SOURCE - Patrick Banken, Président d'Una Voce - Fontfroide - 10 octobre 2009
TRANSMETTRE LE TRÉSOR LITURGIQUE
Messieurs les abbés,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Chers amis d'Una Voce,
« Transmettre le trésor liturgique » : un programme aussi passionnant que capital qu'il me sera ardu de traiter en quelques minutes.
J'aimerais toutefois vous en faire saisir son importance et comment le réaliser avec l'aide de notre association.
C'est le mois dernier, les 19 et 20 septembre, que j'ai commencé à ordonner les idées qui me venaient, encore confusément, à propos de ce thème.
Vous vous souvenez, c'étaient les 26e Journées Européennes du Patrimoine. De nombreuses manifestations tant nationales que régionales avaient été organisées dans le but d'attirer l'attention de tous sur les trésors de toute nature qui nous ont été légués par les générations passées.
L'on avait mis l'accent cette année sur la nécessité de « rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité au plus grand nombre » et « assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel ».
On a donc ouvert grand les églises et les visiteurs s'y sont rués. Mais la religion catholique est par définition VISIBLE. Son patrimoine est populaire. Ses lieux de culte restent le plus souvent accessibles. Sauf quand il y a hélas risque de retour aux profanations barbares, ce qu'on appelle précisément... vandalisme.
Nul doute que vous aurez fait le lien, chers amis, avec le but de notre association qui s'est constituée pour défendre un patrimoine religieux et spirituel de première importance à travers l'art sacré que les visiteurs admiraient dans des peintures, vitraux, sculpture, etc
Mais ce patrimoine inclut également la liturgie latine, le chant grégorien.
Force est d'admettre que nous n'avons guère vu de manifestations pour les illustrer et donc les défendre durant ces deux journées.
Il m'est donc venu à l'idée de rappeler aux autorités civiles, mais aussi ecclésiastiques que le patrimoine que nous voulons préserver depuis bientôt un demi-siècle est certes spirituel, mais aussi musical, littéraire, artistique, en un mot culturel.
Nous exigeons aussi que ce trésor constitué au cours des siècles par la liturgie catholique dans son expression latine et grégorienne ne soit pas considéré comme un objet de musée réservée à quelques monastères ou à quelques paroisses ou prieurés privilégiés pour la ferveur d'un trop petit nombre de fidèles.
Ce trésor est le bien de TOUS, et tout particulièrement des fidèles catholiques qui en sont frustrés depuis trop d'années.
Ne constate-t-on pas de plus en plus que les jeunes générations, auxquelles il est de notre devoir de le transmettre, ignorent jusqu'à son existence ?
Il n'est que ce citer quelques mots du Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et de la Discipline des Sacrements, le Cardinal Antonio Cañizares Llovera :
« La volonté du Pape n'a pas été uniquement de satisfaire les fidèles de Mgr Lefebvre, ni de se limiter à répondre aux justes désirs des fidèles qui se sentent liés, pour des motifs divers, à l'héritage liturgique représenté par le rit romain, mais bel et bien d'offrir à tous les fidèles la richesse de la liturgie de l'Église, en permettant la découverte des trésors de son patrimoine liturgique aux personnes qui les ignoraient encore. Combien de fois en effet le mépris affiché pour ces trésors n'est-il dû qu'à leur méconnaissance ? A ce titre, et considéré sous ce dernier aspect, le Motu proprio doit être compris au-delà de l'existence ou non de conflits. Même s'il n'existait aucun traditionaliste à satisfaire, la seule découverte de ces trésors justifierait amplement les dispositions du Pape ».
Ces phrases sont issues de la préface à l'édition espagnole du dernier ouvrage de Nicola Bux : « La réforme de Benoît XVI ».
En cette période où sévit une sécularisation dramatique, il nous apparaît plus que jamais indispensable de veiller à ce que ce patrimoine de l'Église continue à remplir le rôle irremplaçable qu'il a tenu durant des siècles.
Nous n'avons pas le droit de priver de cet inestimable et vénéré patrimoine les générations qui suivront la nôtre.
Puis-je faire appel dès à présent à vos prières pour que la supplique que nous adresserons à nos autorités aboutisse et qu'elle voie des effets concrets, notamment lors des prochaines journées du Patrimoine mais surtout dans les communautés paroissiales dont nous recevons trop souvent des appels à l'aide désespérés ?
Dois-je vous préciser que cette initiative que je soumets devra s'accompagner de vigilance ?
