4 avril 2006

Note relative à l’interview de Mgr Fellay du 25 mars 2OO6
Yves Amiot - mardi 4 avril 2006 - http://sensusfidei.org
Dans une interview en date du 25 mars à DICI, Mgr Fellay a de nouveau modifié sa conception d’un accord entre Rome et la Fraternité Saint Pie X. Il le voit désormais comme un cheminement par étapes, comportant trois phases - d’une durée indéterminée - et soumis dès le départ à deux préalables essentiels.

Ces deux préalables concernent d’une part la libéralisation de la messe tridentine et d’autre part le retrait du décret d’excommunication qui frappe les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre. Une fois ceux-ci levés, une première phase, dite expérimentale, devrait permettre à la Tradition de "faire ses preuves sur le terrain". Ensuite viendrait une phase doctrinale permettant de "dégager un accord sur les causes profondes de la crise de l’Eglise". Enfin on entrerait dans une phase statutaire où interviendrait la définition du "statut canonique" de la Fraternité(1).

Il est à noter que cette nouvelle démarche s’oppose clairement à la notion même de "délais limités", impartis à la négociation par le communiqué du Saint Siège d’août 2OO6. Mais surtout on demeure perplexe devant le fait que le processus prévu par Mgr Fellay débuterait par une levée d’excommunication mais ne se terminerait que bien plus tard par la mise au point d’un statut canonique pour la Fraternité. En effet, il a toujours paru aux observateurs que les deux démarches étaient étroitement liées et ne pouvaient intervenir que de manière presque simultanée sauf à créer un vide juridique gros de périls.

Rappelons à cet égard que les excommunications liées aux "Sacres" résultent de l’application des canons 1O13 et 1382 du nouveau code de droit canon dont on trouvera le texte ci-dessous :

- Can 1O13. "Il n’est permis à aucun évêque de consacrer quelqu’un évêque à moins que ne soit établi l’existence du mandat pontifical".

- Can 1382. "L’évêque qui, sans mandat pontifical, consacre quelqu’un évêque, de même celui qui reçoit la consécration de cet évêque, encourent l’excommunication Latae sententiae, réservée au Siège apostolique".

Ajoutons que le code précise, dans le canon 1314, que l’excommunication Latae sententiae : "est encourue par ce fait même de la commission du délit si la loi ou le précepte l’établit expressement".

Sans doute, le siège apostolique peut-il lever cette excommunication comme il l’entend et quand il l’entend. En particulier, l’argument de "nécessité" peut être d’autant mieux retenu pour ce faire que les fidèles de Tradition que nous sommes l’avons toujours mis en avant pour contester le bien-fondé d’une telle sanction. Mais le point important est d’apprécier le statut de nos évêques dès lors qu’ils ne seraient plus l’objet d’une excommunication. Celle-ci résultant "du fait même" du sacre, elle ne serait levée que parce que le dit sacre n’est plus considéré, a posteriori, comme un délit. Dès lors, les quatre évêques, ayant reçu au regard de Rome un sacre valide et licite,seraient donc considérés par celle-ci comme pleinement évêques de l’Eglise latine.

Mais, de ce fait, ils se trouveraient soumis aux règles applicables en l’espèce et, en particulier, au Can 375 qui dispose : "Par la consécration épiscopale elle-même, les évêques recoivent avec la charge de sanctifier, celle d’enseigner et de gouverner, mais en raison de leur nature, ils ne peuvent les exercer que dans la communion hiérarchique avec le chef et les membres du Collège".

C’est dire que, dans ces conditions, Mgr Fellay et nos trois autres évêques (ayant sollicité et obtenu la levée de leur excommunicaton )seraient soumis de plein droit et sans aucune exception ni réserve au pouvoir hiérarchique du siège apostolique et du collège des évêques. Ils ne bénéficieraient donc d’aucun des privilèges, exemptions ou autres dérogations qu’aurait pu leur procurer un statut canonique de la Fraternité . Dans ces conditions comment pourraient-ils faire "leurs preuves sur le terrain", non pas certes à Rome, mais dans des évêchés, où, sauf exceptions, ils ne seront certes pas les bienvenus, et où leurs interventions entraîneraient de multiples contentieux ?

Il n’est possible d’éviter les effets de cette contradiction interne que si, à l’appui de la levée d’excommunication, un document précise le statut qui sera le leur et les libertés qui leur seront reconnues. Mais dès lors, c’est bien d’un statut canonique de la Fraternité dont il s’agira dans les faits - statut dont on sait combien Rome est disposée à l’accorder . Pourquoi, dans ces conditions, ne pas en discuter et en convenir dès maintenant, au lieu d’attendre la fin d’un "processus" d’une durée indéterminée qui génère une situation provisoire, instable, équivoque, si pénible à supporter par les fidèles et qui constitue un facteur de désordre et, pire encore, de lassitude dans leurs rangs ?

(1) Dans un tout récent communiqué, "La Porte Latine" prétend que cette position a été fixée de façon claire et constante depuis l’ouverture des conversations avec Rome. Nous laissons aux fidèles, qui ont suivi les déclarations successives de Mgr Fellay sur le sujet, le soin d’apprécier une telle affirmation...