23 septembre 2006

« Je cherche les brebis égarées »
L’abbé Leszek Krolikowski, sur l’Institut du Bon Pasteur
Version française d'un entretien paru en polonais le 23 septembre 2006 sur prawy.net
« L’Institut du Bon Pasteur a ici un rôle important à jouer – soulever la discussion sur le Concile de Vatican II, ayant toujours en vue le bien de l’Eglise. Ce n’est sûrement pas un rôle facile. L’Eglise ne sortira pas de la crise du jour au lendemain, mais sera le fruit d’un combat de longue durée, auquel l’Institut compte participer » – dit l’abbé Leszek Krolikowski , qui s’entretient avec Marcin Wielicki.

Mon Père, pourquoi avez-vous décidé de quitter la Fraternité Saint Pie X ?
Le motif direct qui m’a fait quitter la Fraternité a été la réélection de Mgr Fellay comme supérieur général  et le choix de l’abbé Nicolas Pfluger comme premier assistant.
Tous deux représentent une fraction qui vise  un enfermement de plus en plus grand de la Fraternité.
Monseigneur Marcel Lefebvre percevait la Fraternité comme une œuvre de l’Eglise et pour l’Eglise. C’est pour ça qu’il a attaché une grande importance à la création canonique de la Fraternité le 1er novembre 1970. Cette validation, comme la lettre d’éloges qui a suivi, de la part du cardinal Wrigth, étaient pour lui le signe qu’il se trouvait sur une bonne voie. Mais actuellement la Fraternité devient un but en soi et ne veut plus servir l’Eglise, ce qui devait être sa mission selon Mgr Lefebvre. La Fraternité a mis comme condition de négociations avec Rome la libéralisation de la messe traditionnelle. Pourtant quand on entend l’abbé Duverger, le numéro deux de la Fraternité en France, dire que la libéralisation de la messe tridentine  desservirait la Fraternité, car elle détournerait les fidèles de ses chapelles, on peut se poser la question : la condition posée par la Fraternité est-elle l’expression d’un désir sincère, ou un prétexte pour ne pas négocier avec Rome.
Selon quelle base fonctionnera l’Institut du Bon Pasteur ?
L’Institut est une société de la vie apostolique comme ne serait-ce que les Pallotins, les Jésuites ou la Fraternité Saint-Pierre. Elle dépend directement du Saint Siège, qui dans ses contact avec l’Institut est représenté par le cardinal Dario Hoyos en tant que président de la Commission Ecclesia Dei. L’Institut a le droit de fonder des paroisses personnelles, fonctionnant sur un principe similaire à l’ordinariat militaire. Chose très importante : la liturgie traditionnelle a été reconnue comme rite propre de l’Institut, ce qui veut dire entre autres choses que les prêtres de l’Institut ne peuvent pas célébrer la messe d’après le concile. Ceci prépare au document pontifical prévu pour novembre, qui autorisera chaque prêtre du rite latin à célébrer publiquement de la messe traditionnelle (tridentine). L’Institut a obtenu le droit de critiquer le Concile de Vatican II de manière constructive, et même , il a mission de prépare son interprétation authentique par l’institution ecclésiastique. On peut considérer sans exagérer que ces droits dépassent ce que réclamait Mgr Lefebvre, qui voulait seulement la liberté de faire « l’expérience de la tradition ».
Où seront les prieurés, les séminaires de l’Institut ?
Il existe déjà une paroisse à Bordeaux avec l’église Saint-Eloi. A Paris il existe le Centre Saint-Paul, qui donne un cycle de conférences, les cours de latin, philosophie, psychologie, langues étrangères. Difficile de dire s’il sera transformé en paroisse, parce qu’il est de règle dans le diocèse de Paris de ne pas approuver les paroisses dirigées par des instituts religieux. La seule exception sont, je crois, les lazaristes. En plus la création de l’Institut a provoqué en France une véritable furie parmi les catholiques  dit progressistes, qui ont commencé une offensive médiatique visant l’Institut. L’institut fonde aussi une maison à Rome pour les prêtres et séminaristes y étudiant. Il y faut ajouter une ou deux maisons en Amérique du Sud. C’est l’état au jour d’aujourd’hui. Je pense que durant les prochains mois cela peut changer et nous aurons plus de paroisses de ce type. Le séminaire dirigé par l’abbé Aulagnier ouvrira ses portes à Courtalain près de Chartres.