Certains ont cru enterrer le chant grégorien et il est plus vivant que jamais, tout le monde s'y intéresse. Les bacs des disquaires en sont pleins. Des vidéos circulent en nombre sur internet pour vanter les qualités relaxantes du plain-chant. Mais nous savons que cet engouement n'est pas sans danger. Nous refusons de transformer ce chant, qui n'est pas une musique comme les autres, en une sorte de « yoga musical ».
Nous défendons le latin et le grégorien car ils sont l'expression de notre foi catholique et non par souci esthétique.
Nous acceptons le grégorien de concert pour aider à le transmettre à ceux qui le connaissent mal. Mais notre action doit s'inscrire dans le redressement doctrinal et disciplinaire qui semble s'amorcer sérieusement dans l'Église grâce au Saint Père fin connaisseur de cette « prière chantée ».
Je veux donc être bien clair sur cette question.
Face à la difficulté - ne nous voilons pas la face - de transmettre notre incomparable patrimoine spirituel il est recevable de jouer le jeu de l'idéologie dominante. Mais méfions-nous et soyons conscients que l'esprit de subversion a voulu désacraliser tout ce qui sert au culte
On a bien compris la tactique : on garde la coquille mais on en vide le contenu !
Nos églises et tout ce qu'elles contiennent ne seraient plus que les témoins d'une croyance révolue.
On passe de la liturgie aux musées, donc du cultuel au culturel.
D'aucuns nous ont reproché, et l'on continuera sûrement à le faire, de nous attacher à la beauté liturgique quand tant d'hommes sur cette terre meurent de faim. Mais nous sommes persuadés que ce trésor liturgique (titre de cette intervention devant vous) est le trésor des pauvres.
Loin de rejeter l'action sociale et caritative (quand elle s'inspire de la véritable caritas chrétienne), nous pensons que lorsque l'on n'a rien, l'on peut tout recevoir avec Jésus-Hostie.
Ce trésor de l'âme mais aussi des sens qu'est la belle liturgie n'est nullement réservé à une élite intellectuelle mais est destiné à tous les pratiquants sincères et constitue un avant-goût du Ciel.
Voilà bientôt 50 ans que notre association Una Voce, qu'il est d'autant plus facile d'honorer ici que nous n'étions bien sûr pas présents, a joué un rôle prophétique : affirmer que c'est toujours à travers la liturgie que les erreurs doctrinales pénètrent dans l'Église.
Nous sommes ici réunis pour remercier le Saint-Père pour la bienveillance qu'il a montrée en faveur de la transmission d'une tradition vénérable, réel remède contre la « créativité » moderne, contre la diffusion de théologies ou d'idéologies qui n'ont rien à voir avec la doctrine catholique.
Jamais les autorités vaticanes sous l'égide du Souverain Pontife Benoît XVI n'ont été si favorables à la cause qu'Una Voce défend depuis sa création, alors que le Concile Vatican II n'avait point encore achevé ses travaux. Dès 1970 nos prédécesseurs exprimaient, parmi leurs souhaits, que, dans un souci d'apaisement et d'unité catholique, la liturgie traditionnelle fût maintenue à côté des rites nouvellement promulgués. Cela a été magistralement (sens étymologique s'entend) réalisé par notre pape en juillet 2007 avec ce Motu proprio.
Sachons utiliser cette aide majeure pour exiger, à temps et à contretemps que reviennent dans nos paroisses le latin liturgique et le chant grégorien, et que soient ainsi préservées la dignité, la beauté et l'orthodoxie du culte divin.
Une autre aide à notre travail missionnaire ne doit pas être négligée. Je vous la rappelle car nous avons tendance à l'oublier : elle est plus subtile et exige parfois un peu de temps pour en voir les effets.
Les richesses spirituelles du chant grégorien n'ont sans doute jamais mieux été exprimées que par Dom Joseph Gajard que nous ne nous lassons pas de relire.
Écoutez cette magnifique phrase extraite du célèbre ouvrage « La méthode de Solesmes » paru en 1951.
« Le chant grégorien est un art à la fois divin, par son inspiration surnaturelle et ce parfum de sainteté douce et aimable répandu sur toutes les mélodies, et en même temps si profondément humain, par sa structure musicale et la résonance qu'il trouve dans les âmes simples, droites et soucieuses de vérité ».
Vous avez bien entendu, chers amis, combien le divin nous aide dans notre mission de transmettre les trésors de la liturgie latine par « la résonance qu'[elle] trouve dans les âmes simples, droites et soucieuses de vérité » !
Oui, l'aide est providentielle et il faut savoir en user !
Vous avez sans doute en l'occasion de vérifier, qu'il n'est pas difficile de démontrer à nos interlocuteurs, auditeurs ou autres que ce patrimoine qu'ils apprécient tant doit demeurer ce pour quoi il a été conçu : le culte divin le plus digne possible à Celui à qui il s'adresse.
