4 septembre 2012

[Paix Liturgique] Versailles, la terre des "silencieux"

SOURCE - Paix Liturgique, lettre n°351 - 4 septembre 2012

Cinq ans après la promulgation du Motu Proprio Summorum Pontificum, il pourrait apparaître comme vraiment juste, bon et nécessaire que nos évêques se penchent enfin avec charité (et réalisme) sur la situation des demandes de célébrations « extraordinaires » dans leurs diocèses en dehors de tous présupposés idéologiques et politiques pour savoir ce que leurs fidèles attendent de leur sollicitude pastorale. C’est dans cet esprit que nous débutons aujourd’hui une série de dossiers consacrés aux grands diocèses de France en commençant par celui de Versailles.

1 – LE DIOCÈSE DE VERSAILLES : UNE TERRE PRÉDESTINÉE

Il semble exister comme une sorte de connaturalité entre le diocèse de Versailles et l’attachement des fidèles aux formes liturgiques et catéchétiques traditionnelles.

Comment ne pas se souvenir que c’est à Versailles que se tint les 7 et 8 novembre 1970 la première grande Assemblée des « Silencieux de l’Église » ? Ce mouvement devait témoigner pour l’histoire, pendant les quarante ans qui suivirent, de l’attachement indéfectible d’innombrables laïcs catholiques à la tradition dans la fidélité à l’Église contrairement à ce qu’affirmaient déjà autorités et médias d’alors.

Car il faut s’en souvenir, alors que soufflait encore en rafale le vent du Concile qui avait tant prôné le devoir des laïcs de participer plus activement à la vie de l’Église pour, espérait-on, faire du passé clérical table rase, que plus de 10 000 fidèles vinrent témoigner à Versailles de leur attachement aux traditions de cette Église…

Et que l’on s’en souvienne aussi : c’était alors toute la France encore largement catholique de l’époque, mais qui était effrayée du grand chambardement qu’on faisait subir à la religion, qui communia dans cette assemblée où professeurs, médecins, ouvriers mais aussi députés, ministres, écrivains et personnalités se comptaient par centaines… et que si le président de la république d’alors – Georges Pompidou – n’y vint pas, l’on sait qu’il s’y fit représenter, lui qui quelques années plus tard désirera comme messe de funérailles – sans que sa famille puise l’obtenir – une messe de Requiem traditionnelle. Et puisque nous évoquons Georges Pompidou, nous pouvons bien aussi évoquer Georges Bidault, dont on peut au moins retenir qu’il fut ancien président du Conseil (c’est-à-dire pour les plus jeunes, ancien " Premier ministre " de la IVème République), fut l’un des animateurs de la seconde séance plénière de cette étonnante assemblée qu’il eut été impossible de taxer perfidement et trop facilement d’extrémisme. Il faut en convenir : depuis près d’un demi-siècle que la greffe de l’« esprit du Concile » a été tentée sur l’Église de France, depuis le début jusqu’à ce jour, cette greffe n’a JAMAIS pris sur une très large frange de catholiques pratiquants (dont la réduction des trois quarts n'est peut-être pas sans rapport avec cette greffe).

2 – DANS LE DIOCÈSE DE VERSAILLES : UNE DEMANDE CONTINUE (1970-2007)

Cette demande à Versailles " de mettre en place une paix authentique " ayant été méprisée, il est normal qu’aux temps des persécutions larvées qui suivirent, la résistance aux novations s’y implanta solidement et durablement en donnant au fidèles des lieux de liturgie traditionnelle : Notre-Dame des Armées, chapelle du château de Versailles, Conflans-Sainte-Honorine, Port-Marly, Mantes, Le Chesnay et bien d’autres lieux du diocèse…

1988, loin de briser cet élan ne fit que le confirmer : la Fraternité Saint-Pie X s’enracinait durablement, et par les premiers effets du Motu Proprio Ecclesia Dei, les fidèles traditionnels « officiels » se multiplièrent (Motu Proprio que certains aveugles, incapables de mesurer la profondeur de la demande, n’acceptèrent que pour tenter de ramener au bercail conciliaire des brebis égarées).