Comment se présente la situation en Allemagne ? Puisqu’il y a là bas des légendes de la lutte pour la Tradition catholique, comme les abbés frères Joseph et Stéphane Maessen, ou le curé Goesche.
Qui vivra verra. L’annonce de la création de l’Institut est trop fraîche pour qu’on puisse prévoir toutes les réactions. Le fait que l’abbé Pfluger ait été durant plusieurs années le supérieur du district Allemagne, officiellement ou dans les faits, et qu’il y soit bien connu, joue son rôle. En Allemagne, comme dans d’autres pays, il y a beaucoup de prêtres critiques vis-à-vis des dirigeants de la Fraternité. Par contre on ne sait pas ce qu’ils vont faire.
Et vous-même, où serez-vous ?
A Rome, je commencerai des études menant au doctorat de philosophie à l’Angelicum (l’Université de Saint-Thomas d’Aquin). J’espère qu’elles ne me pas totalement du travail apostolique, en Italie en France ou en Pologne, s’il besoin est.
Peut-on envisager que l’Institut s’installe en Pologne ?
C’est certainement envisageable. Mais deux semaines après la création de l’Institut il est trop tôt pour avancer une date ou un lieu concret. Beaucoup dépend de la réaction que l’érection de l’Institut aura parmi les catholiques polonais, ainsi que de l’attitude des évêques polonais.
Justement. La création de l’Institut est largement commentée dans le milieu traditionaliste polonais, avez-vous un retour ? Avez-vous été contacté par des prêtres ou des fidèles ?
Pour l’instant je n’ai pas eu grand retour, mais je pense que bientôt ça viendra. La liste de contacts avec le clergé, comme avec les fidèles, grandit de jour en jour.
Et vous n’avez pas peur que l’Institut s’engage dans des concessions vis-à-vis du modernisme, comme cela a été le cas avec Campos, qui de son temps déclarait aussi la fidélité à la Tradition, et a fini par concélébrer la messe avec les modernistes ?
Comme je l’ai déjà dit, les statuts qui ont été approuvés par le Saint Siège prévoient comme rite propre de l’Institut les messes, les sacrements et les sacramentaux (par exemple : la  consécration d’une église, les bénédictions de médailles, du scapulaire, du chapelet) selon le rite traditionnel. En principe donc les membres de l’Institut n’ont pas le droit de célébrer la Sainte Messe dans un autre rite. Chacun de nous peut tomber aussi bas qu’il se le permettra à lui-même. Cela concerne tous les mortels. Il ne peut être question d’une garantie absolue. La seule garantie est celle donnée par le Christ à l’Eglise que les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur Elle. Je crois profondément qu’avec l’aide de la Grâce Divine l’Institut restera toujours Fidel à la foi catholique.
Comment évaluez-vous la situation dans l’Eglise où d’un côté on tente de supprimer l’agenouillement à l’Eglise, et de l’autre on va vers la liturgie grégorienne ?
Saint-Pie X déjà avait remarqué que les ennemis de l’Eglise se trouvent aussi en Son sein. Mais même parmi ceux qui ont à cœur le bien de l’Eglise règnent des opinions différentes sur les sources de la crise dans l’Eglise et les remèdes à apporter. Je pense que l’Institut du Bon Pasteur a ici un rôle important à jouer – soulever la discussion sur le Concile de Vatican II, ayant toujours en vue le bien de l’Eglise. Ce n’est sûrement pas un rôle facile. L’Eglise ne sortira pas de la crise du jour au lendemain, mais sera le fruit d’un combat de longue durée, auquel l’Institut compte participer.
Pour finir, qu’est-ce qu’on peut souhaiter à vous-même et à l’Institut ?
Avant tout, la bénédiction Divine et la protection de la Mère de Dieu, et aussi la fidélité dans le service de l’Eglise et l’observation de l’esprit missionnaire qui veut qu’on cherche les brebis égarées, tel un Bon Pasteur, et qu’on ne s’enferme pas derrière un mur de barbelé par crainte d’être contaminé par le « monde mauvais ».
Je vous remercie.