugements hâtivement ou étourdiment répétés, ces paroles sont corrosives et peuvent fortement ralentir, contrarier ou empêcher le travail de la grâce dans les âmes. Il est encore possible qu’une atmosphère de critique permanente, auprès d’esprits aussi perméables que le sont ceux des enfants, les déforme si profondément qu’elle les rende inaptes à la vie sacerdotale ou religieuse.

Des parents peuvent également, tout en évitant ces jugements et en estimant comme très saints la vie religieuse et le sacerdoce, considérer que l’éclosion d’une vocation ne les concerne pas et que leur attitude doit être de toujours se tenir en retrait en laissant cette affaire entre les mains de Dieu, des prêtres et de leurs enfants. Il peut même se trouver qu’ils souhaiteraient de tout leur coeur offrir l’un de leurs enfants à Dieu, qu’ils prient tous les jours à cette intention mais un excès de pudeur les intimide au point qu’ils estiment ne jamais devoir évoquer des questions aussi intimes. C’est là demeurer dans une trop grande réserve.

II - L’attitude de parents catholiques

Des parents profondément catholiques doivent avoir le souci du recrutement sacerdotal et religieux, comme au reste tout membre de l’Église. Il faut des prêtres pour offrir le saint sacrifice de la messe et s’offrir pour le salut des âmes. Il faut des religieux pour vivifier l’Église par le trésor de leur vie de prières, d’immolation et de service. Si les parents sont habités de cette vive intention, ils sont naturellement amenés à prier et à faire prier leurs enfants pour l’intention des vocations sacerdotales et religieuses et ils savent parler du sacerdoce et de la vie religieuse avec le respect et l’amour qu’ils méritent. Ils considèrent comme un grand honneur que Dieu daigne appeler l’un de leurs enfants à cette vie sacerdotale ou religieuse. Mais ils savent également que nul ne s’arroge cet honneur et que la mère des apôtres saint Jean et saint Jacques s’est montrée par trop indiscrète en venant réclamer à Notre-Seigneur les places d’honneur pour ses deux fils. Les parents catholiques comprennent que l’éclosion des vocations passe par une vie familiale que domine vraiment la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ et de sa sainte Mère. Leur règne peut être utilement rappelé par la cérémonie de l’intronisation et son renouvellement chaque année. Ainsi, Notre Seigneur et la sainte Vierge président à la vie familiale par de belles représentations placées à l’honneur. Ils sont là pour rappeler l’honnêteté que doivent conserver les conversations. Ils sont aussi la référence pour le bon choix des livres et des différentes distractions des uns et des autres. Il suffit de penser à eux pour juger de la décence de la tenue et des comportements des membres de la famille. La journée d’une famille catholique se trouve scandée par le beau rythme des prières que préside le père de famille, et l’exemple des vertus parentales favorise leur pratique chez les enfants spontanément portés à imiter et à reproduire ce qu’ils voient. La maman, plus proche des plus petits enfants, doit être attentive aux signes de l’éclosion de l’amour de Dieu, de Jésus et de sa Mère et les favoriser. Elle ne recherche pas les confidences mais elle doit toujours être à même de les recueillir. Peut-être que l’un ou l’autre lui confiera une aspiration d’enfant à devenir prêtre ou religieux. Qu’elle ne divulgue pas d’elle-même, si ce n’est à son mari, cette parole souvent profonde.  Mais qu’elle ne s’en émeuve pas non plus comme s’il s’agissait d’un oracle. Devant toujours être écoutées avec respect, ces  paroles ne sont cependant pas infaillibles. Rien ne serait plus dommageable, en tous les cas, que commencer à traiter l’enfant différemment des autres et à le regarder d’un oeil plus tendre ou plus exigeant après ce genre de confidence !

En revanche, la maman peut rechercher, avec beaucoup de tact et de discrétion, ce qui pourra favoriser l’orientation de ce cœur d’enfant. Il est possible que, dans certaines occasions, le petit en reparle ; dans d’autres cas, son mari ou elle-même aura peut-être à en prendre l’initiative.

Vis-à-vis de tous leurs enfants, les parents s’efforceront que soit offerte la possibilité de se rendre à de belles cérémonies comme celles d’une prise d’habit ou d’une ordination sacerdotale. Ce pourra être l’occasion de leur montrer ce que sont un séminaire ou un monastère. Il est également nécessaire que les parents acceptent le choix des écoles hors contrat, vraiment catholiques, pour trouver le complément indispensable dont ils ont besoin dans l’éducation de leurs enfants. Au père de famille, il appartiendra plus naturellement, lorsque les enfants seront plus âgés, de rappeler à chacun la nécessité de se poser la question de l’état de vie, et d’évoquer la supériorité de la vie sacerdotale et consacrée sur les autres états de vie. La retraite spirituelle constitue un excellent moyen pour prendre une bonne décision. Cependant, terminons en disant que toute cette vie catholique ne produira bien ses fruits et ne donnera ses vocations que si le terreau naturel de la famille est lui-même bien équilibré par la stabilité de la famille, la fidélité des époux l’un à l’autre, leur juste complémentarité dans l’éducation des enfants et leur fidélité à leurs devoirs d’état.

Abbé Régis DE CACQUERAY +
Supérieur du District de France