J’ai cité, dans un récent numéro d’Aletheia (n° 245, 4 avril 2016), l’extrait d’une lettre personnelle du Pape émérite Benoit XVI, en date du 15 mars 2016, qui affirme sans ambiguïté : «un quatrième secret de Fatima n’existe pas. Le texte publié est intégral et il n’existe rien d’autre».
Je ne prétends pas que cette lettre aurait dû  faire cesser  tout débat sur le sujet, mais vu  l’autorité de son auteur on aurait pu s’attendre à ce que les publications qui traitent encore  de la question en tiennent compte. 
La connaissance d’un fait historique s’appuie sur des témoignages et sur des documents,  sur le degré de crédibilité des uns, sur l’authenticité des autres, et sur la confrontation des  uns  et  des  autres.  L’historien  catholique  sera  guidé  dans  son  travail  par  cette recommandation de Léon XIII, faite lorsqu’il décida d’ouvrir des Archives secrètes vaticanes  (ASV) aux chercheurs : « La première loi de l’Histoire est de ne pas oser mentir ; la seconde,  de ne pas craindre d'exprimer toute la vérité ». 
Or,  après l’affirmation  claire  de  Benoît  XVI en  date  du  15  mars  2016,  des  publications catholiques ont continué à évoquer l’existence d’un supposé « 4e secret » de Fatima comme si  le Pape émérite ne s’était pas exprimé ! Comme si ce qu’il affirmait n’avait aucune valeur ou  était un mensonge. 
Sans être exhaustif, je citerai deux déclarations récentes :
•  Le  13  mai  2016,  dans  un entretien  accordé  au  National  Catholic  Register (traduit  en  français dans le n° 336 de DICI, 27 mai 2016), Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité  Saint‐Pie X, affirme : «ce qui est sûr, c’est que tout n’a pas été révélé. Sœur Lucie, dans son  troisième rapport, a donné les paroles de la Sainte Vierge avec un ”et cetera”, et dans ce qui a été  publié  par  Rome  il  n’y  a  pas  de  paroles,  seulement  une  vision.  Alors  évidemment  il  manque quelque chose.»
•  Le  15  mai  2016,  sur  le  site  catholique  américain  1P5 (OnePeterFive),  Maike  Hickson [1] publie les confidences d’un prêtre allemand,  Ingo Dollinger, ancien professeur de  théologie  au Brésil. Celui‐ci affirme qu’en 2000, après la publication de la troisième partie du secret de  Fatima, le cardinal Ratzinger, «dans une conversation personnelle», lui aurait dit: «il  y  a  plus que ce que nous avons publié». Le futur Benoît XVI lui aurait dit aussi que la partie  non encore publiée du Secret parle d’un «mauvais concile et d’une mauvais messe». 
J’ai souligné les deux paroles attribuées au cardinal Ratzinger par Dollinger. L’article dans  lequel Maike Hickson les rapporte s’intitule : Cardinal Ratzinger : We have not published the  Whole Third Secret of Fatima (« Cardinal  Ratzinger : Nous  n’avons  pas  publié la  totalité  du  troisième secret de Fatima »). 
Je signale encore que dans ce même article Maike Hickson rapporte une autre supposée  confidence que lui a faite un autre prêtre (dont le nom n’est pas cité!). Benoît XVI aurait dit à  ce  prêtre,  lors  d’une  rencontre  en  privé,  qu’il  considérait  Mgr  Lefebvre  comme  «le  plus  grand théologien du XXe siècle».
Il n’est pas besoin de démontrer l’invraisemblance du propos. 
Un communiqué du Saint‐Siège
La soi‐disant révélation de l’abbé Dollinger a rencontré un grand écho dans une certaine presse catholique et sur de nombreux sites de la ”cathosphère”.
Par  exemple, le  18 mai,  dans Corrispondenza romana, le  site  de l’Agence d’informations  hebdomadaires fondée et dirigée par Roberto de Mattei, Cristina Siccardi relaie l’information diffusée par OnePeterFive. Elle présente Dollinger comme un «ami personnel de Benoît XVI»  (ce que ne disait pas l’article cité) et estime à son tour que le 3e secret de Fatima «n’a pas été  révélé dans sa totalité».
La controverse sur le sujet a commencé le jour‐même où la Congrégation pour la Doctrine  de la Foi a publié la 3e partie du Secret, il y a seize ans maintenant. 
