La jeune diversité rituelle de Notre-Dame-de-Clignancourt       
Samedi 31 mai 2008 – Notre-Dame-de-Clignancourt. Difficile de se        lever un samedi matin, surtout pour un rendez-vous matinal de 8 heures.        Et, pourtant, 25 personnes étaient présentes aujourd’hui à        Notre-Dame-de-Clignancourt, comme tous les samedis matin d’ailleurs,        depuis maintenant plusieurs mois. Dans une ambiance recueillie puis très        conviviale en sortie de messe, ce sont des paroissiens d’horizons très        divers qui se sont retrouvés pour assister à l’une des deux messes        privées de rite tridentin que célèbre l’abbé Horovitz chaque        semaine.
Sans qu’aucune publicité n’ait été réalisée dans la paroisse,        c’est grâce au bouche-à-oreille ou à une visite providentielle dans        cette église du 18e arrondissement que des générations différentes        d’habitants du quartier se côtoient. A la sortie, on parle français ou        même anglais. Un jeune homme explique qu’il vient depuis quinze jours,        après être entré à la bonne heure dans l’église pour y faire une        petite prière. Cette messe, il l’a trouvée très belle, et il revient        depuis, explique-t-il, pendant que trois autres personnes s’aperçoivent        qu’ils sont voisins, à deux rues d’écart. Une vieille dame rentre        chez elle et une autre égraine un chapelet.
Pendant ce temps l’abbé Horovitz reçoit les visites de quelques fidèles,        son surplis à la main. « Le Père Olivier », comme certains        l’appellent, « il a bien du courage », entend-on dans la        sacristie. « Nous avons de la chance de l’avoir ! ». Le        Père Olivier, ou l’abbé Olivier Horovitz, fait en effet figure        d’extraterrestre dans le clergé parisien. Soutane noire et allure        gaillarde, le Don Camillo du métro Jules-Joffrin, donne la confession au        confessionnal. Des choses que l’on n’avait pas vues depuis bien        longtemps, mais qui ne sont pas pour déplaire à plusieurs jeunes foyers        de la paroisse. Ordonné prêtre il y bientôt deux ans, il dit toutes les        semaines, cinq messes en français et deux messes privées en latin,        depuis que le pape Benoît XVI a souhaité démocratiser la messe de rite        tridentin, par le motu proprio. « Le Motu proprio a été conçu        comme un trésor offert à tous, et non fondamentalement pour répondre        aux lamentations ou aux demandes de qui que ce soit. Un bon nombre de        personnes qui n’étaient pas initialement impliquées dans cette forme        extraordinaire du rite romain ont maintenant pour lui une grande estime ».        Ces paroles qu’il répète souvent, elles ne sont pas de lui, mais du        cardinal Castrillon Hoyos qui est à la tête de la Commission pontificale        « Ecclesia Dei ».
L’abbé Horovitz est persuadé que cette messe dite de saint Pie V        est un moyen extraordinaire de faire découvrir aux gens le chemin des églises.        Et il sait de quoi il parle en termes d’évangélisation l’abbé,        puisqu’il a découvert Jésus la vingtaine d’années passée. « Malheureusement        en France et plus particulièrement à Paris, les gens ne comprennent pas        que l’on puisse aimer la liturgie tridentine », réplique un jeune        homme. « Certains anciens veulent même empêcher ou freiner l’élan        qu’a voulu donner le pape avec le motu proprio. C’est souvent une        question de génération. Nous ne sommes pas inquiets car nous nous        rendons compte que la jeunesse est beaucoup plus tolérante et prête à        accepter que l’on puisse aimer différentes façons de célébrer la        messe ». « Moi qui préfère plutôt la messe en français »,        lui répond une demoiselle, « je ne comprends pas qu’il y ait un débat        pour savoir s’il faut ou non autoriser la messe en latin. Ce devrait être        quelque chose d’automatique car c’est une grande richesse de l’Eglise        d’avoir plusieurs rites latins ou orientaux. C’est si évident que le        progrès dans l’Eglise doit passer par le soutien de toutes les        sensibilités qui portent des fruits et qui suivent le Saint Père.        Certains l’ont déjà compris, comme monseigneur Rey à Toulon. Cet        homme est un visionnaire, un avant-gardiste, qui accueille toutes les        bonnes volontés les bras ouverts ».
Si l’on parle ainsi à la sortie de la messe de l’abbé        Horovitz,        c’est que ces paroissiens ont demandé l’autorisation d’assister à        une messe en latin un ou deux dimanches de juin 2008 et que cette        autorisation leur a été refusée malgré l’enthousiasme du vicaire et        la disponibilité de la crypte pour l’occasion. L’année prochaine        l’abbé Olivier ne sera hélas plus à Paris. L’espoir nourri par les        paroissiens de ND-de-Clignancourt d’assister à un grand office dans        leur paroisse en invitant toutes les âmes du quartier à découvrir une        liturgie catholique nouvelle voulue par Rome, se trouve maintenant réduit.        « Pour les jeunes gens c’est incompréhensible », glisse un        père de famille. « Les plus anciens, eux, comprennent que les        guerres idéologiques n’ont pas encore disparues. Il faudra sûrement        attendre encore un petit peu pour que le bi-ritualisme souhaité par le        Saint Père soit enfin accepté dans toutes les paroisses. Mais jusqu’à        quand ? Il faudra en fait le courage de plusieurs prêtres qui disent        "je prends la responsabilité de l’ouverture et je vous invite tous        à vous enrichir de l’autre" ». Il est 9 h 30 passé,        certains partent faire leur marché dans la rue des Poteaux, tandis que        d’autres continuent de converser.
