6 juillet 2008

Le motu proprio s’est appliqué en douceur
06/07/2008 - Nicolas Senèze - la-croix.com
Le motu proprio s’est appliqué en douceur Un an après la publication de « Summorum Pontificum », par lequel Benoît XVI a libéralisé la liturgie d’avant Vatican II, peu de demandes ont été déposées
Benoît XVI l’aurait confié à des évêques français de passage à Rome : à ses yeux, le motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, redonnant droit de cité à la liturgie telle qu’elle était célébrée avant Vatican II, ne concernait qu’un petit nombre de fidèles. De fait, un an exactement après sa publication, le nombre de lieux de culte où la liturgie catholique est célébrée selon la « forme extraordinaire du rite romain » n’a pas explosé : 172 en France, dont 124 où était déjà appliqué le motu proprio Ecclesia Dei adflicta publié en 1988 par Jean-Paul II.
À Paris, les six lieux où la messe dominicale est ainsi célébrée « à l’ancienne » ne rassemblent pas plus d’un millier de fidèles. « On dénombre en général cinq ou six personnes par paroisse qui demandent une célébration selon la forme extraordinaire, explique Mgr Patrick Chauvet, vicaire général, chargé de ce dossier par le cardinal André Vingt-Trois. Du coup, nous les rassemblons par arrondissement. » Selon lui, les curés accueillent avec bienveillance les demandes, du moment qu’elles ne soient pas instrumentalisées par des groupes qui, à l’instar de La Paix liturgique, tentent de fédérer l’opposition aux évêques sur ce sujet.
« Mais avec quelques conditions, souligne le P. Chauvet : qu’il n’y ait pas d’agressivité, et qu’il n’y ait pas de communautés les unes à côté des autres. » C’est le principal souci des évêques de France : éviter toute « ghettoïsation » des fidèles attachés à l’ancien rite. « Dans le 16e arrondissement, ceux qui viennent à Sainte-Jeanne-de-Chantal s’intègrent bien dans la vie paroissiale », relève-t-il. Un an après Summorum Pontificum, seuls douze diocèses de France métropolitaine n’ont pas mis le motu proprio en application.
Faute de demandes
Et c’est davantage faute de demandes que par mauvaise volonté. Ainsi, à Blois, Mgr Maurice de Germiny constatait en septembre dernier qu’« il n’existe pas dans le diocèse de groupe stable de fidèles désireux de reprendre l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 ». Depuis, une « demande courtoise de mise en œuvre » du motu proprio a été adressée pour Vendôme, et l’évêque cherche « un prêtre “ad hoc” » dans son diocèse, plutôt que de faire appel à un institut relevant de la Commission pontificale Ecclesia Dei. C’est aussi ce choix qu’a fait le cardinal Vingt-Trois à Paris, déclinant l’offre de l’Institut du Bon-Pasteur qui dispose d’un local et d’une chapelle dans le 2e arrondissement. « Ils ne célèbrent que la messe tridentine, ce qui est contraire au motu proprio », souligne Mgr Chauvet. Pas non plus de paroisse personnelle : « Le cardinal ne souhaite pas que les traditionalistes soient traités comme des chrétiens à part : l’objectif du motu proprio est justement de réunifier l’ensemble des catholiques », explique encore le vicaire général.
À Fréjus-Toulon, c’est au contraire cette dernière solution qu’avait retenue Mgr Dominique Rey dès 2005. Résultat : « Il y a eu peu de demandes. Sauf dans le golfe de Saint-Tropez, mais il semble s’agir plus de demandes d’estivants, pour lesquels nous allons trouver une solution », explique le P. Marc Aillet, vicaire général du diocèse.
"Insérer les fidèles dans la vie paroissiale"
« L’important est d’insérer les fidèles dans la vie paroissiale », insiste-t-il, soulignant par exemple que les séminaristes relevant de la paroisse personnelle reçoivent la même formation que les autres au séminaire diocésain – où ils célèbrent chaque jour dans la forme ordinaire –, et que des couples de la paroisse personnelle participent aux équipes de préparation au mariage sur le doyenné de Toulon. « Mais, si cela se passe bien, cela tient aussi à la personnalité des prêtres qui desservent la paroisse : autant ils sont attachés à la forme extraordinaire du rite romain, autant ils sont ouverts à Vatican II », conclut le P. Aillet.
Reste la question de la réconciliation avec les intégristes, toujours en rupture avec Rome, qui formait l’un des buts avoués de ce motu proprio. Sans doute Benoît XVI n’espérait-il pas grand-chose des responsables de la Fraternité Saint-Pie-X qui, fin juin, ont refusé une énième main tendue (La Croix du 2 juillet). Rome garde toutefois l’espoir que certains fidèles et prêtres intégristes sauteront cette fois le pas.
À Paris, quelques fidèles de Saint-Nicolas du Chardonnet fréquentent aujourd’hui régulièrement les messes du diocèse selon l’ancien Missel. Et on a recensé l’un ou l’autre prêtre de la Fraternité qui ont demandé à rejoindre des diocèses français. Mais pas non plus, pour l’instant, de raz de marée sur ce plan-là.
Nicolas SENÈZE