21 janvier 2013

[Peregrinus - Fecit] Analyse de la lettre de Mgr Di Noia

SOURCE - Peregrinus - Fecit - 21 janvier 2013
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- Mgr Di Noia fait à la FSSPX un reproche qui me paraît à la fois fondé et injuste lorsqu'il écrit qu'elle devrait cesser de mettre perpétuellement au centre de sa prédication les points disputés (auxquels il ne demande cependant pas de renoncer : "Il faudra certainement prêter attention aux passages du Magistère qui vous semblent difficiles à concilier avec l'enseignement magistériel, mais ces questions théologiques ne devraient pas constituer le centre de votre prédication ou de votre formation"). La plupart des sermons des prêtres de la Fraternité, fort heureusement, ne sont pas des controverses sur la liberté religieuse ou la nouvelle messe. Mais il est vrai que ce sont les sermons auxquels l'on donne le plus de publicité, sur la toile notamment, ce qui d'une part donne de la FSSPX une image passablement déformée, d'autre part a effectivement donné lieu à des dérives qu'on aurait tort à mon avis de n'imputer qu'aux déséquilibres personnels de tel ou tel. Il me semble qu'il y en a eu un exemple sur ce forum il n'y a pas si longtemps. Qu'il y a, dans certains discours, dans certains bulletins paroissiaux, une tendance à la surenchère perpétuelle qui a pu largement favoriser l'évolution peu heureuse de certains me semble hélas avéré.

- Mgr Di Noia rappelle aussi, à raison à mon sens, que les questions dont l'on traite ne sont pas évidentes, que ce sont des "problèmes théologiques difficiles" qui doivent donc être traités par des personnes compétentes et non par le premier venu (raison pour laquelle je n'interviens pratiquement jamais sur de tels sujets). Il me semble qu'un certain discours a exagérément fait de la fausseté de tel ou tel enseignement controversé une évidence, alors que c'est précisément ce qu'il s'agit de démontrer. L'abus de fausses évidences dans le discours courant, pour les besoins de la polémique, a à mon avis favorisé lui aussi un goût certain de la surenchère qui a entraîné le glissement de certains vers une forme particulièrement malheureuse de zèle amer.

- C'est ici que la perspective spirituelle de Mgr Di Noia ne me paraît aucunement absurde. Sa lettre, bien qu'elle me laisse quelque peu perplexe, plus d'ailleurs par ce qu'elle ne dit pas que par ce qu'elle dit, me semble témoigner d'un certain souci d'honnêteté. Il reconnaît que le désaccord subsiste, et il ne déclare nulle part absurdes les raisons invoquées par la FSSPX dans les questions disputées. Mais il rappelle à juste titre que la doctrine, dont nos milieux se vantent de faire un si grand cas, ne se réduit pas, et c'est heureux, à la liberté religieuse ou à la collégialité : "Si nous nous centrons seulement sur les questions les plus difficiles et les plus controversées, - qui doivent, certes, faire l'objet d'une grande attention - nous pouvons finir par perdre le sens de l'analogie de la foi et nous mettre à voir la théologie surtout comme une sorte de dialectique intellectuelle sur des sujets conflictuels plus que comme un engagement de la sagesse avec le Dieu vivant qui s'est révélé à nous en Jésus Christ et qui, par l'Esprit saint, inspire notre travail, notre prédication et notre action pastorale." Le danger de notre attitude de surenchère plus ou moins doctrinale, c'est un véritable appauvrissement de l'intelligence de la foi. Il me semble que c'est un avertissement qu'on aurait tort de mépriser.

- Enfin, il me semble que Mgr Di Noia a raison de nous mettre en garde contre la tentation du zèle amer, dont les traditionalistes n'ont évidemment pas le monopole, loin de là, mais qui s'exprime parfois de manière particulièrement visible dans le cadre de certaines controverses, et de nous rappeler la nécessité spirituelle qui doit nous animer de vouloir avoir un supérieur. C'est pourquoi je ne comprends pas pourquoi Mgr Di Noia trouve si décourageant l'entretien accordé en octobre par M. l'abbé Pfluger, qui déclarait poutant précisément : "Nous souffrons aussi d’un défaut, du fait de notre irrégularité canonique. Ce n’est pas seulement l’état de l’Eglise postconciliaire qui est imparfait, le nôtre l’est aussi." Ce défaut n'est pas un défaut de pure forme : c'est un vrai défaut dans l'ordre spirituel. Et il me semble que sur ce point le premier assistant de la FSSPX et le vice-président d'Ecclesia Dei tiennent un discours assez comparable.