Mais depuis 2007 ces chimères sont mortes car Rome leur a rappelé que la messe traditionnelle n’avait jamais été interdite et qu’il était donc désormais clairement légitime de désirer vivre sa foi catholique au rythme de la forme extraordinaire du rite romain. Voilà pourquoi les pieux catholiques du diocèse sont de plus en plus nombreux à pratiquer dans les lieux où cela leur est possible.

Et même si les " offres " de messes " extraordinaires " y sont jugées « suffisantes » par ceux qui en fait désirent en limiter l’usage, l’on sait que plus de cinquante groupes de demandeurs s’y sont fait connaître à leurs curés depuis 2007 avec des succès plus que mitigés (aucune messe dans la forme extraordinaire paroissiale, dominicale et hebdomadaire n’a été accordée au cours de ces cinq ans… en dehors de messes accordées " à reculons " à des instituts Ecclesia Dei que l’on ne manque pas de critiquer injustement par ailleurs pour leur caractère étranger à la vie du diocèse, quand il suffirait d’accorder cinq à dix messes paroissiales dans les principaux doyennés du diocèse pour évacuer ce mauvais procès).

Alors qu’il avait paru bon d’affirmer qu’il suffisait d’un clocher pour les cinq kilomètres alentours – une manière bien peu charitable de refuser l’une des plus importantes demandes de France, celle de Notre-Dame de Versailles – le sondage commandé en 2010 révélait que plus de 45 % des pratiquants du diocèse de Versailles désiraient y vivre leur foi au rythme de la forme extraordinaire.

3 – DES FIDÈLES QUI ATTENDENT

Un espoir était apparu en 2010 lorsque fut convoqué par Mgr Éric Aumonier, un synode diocésain qui allait, peut-être, permettre aux silencieux de s’exprimer et de se faire connaître.

188 groupes ont en effet profité de l’occasion pour faire des propositions demandant ou souhaitant la forme extraordinaire, ou un retour à une liturgie traditionnelle. Ce chiffre mis en parallèle des 76 paroisses que compte le diocèse de Versailles en dit long sur l’attente des fidèles…

Las ! Ces dizaines de groupes, représentant des milliers de fidèles, qui profitèrent loyalement de cette occasion pour faire connaître leur souhait à leurs pasteurs apprirent avec surprise et étonnement, une fois le synode convoqué et les réunions de réflexion tenues, que le sujet de la forme extraordinaire ne serait pas retenu dans les conclusions, alors que tout permet de croire que le diocèse de France où la forme extraordinaire est la plus attendue, la plus souhaitée, la plus demandée est celui-là. On avait cru entendre : « La parole est enfin donnée au laïcs »… Farce ou illusion !

Le nombre de groupes qui se sont formés autour de la question de la forme extraordinaire du rite romain dans le cadre du synode montre pourtant clairement l’attente très importante des fidèles de ce diocèse. Et il ne fait aucun doute aujourd’hui que toutes les paroisses du diocèse, sans exception, attendent l’application du Motu Proprio. Qu’il s’agisse de paroisses urbaines où la demande est plus centralisée ou encore de paroisses plus rurales où les fidèles intéressés pourraient aisément se rassembler dans l’une des églises du regroupement paroissiale pour bénéficier de la liturgie traditionnelle. Une chose est certaine, les fidèles sont nombreux et les églises vides ou très peu occupées ne manquent pas dans le diocèse de Versailles. Pour ce qui est des prêtres, beaucoup de solutions sont possibles. Encore faudrait-il une claire volonté d’instauration d’une véritable paix liturgique.

Le curé de Chambourcy, lors d’une discussion avec un fidèle lui disant qu’il avait le sentiment que c’était l’évêque lui-même qui s’opposait à une application généreuse du Motu Proprio dans son diocèse, affirmait que c’était le curé qui décidait et non pas l’évêque. Plus tard, en lui demandant l’autorisation de mettre l’affiche du Pèlerinage de Chartres dans son église, le même fidèle s’est vu répondre par le même curé que ce n’était pas possible, sans quoi il allait se faire taper sur les doigts… par son évêque !

