15 septembre 2006






Benoît XVI, pape traditionaliste ?
15 septembre 2006 - Christian Terras et Romano Libero - Golias - golias.ouvaton.org
L’expression, fort audacieuse, est empruntée à l’abbé Laguérie, le nouveau prieur de l’institut du Bon Pasteur, regroupant des intégristes désormais reconnus par Rome. Elle sent la récupération à plein nez. C’est pourquoi nous tenons à lui ajouter un sincère point d’interrogation. En fait, elle contient une part de vérité, mais qu’il faut préciser.
Benoît XVI partage avec le courant traditionaliste une vision intransigeantiste et intégraliste du catholicisme.
Comme ses amis de l’autre rive, il souhaite oeuvrer à une véritable restauration, à tous les plans, d’une Église puissante et maîtresse de vérité. Son regard sur l’après Concile frappe par sa sévérité. En substance, Joseph Ratzinger déplore la réforme liturgique.
Pour autant, il est loin de partager toutes les obsessions des traditionalistes français (par exemple au niveau politique) et il se refuse à envisager le " vrai " Concile en terme de rupture. Ce qui l’oppose à Mgr Lefebvre.
Nous préférons parler d’ultra-conservatisme restaurateur .
Il semble à présent clair pour tout un chacun que ce pontificat sera un pontificat non de compromis, mais de transition...au sens fort du terme. Non pas celui d’un changement différé mais plutôt du véritable passage d’un catholicisme encore marqué par les audaces conciliaires à une nouvelle variante du catholicisme intransigeant.
De fait, les épiscopats locaux et nombre de catholiques ne semblent plus opposer de résistance à un tel tournant radical. La complaisance manifestée par Mgr Ricard à l’endroit des intégristes, qui tranche avec les réticences de ses prédécesseurs, constitue un véritable scandale pour les chrétiens de progrès.
Elle traduit bien aussi l’effondrement de l’utopie des conciliaires réformiste, visant à une évolution progressive de l’Église, sans s’affranchir pourtant radicalement de certaines manières de penser et de réagir. Cette posture de compromis, cherchant un équilibre variable entre soumission institutionnelle et liberté personnelle, a été mise en difficulté croissante par l’émancipation plus radicale de la société et des moeurs. Le numéro d’équilibriste devenant alors presque impossible, le nombre des candidats s’amenuise forcément. Ce vieillissement des troupes conciliaires donne l’illusion numérique d’une puissance continue des intégristes.
D’où l’oreille de plus en plus favorable qui leur est accordée.
Benoît XVI, d’une certaine façon, accompagne cette évolution. En même temps, il la surveille, la contrôle et l’implante durablement. Il lui donne une assise doctrinale et une charpente bien construite ; alors que Karol Wojtyla se présentait surtout comme un séducteur et un conquérant des coeurs.
Très habile au demeurant, Joseph Ratzinger sait, si nécessaire, laisser du temps au temps. Désormais pourtant le masque est tombé. Les discours prononcés lors du voyage en Bavière , des appels à la croisade, ne peuvent que dissiper tous les doutes à cet égard. Si tant est qu’il en subsistait encore chez certains.
Benoît XVI ne se laisse pas facilement enfermer dans une étiquette. D’ailleurs les étiquettes sont toujours un peu inadéquates.
Pour autant, nous n’hésitons pas à affirmer que ce Pape, si habile, entend d’évidence être d’abord l’artisan d’une restauration dont nous n’avons pas encore mesuré à ce jour ni l’étendue ni le caractère réactionnaire