3 mai 2016

[Bertrand Y. (blog)] N’est pas Rivarol qui veut

SOURCE - Betrand Y. (blog) - 3 mai 2016

Monsieur le Rédacteur en chef de « Rivarol » ne décolère pas après ceux qui ont osé s’en prendre à lui comme il s’en prend à autrui à longueur de colonnes. Il est surprenant que, quand on passe le plus clair de son temps à répandre son fiel, on puisse encore s’étonner de récolter ce qui n’est somme toute qu’un peu de celui-ci en retour : ne récolte-t-on pas ce qu’on sème ?

Quand on en arrive à ce que cela vienne autant de ce qui paraît a priori être son camp (un forum qui se dit quand même catholique) que de l’ennemi (les anticatholiques affichés et enragés de « Canal + », par exemple), la raison voudrait qu’on s’interroge, qu’on fasse un examen de conscience plutôt que de persévérer comme un insensé : « perseverare etc. ». A défaut de cela, qu’au moins notre nouveau « Monsieur de Rivarol » se demande s’il est fidèle à l’image du premier porteur du nom (1753-1800) !

La pensée de celui-ci n’a rien d’étroit ou de partisan car, bien qu’attaché de cœur à l’Ancien Régime, il est intellectuellement plutôt du côté des Lumières, de la liberté politique plutôt que de l’autoritarisme monarchique.

Son style est encore, à n’en pas douter, celui du Grand Siècle dont il s’est nourri comme un E. Rostand dans son Cyrano; et dont il s’est repu de façon insatiable autant par la littérature que par la fréquentation d’une haute société parisienne qui, juste avant la Révolution, le perpétuait encore. Il est donc celui d’une intelligence vive et pétulante, aisément taquine ou percutante mais avec un bel esprit de finesse, voire d’humour, qui ne se départit jamais totalement de respect ni même de bonté.

Il n’a donc rien de l’illuminé ou de l’idéologue qui ne respecte rien et qui est prêt à tout briser pour imposer à la terre entière ses petites vues humaines. Rien ne lui est plus insupportable. Voila pourquoi il s’est farouchement opposé, comme l’on sait, aux révolutionnaires de 1789 : à leur absence d’art de vivre plus qu’à leurs pensées profondes!

Quoi de commun, alors, avec le « Rivarol » d’aujourd’hui ?

Quant à sa pensée, bien qu’il s’en défende en s’empêtrant dans ses contradictions, évidentes sont ses sympathies pour une Europe national-socialiste fondée avant tout ou essentiellement sur une philosophie néo païenne formellement condamnée, en son temps, par l’Eglise (philosophie accessoirement seulement antimaçonnique, anticommuniste etc.). Ce qui est déjà pour le moins surprenant de la part d’un catholique pour qui la fin ne justifie normalement pas les moyens. Mais c’est surtout par le caractère tyrannique très prononcé de ce régime qu’il est en opposition flagrante avec notre bon Monsieur de Rivarol.

De même, comment imaginer que celui qui s’est opposé, au péril de sa vie [1], à la barbarie révolutionnaire se serait risqué à minimiser la culpabilité d’un régime capable de massacrer atrocement dans des camps de concentration ne serait ce que quelques milliers, voire même que quelques centaines, de victimes (juives [2] mais pas seulement, loin s’en faut). Serait ce moins barbare que d’en avoir torturé et tué plusieurs millions ? Et quant au nationalisme soi disant exemplaire de ce même gouvernement, il l’aurait tout autant exécré quand on sait par quels moyens furent annexées les régions considérées par lui devoir faire partir de ce nouvel empire germanique.

Quant au style, il suffit de relever le comportement très choquant du successeur d’Antoine de Rivarol envers, entre autres, les autorités de F.S.S.P.X bien que paraissant un farouche défenseur de la Tradition catholique ; sans parler de celui envers le pape lui-même dont les égarements graves, il est vrai, ne peuvent justifier un tel irrespect digne des pires ennemis de l’Eglise. Hitler - oui, jetez le masque, Monsieur ! - tout catholique qu’il fut de naissance, a-t-il agi autrement avec la hiérarchie de son temps ? Or « un royaume divisé contre lui-même peut il subsister ? » [3], répondait pertinemment Jésus à ceux qui l’accusaient de chasser les démons au nom de l’un d’entre eux. Donc de deux choses l’une : ou l’on est pour le bien de l’Eglise et de sa Tradition et on n’agit pas publiquement de la sorte ; ou l’on ne l’est pas vraiment et tout s’explique...

En polémiquant, Monsieur de Rivarol était sans merci contre la brutalité des nouveaux tyrans de la fin du XVIIIème mais visait juste et avait la manière.

Son prétendu « alter ego » n’en a ni la justesse de vue, ni la façon ; avec, en plus, l’assurance d’un prophète, qu’il n’est bien sûr pas, donc une immodestie fort déplaisante.

N’est pas Rivarol qui veut !

B.Y.

[1] a dû fuir la France en 1792 jusqu’à sa mort

[2] bien que déicides, les juifs ont toujours été tolérés par l’Eglise et même protégés par elle contre leurs persécuteurs, étant fidèle en cela à la pensée de St Thomas d’Aquin (II II, 10, 11, par ex.)

[3] parole que feraient aussi bien de méditer certains clercs de ladite Fraternité qui, dès qu’ils ont une once de pouvoir, en abusent pour non seulement juger urbi et orbi et sans égards le pape, les évêques etc. mais même pour afficher leurs désaccords avec leur propre supérieur général. « Le linge sale se lave en famille », dit pourtant le bon sens populaire !