Un prêtre du diocèse nous rapporte que lorsqu'il s'est installé à la Maison de retraite des Petites sœurs des Pauvres à Versailles en septembre 2011, Mgr Aumonier est venu EN PERSONNE lui rendre visite pour… lui interdire d'accepter des fidèles à sa messe privée (dans le bureau attenant à sa chambre). Une personne de la maison avait en effet assisté à sa messe du 25 septembre (premier dimanche où il était là) et plusieurs autres (6 personnes) s'étaient manifestées pour avoir accès à sa messe car, désireuses d'avoir une messe traditionnelle, elles ne pouvaient plus se déplacer pour aller à Notre-Dame-des-Armées ou à la Chapelle de l'Immaculée Conception. L'évêque lui a bien dit qu'il ne pouvait pas non plus permettre à des personnes extérieures à la maison d'y assister, notamment tous les membres de sa famille qui habitent à Versailles ou dans les environs…!

Le journaliste Antoine Dhulster, rapporte dans un article intitulé " Versailles, ville catholique " paru dans le n° 3481 du 23 février 2012 de Témoignage Chrétien les propos de Mgr Aumonier : « Ces demandes d’autorisation de messe selon le rite ancien sont de plus en plus nombreuses depuis une dizaine d’années, note l’évêque de Versailles, Mgr Éric Aumonier. C’est une réalité indéniable, très visible de l’extérieur et qui fait beaucoup parler de nous… Mais cela ne concerne en réalité qu’une minorité de fidèles. » Minorité évaluée rappelons-le à " seulement 45 % des catholiques pratiquants du diocèse " par un institut de sondage indépendant…

4 – VERSAILLES, UN DIOCÈSE EXEMPLAIRE ?

Pour en faire un diocèse exemplaire de la paix et de la réconciliation, il suffirait pourtant de bien peu de chose :

Tout d’abord du sentiment pour ces fidèles d’être entendus, compris, et pourquoi pas aimés. La manière ? Elle est toute simple : laisser la liberté donnée aux curés d’appliquer le Motu Proprio Summorum Pontificum, voire les encourager à cette application. Mais aussi, pourquoi pas, lancer une loyale concertation au niveau du diocèse, pour tenter d’analyser les besoins réels de tous et de chacun et pour adapter la pastorale générale en conséquence, de façon à y intégrer pleinement la liturgie de la forme extraordinaire. Avec tout ce qui l’entoure.

Point besoin d’ailleurs de grande déclaration. Quelques gestes tout simples et vraiment peu coûteux seraient la marque de la mise en place d’un climat de paix retrouvée. Nous pouvons notamment évoquer le dossier de Rambouillet où stoïquement 200 fidèles ont démontré par leur présence à la messe dominicale mensuelle la réalité de leur demande et où il ne leur a été accordé que des miettes (situation de Rambouillet qui permet de porter un jugement plus que réservé sur l’honnêteté des scrupules cléricaux qui tendent " avant tout " à mesurer la réalité des demandes qui leur sont faites, alors que l’on sait – il suffit de compter une fois par mois – que depuis des années plus de deux cents fidèles démontrent la réalité de cette demande. Mais peut-être en faudrait-il 2 000, 20 000, 200 000, pour que la demande soit « réelle » ? Que dire des demandes de Poissy, Montfort l’Amaury et Saint-Germain-en-Laye qui n’ont même pas eu de miettes malgré des groupes de demande importants ?

Mais, encore une fois, il suffirait de bien peu. Si bien que, quand l’on considère la force de cette attente des fidèles, le nombre de jeunes vocations issues du diocèse qui entrent dans des communautés traditionnelles, l’état d’esprit très positif et favorable de nombreux prêtres de ce diocèse, on peut se mettre à rêver.

Rêver qu’un jour les autorités diocésaines prennent acte d’une situation si favorable à la forme extraordinaire. Qu’elles renforcent le séminaire de la Maison Pierre de Porcaro en proposant aux cinq à dix jeunes à la vocation naissante, qui choisissent de rejoindre tous les ans des communautés traditionnelles, une solution dans le cadre du diocèse de Versailles. Qu’elles laissent les curés accueillir loyalement (et en justice : il s’agit de droit) les demandes si nombreuses de leurs fidèles. Qu’elles laissent vraiment libres tous les prêtres de découvrir les richesses de la forme extraordinaire du rite romaine en apprenant à la célébrer et en la célébrant au moins de temps en temps dans leurs paroisses, ne serait-ce qu’à l’occasion des grandes fêtes.

Rêver qu’un jour Versailles devienne à cet égard un diocèse exemplaire… Et prier pour que cela se produise le plus tôt possible.