Nous disposons sans conteste d'un capital sympathie (pardonnez-moi cette expression à la mode) d'un capital sympathie auprès d'un large public.
Si la beauté de la liturgie attire beaucoup d'âmes dans le désarroi en ces temps troublés, n'hésitons pas comme l'a fait notre association à étendre notre champ d'action à l'art sacré, voire à ses limites.
On ne compte plus les associations qui veulent préserver des églises qu'on cherche à détruire mais aussi des croix de carrefour. Citons juste un exemple. J'ai trouvé une association qui s'intitule « Connaissance et sauvegarde de nos Pays de France et de la Communauté Européenne ». Son objectif est beaucoup plus précis que son titre le laisse supposer : il s'agit, je cite, de « promouvoir la protection et la sauvegarde des oratoires de nos pays de France qui sont le témoignage de la culture et des racines chrétiennes de la France et de l'Europe ». Qui anime cette association ? Un groupe de chercheurs du CNRS et d'universitaires. Et elle a reçu le label « Patrimoine Rural », délivré par le Ministère de l'Agriculture. On lit dans les statuts que l'un des buts de l'association est d'établir un inventaire des sanctuaires et lieux de pèlerinage de France identifiés dans les sources écrites ou matérielles depuis le début de la christianisation, [écoutez cette belle phrase] pour remercier d'une grâce accordée ou plus simplement pour honorer la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, ou le saint auxquels ils sont dédiés ».
Je m'arrête là faute de temps.
Un immense terrain vierge, un terrain d'apostolat s'ouvre à nous.
Plus que jamais, nous n'avons pas le droit de perdre courage même si l'on doit subir quelques rebuffades.
Exigeons certes tout d'abord le latin et le grégorien auxquels nous avons droit par le document pontifical que nous voulons rappeler aujourd'hui. Le clergé nous est de plus en plus favorable, on peut le constater par le nombre croissant de prêtres qui nous contactent pour obtenir qui un livret de chants, qui un disque pour faire chanter les fidèles...Seule la volonté du clergé peut contribuer efficacement à ce que nous retrouvions ces admirables assemblées chantantes d'autrefois où s'exprimait si bien la participation des fidèles à la liturgie, précieux facteur d'unité.
Nous ne cesserons de lutter contre les abandons, la médiocrité, voire la laideur en soutenant la pratique du chant grégorien et de la musique sacrée polyphonique.
Le verbe que je souhaiterais voir conjuguer ici - comme représentant d'Una Voce-France - est le verbe AGIR.
Oui, agir avec patience, persévérance, ténacité, sans sectarisme, mais fermement auprès du clergé.
Nous vous demandons de ne pas rester isolés, de ne pas vous contenter d'adhérer à notre association, mais ce serait un premier pas nécessaire, puis surtout d'AGIR, d'être vraiment les apôtres d'une cause qui mérite d'être défendue, quels que soient les obstacles à surmonter.
Notre rassemblement se veut régional. Nous n'avons pas choisi par hasard cette région. Les délégations représentées ici regroupent le plus grand nombre d'adhérents. Elles ont accompli un admirable travail.
AGISSEZ pour que nous diffusions vos résultats sur l'ensemble du territoire national. Combattez pour la dignité de la louange divine, sa beauté et le bien des âmes.
Nous comptons sur vous.
Henri Sauguet, le grand musicien qui régna sur notre association nationale durant 20 ans, avait lancé un mot d'ordre qui n'a pas perdu de son actualité :
« Groupez-vous, formez des chorales ! ». Oui ! Groupez-vous !
Le slogan est si clair qu'il n'est point besoin de le commenter longuement. Formez-vous avec les écoles de chants bien connues, faites des sessions, procurez-vous le premier DVD du « Cours grégorien pour tous » qui vient de paraître.
Je vous remercie tous, au nom du Conseil d'Administration d'Una Voce, d'être venus si nombreux à ce rassemblement.
Notre combat doit de vivre, dans son essence, à ces merveilleux dévouements, à ce zèle si réconfortant.
Soyez ici remerciés du fond du cœur pour cette fidélité à notre cause, la vôtre.
N'hésitez pas à nous rejoindre si vous disposez de temps. Tout laisse à croire que le plus difficile a été accompli par nos vaillants prédécesseurs.
N'est-il pas but plus enthousiasmant que de lutter pour replacer dans nos sanctuaires les trésors spirituels qui en ont été scandaleusement évincés et dont nous savons tous qu'ils sont indispensables à la manifestation de notre foi ?
MERCI DE VOTRE ATTENTION.