13 août 2015

[Abbé Henry Wuilloud, fsspx - Le Rocher] "Dans ce champ d’Ecône..."

SOURCE - Abbé Henry Wuilloud, fsspx - Le Rocher - Lettre circulaire aux fidèles de Suisse - Août/Septembre 2015

Bien chers fidèles,

Dans ce champ d’Ecône, comme chaque 29 juin ou à une date proche, on admire la longue file de surplis qui va entourer l’autel à l’ombre duquel vont naître les nouveaux prêtres. Les fidèles en nombre suivent avec attention, avec amour cette lente progression. Heureux ils se mettent à genoux au passage de l’évêque qui bénit sans se lasser, s’arrêtant bénignement près des petits pour les laisser baiser l’anneau. Ces cérémonies, cette vie ! Mon Dieu, sans la Fraternité que serions-nous ? Des errants hagards sans espoir et sans but ! Par elle, nous avons tout. Quelle abondance de bienfaits en son sein, que de trésors elle peut distribuer dans le monde entier ! Et à nous, ses membres, encore plus. Tout ce que nous sommes, nous le lui devons. Par elle, on opère des miracles… comme fonder de vraies familles, développer de véritables vocations, et des écoles, et des missions et tout et tout…, et ce malgré le courant contraire qui nous submerge quotidiennement.

Mais donner la vie veut toujours dire souffrir, et des souffrances notre Fraternité continue d’en endurer de toutes parts et notamment de ses propres enfants ! Des suspicions, des doutes, des calomnies, c’est fou de constater tout ce qui est semé dans le champ familial ! Cela démontre à mon avis combien nous influence l’époque actuelle. Notre civilisation occidentale se mutile à mort en faisant mourir les enfants dans le sein maternel et en les remplaçant par des personnes qui veulent surtout en profiter. Nos pays, nos sociétés en tous genres se donnent la mort parce qu’ils rejettent la Vie et qu’ils ont choisi Mammon. Ce malaise se répercute chez beaucoup de nos contemporains qui préfèrent fuir ce monde sans espoir mais par la fausse porte du suicide. Et pour corser ce qui est déjà fortement pimenté, nos propres milieux tentent de frapper cette petite Fraternité qui porte la Vie, par la doctrine, par les Sacrements ! L’art de se saborder ou de scier la branche sur laquelle on tente de rester assis est activement cultivé par certains. Si au moins, on pouvait facilement trouver la pareille ailleurs !

Il ne faut pas se voiler la face, nous vivons de tels temps troublés. Que nous reste-t-il à faire ? N’est-ce pas le cri de Pierre [Jean 6/60 à 70.] qui n’était pas encore saint, loin s’en faut, qu’il faudrait maintenant pouvoir crier : « A qui irions-nous ? »Jésus avait prêché l’Eucharistie et la Passion, les disciples s’en scandalisèrent : « Cette parole est dure !… Peut-on seulement l’écouter ! », alors ils cessèrent de le suivre. Jésus se tourne alors vers les douze, non pour les supplier de rester, mais pour leur demander s’ils veulent également partir. Cette scène est tragique et bouleversante, le Fils de Dieu qui est venu pour sauver les hommes, les perd sans cri et sans larme : « Personne ne peut venir à moi si cela ne lui est donné par le Père. » Simon-Pierre, avec son bon sens et sa magnifique pétulance, va prononcer une évidence : « Seigneur, à qui irions-nous ? » Manifestement cette vérité n’est pas plus lumineuse aujourd’hui qu’elle ne le fut alors : seul le petit groupe resta près du Pain de Vie. Et ceux qui le quittèrent ! L’Evangile ne nous dit pas un mot du lieu où ils allèrent ! C’est même assez effrayant, ils tombèrent dans l’oubli, dans l’obscurité, ils avaient perdu la lumière.

Le parallèle est-il faisable ou alors trop fort ? Bien sûr, on ne veut pas équiparer Notre-Seigneur lui-même avec la Fraternité, ce serait sans doute bien exagéré. Mais dans le sens où Notre-Seigneur est actuellement transmis par elle et selon la manière que l’Eglise catholique n’a eu de cesse de le transmettre, alors nous pouvons utiliser cette analogie. De plus, sans négliger les autres mouvements où il se passe également de belles choses, nous pouvons affirmer que dans cette Tradition catholique, dont la Fraternité est l’œuvre principale, c’est là qu’on trouve tout le trésor de l’Eglise. Alors, où pouvons-nous donc aller, sinon rester ? A la suite de saint Augustin, hardiment nous pouvons dire : « Si vous voulez que nous vous quittions, donnez-nous un autre vous-même ! »

Le Supérieur général lors du mot donné suite au repas des ordinations n’a pas pu s’empêcher de faire une petite mention de cette souffrance provoquée par des membres et des fidèles "résistants", trouvant la parole des supérieurs trop ceci ou trop cela, préférant ainsi aller voir ailleurs. Mgr Fellay donnait la consigne bien simple de « se serrer les coudes » ! L’expression est bien choisie, car c’est véritablement ce que les apôtres ont fait ce fameux jour à Capharnaüm. Ils se sont mis derrière lui et ont fait confiance… N’avait-il pas déjà tant montré durant les premiers temps passés ensemble ?

Donc pas de jérémiades sur ceux qui veulent partir, le Seigneur permet ces défections. Bien sûr que nous sommes tristes de les voir s’en aller, surtout qu’un bon bout de chemin avait été fait avec eux. Ils savent même qu’ils sont bienvenus pour un retour. Prions donc pour notre fidélité, pour une fidélité qui nous presse plus que toutes tentations et toutes déceptions ; on a tellement vite fait de se faire berner par le cornu. Car en définitive, il faut que cette Tradition devienne plus forte, pour rendre accessible au plus grand nombre le Seigneur de toute gloire ; et cela sera si l’union et la cohésion sont toujours plus réelles dans nos rangs. Que Dieu nous vienne en aide pour l’accomplir dans nos actes quotidiens, et que la Vierge Mère nous sorte de nos tiédeurs pour faire de nous de zélés adeptes de la religion catholique !

Abbé Henry Wuilloud