25 mars 2012

[Abbé Guillaume Gaud, fsspx - Apostol] Le dilemme de nos bastions de la Foi

SOURCE - Abbé Guillaume Gaud, fsspx - Apostol - daté d'avril 2012

Notre rôle consiste-t-il essentiellement à être des bastions de la Foi chargés de la préserver intacte en attendant des jours plus favorables ; et secondairement à être plus missionnaires et travailler à répandre davantage Notre-Seigneur autour de nous ? Ou à l’inverse devons-nous être avant tout missionnaire, et accidentellement être des bastions de la Foi ?

- Si nous optons pour la première réponse, que devons-nous faire pour préserver et affermir efficacement la foi dans nos prieurés et paroisses ?

- Si nous optons pour la seconde réponse, que devons-nous faire pour être missionnaire non en vœu, mais de façon profonde, surnaturelle et durable ? Et de façon à ne pas affaiblir notre Foi ?
DEFENDRE LA FOI
Regardons ce qu’ont fait les grands défenseurs de la Foi :
# A l’exemple d’un St Athanase, nous devons exposer notre propre personne aux calomnies, aux violences et aux condamnations, pour préserver la Foi catholique. Et non être un regroupement de pusillanimes, qui ne cherchent qu’à se protéger du prochain.

# A l’exemple d’un St Cyrille d’Alexandrie, nous devons aller au contact des hérétiques pour discuter, et ainsi affiner nos arguments et leur faire comprendre leurs erreurs. Et non être des Don Quichotte se battant contre personne d’autre que des feuilles de papier ou des visages sur l’écran de télévision. 
# A l’exemple d’un St Hilaire de Poitiers, nous devons protéger la Foi par l’étude de la Tradition, en allant au fond des difficultés. Et non en faisant semblant d’être des défenseurs.
# A l’exemple d’un St Grégoire de Nazianze, nous devons renoncer à nos idées personnelles pour mieux défendre la Foi. Et non utiliser la crise de l’Eglise pour défendre nos opinions théologiques.
PRESERVER NOTRE FOI
La meilleure façon de préserver notre foi est de : s'en imprégner.

Voilà pourquoi les papes ont toujours défendu l’école catholique. Voilà pourquoi le catéchisme commence dès le jeune âge. Voilà pourquoi il faut assister à la Ste Messe comme une éponge, suivre les actions liturgiques et les textes traditionnels, façonnés par la Foi et formant en nous la même Foi. Un autre moyen de préserver notre Foi est d'écarter ce qui l'affaiblit.

Médias, sites internet ou publications subversives. Les messes dites de « Paul VI » traduisant autre chose que la Foi traditionnelle, sont dangereuses, et ont amolli des millions de fidèles en France, qui se sont ensuite définitivement détournés de la pratique religieuse. L’esprit de compromission avec le mal et de relativisme de l’erreur doit être absolument combattu car il désarme toute résistance à la base. Réfléchissons-y. A cet effet, depuis Léon XIII, les papes ne cessent de redire qu’il faut étudier le catéchisme du Concile de Trente, St Thomas d’Aquin et les Encycliques des Papes, pour se rendre capable de défendre efficacement la Foi.
DES JEUNES QUITTENT LA TRADITION
Or, même en des bastions de vraie préservation et défense de la Foi, on constate que des fidèles et des jeunes qui y ont été éduqués, s’écartent peu à peu de la Tradition. C’est qu’il ne suffit pas d’être des bastions. Un bastion qui vit replié sur soi, se divise contre lui-même. Car « là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie ». Un jeune éduqué dans un bastion qu’on envoie dans le monde n’est pas préparé à cette confrontation. Seuls les plus forts resteront en vie. Beaucoup mourront. C’est ce qui se passe actuellement. Le rôle du bastion est donc d’affermir en paix la jeunesse, mais la confrontation au monde doit se faire peu à peu, avant sa sortie définitive.Pour éduquer l’intelligence de nos jeunes, il ne suffit pas de leur donner les principes, mais que leur intelligence les assimile par la confrontation à l’erreur (celle qui est à leur portée). Pour éduquer le cœur de nos jeunes, il ne suffit pas de leur donner l’amour du bien, mais aussi la haine du mal (car le péché restera toujours attirant).
LE ROLE DE L’APOSTOLAT EXTERIEUR
Ainsi, pour la subsistance-même des bastions, il faut une confrontation apostolique à ce qui est à l’extérieur. Mais la mesure de cet Apostolat sera précisément la préservation de la Foi catholique. Nous allons discuter, mais pas au risque de mettre en danger notre Foi. Ainsi - sans forger des catégories, et toutes choses étant égales par ailleurs - les deux types-clés des jeunes qui nous quittent sont :