Pour  mettre  un  terme  à  cette  controverse,  le  Saint‐Siège  a  publié,  le  21  mai  2016,  un  communiqué. Ce Communiqué n’est pas signé, mais sa diffusion par le Bureau de Presse du  Saint‐Siège indique  son  caractère  officiel.  Le  texte  original  est  en italien.  Deux  traductions  ont été publiées en même temps par le Bureau de Presse, en anglais et en espagnol. 
Comme la presse française n’en a donné que des extraits, j’en propose ici une traduction  complète à partir de l’italien : 
Plusieurs articles publiés récemment ont rapporté des déclarations attribuées au Professeur Ingo Dollinger, selon lesquelles le Cardinal Ratzinger, après la publication du Troisième Secret de Fatima (qui a eu lieu en juin 2000), lui aurait confié qu’une telle publication n’était pas compète. À ce propos, le Pape émérite Benoît XVI fait savoir ”n’avoir jamais parlé de Fatima avec le Prof. Dollinger », affirme clairement que les déclarations attribuées au Professeur Dollinger sur ce thème ”sont de pures inventions, absolument fausses” et confirme nettement : ”la publication du troisième secret de Fatima est complète”.
Ce Communiqué contient un triple démenti. Il n’y a pas eu un malentendu, l’abbé Dollinger n’a pas mal compris le cardinal Ratzinger : le Pape émérite déclare de façon formelle n’avoir jamais parlé de Fatima avec lui. Il réaffirme aussi que la publication du 3e Secret faite en 2000 est complète. 
Les journalistes et commentateurs qui s’obstinent à croire, à dire, à écrire que le Vatican continue à cacher une partie du message de Fatima auront-ils l’humilité, intellectuelle et spirituelle, de tenir compte de la lettre (personnelle) du 15 mars 2016 et du Communiqué (officiel) du 21 mai 2016 ?
Une lettre du Pape émérite Benoît XVI
Pour compléter l’information de tous, je publie ci-dessous le texte intégral de la lettre que Benoît XVI m’avait adressée [2] avec bienveillance en français, et en réponse à des questions historiques sur le 3e Secret et son interprétation. 
Benedictus XVI, Papa emeritus
Cité du Vatican, 15. 3. 2016
Monsieur,
Répondant à votre lettre très gentille du 22 février, je peux vous communiquer qu’un quatrième secret de Fatima n’existe pas. Le texte publié est intégral et il n’existe rien d’autre.
Quand j’ai dit que ce secret ne parle pas uniquement du passé, je voulais préciser et expliquer simplement le genre de telles paroles, qu’on ne peut jamais réduire uniquement sur un point précis. C’est une réalité continuelle que l’Église et le pape sont menacés par les forces du mal.
Même si on peut interpréter la vision sur un événement précis, on peut néanmoins voir en elle également un renvoi à des menaces toujours nouvelles et des dangers qui continuent. Avant tout il est important que l’invitation à la prière, qui soutient et aide le Pape et l’Église, restent actuelle même après le moment d’alors.
J’espère avoir éclairci ainsi votre demande et reste avec mes saluts et ma bénédiction.
Vôtre, Benedictus XVI
Sans  entrer  ici  dans  un  commentaire  de  cette  lettre  et  des  suggestions  qu’elle  fait,  on  relève  une  confirmation  factuelle  (il  n’y  a  pas  d’autre texte  à  attendre)  et  une  double  incitation à la  réflexion : sur le genre littéraire auquel appartient le «Secret de Fatima» et  sur l’interprétation que ce genre de texte appelle.
En  fait,  le  Pape  émérite  a  déjà  amplement  mené  cette  double  réflexion.  C’était  en  juin  2000. On la trouve dans le Commentaire théologique qu’il avait publié, en tant que Préfet de  la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, en complément de la Présentation du Secret que  faisait Mgr Bertone, alors secrétaire de la même Congrégation.
Relire  ce  Commentaire  théologique serait  plus  utile et  profitable,  intellectuellement  et  spirituellement,  que  prêter  l’oreille  aux  « pures  inventions,  absolument  fausses »  des  Dollinger, Socci, et autres.
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1 Maike Hickson, d’origine germanique, convertie au catholicisme, a fait des études de littérature et d’histoire. Elle vit en Suisse et se présente elle‐même, sur le site en question, comme « une mère de famille heureuse qui aime écrire des articles quand le temps lui permet ». 
2 La lettre est dactylographiée, la signature manuscrite. Elle a été transmise par la Nonciature apostolique.