# ceux qui sont surprotégés (j’entends par là un étouffement par des règles trop minutieuses, ou non aimées car non comprises grâce à la confrontation – toujours proportionnée à l’âge), et qui finissent par secouer un joug jugé insupportable.

# ceux qui, à l’inverse, ont fréquenté des milieux libéraux, avec ouverture d’esprit – « j’suis pas coincé ». Le relativisme doctrinal se construit de cette manière. Une vraie confrontation au monde doit donc avoir un seul but : le but apostolique, c’est-à-dire faire régner le Christ en soi et chez les autres.

Un vrai Apostolat, pour être fructueux doit avoir deux caractéristiques : être surnaturel, être adapté au milieu à convertir. Des Messes-shows ont attiré des foules mais n’ont pas produit les fruits escomptés. Ce naturalisme ne relève pas des techniques d’Apostolat du Sauveur… Nos Prieurés, s’ils tentent d’être vraiment surnaturels, n’attirent pas autant qu’ils le devraient. Pourquoi ? Nous sommes, de façon indéniable, souvent inaccessibles aux hommes d’aujourd’hui. Notre but prochain n’est évidemment pas d’attirer tout le monde, mais les âmes ayant une certaine disposition d’ouverture à la Foi et à l’Amour de Dieu. Même ces âmes se découragent parfois en venant dans nos chapelles. Les raisons ? Une méfiance marquée, des divisions et des critiques ne témoignant que de l’orgueil, des remarques désobligeantes sur les vêtements, des discussions politiques âpres et inutiles. Merci aux instruments inconscients du démon… Merci aux gens qui ont mieux compris que Dieu à quelle vitesse il faut faire avancer les âmes… Essayons d’amoindrir les obstacles aux conversions au lieu de les augmenter. Mais cela n’est pas suffisant : nous devons attirer. Les missionnaires ont toujours accompli cela depuis 2000 ans : s’adapter au maximum à la population visée, selon la finalité et les principes moraux chrétiens.
LE « MILIEU TRADI »
Il ne doit pas exister de « milieu tradi ». La Tradition catholique ne doit pas être un milieu social, car le christianisme ne l’est pas. La Tradition doit rassembler tous les milieux sociaux, et les recevoir avec leur identité propre. Nous ne sommes pas pour la disparition des classes. Les modes vestimentaires qui se sont peu à peu imposées chez nous reflètent la modestie – ce qui est nécessaire, mais la modestie ne se borne pas aux modes vestimentaires tradis. A vouloir trop imposer des règles d’habillement, on en dégoûte plus qu’on en forme. La conséquence est dans une sorte de libération à outrance de ces règles, qui va alors à l’encontre de la modestie. La deuxième conséquence est une sorte d’image sclérosée de la Tradition, qui paraît vivre dans les années cinquante – peu attirant ! Cependant la force de ce regroupement dans la Tradition catholique consiste dans la logique entre notre Foi et notre vie quotidienne. Cette adéquation doit refléter notre conviction et notre sincérité, et non seulement des règles. Elle est une véritable mise en lumière de la Vérité catholique. Et c’est ce qui attire. Mais restons toujours le plus possible à la portée des contemporains de bonne volonté. Nous devons donc être fermes avec nous-mêmes, mais rayonnant de miséricorde et de compréhension pour notre prochain. Il aimera alors notre fermeté !

Abbé Guillaume Gaud