SOURCE - SPO - Abbé Claude Barthe - 14 septembre 2011
Posté par summorum-pontificum dans Enquête et analyse le 09 14th, 2011 | pas de réponse
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Nous avons demandé à l’abbé Claude  Barthe, observateur attentif de la vie de l’Église et excellent  connaisseur du dossier, son avis sur le communiqué publié par la Salle  de presse du Saint-Siège au sujet de l’entretien de ce matin entre le  cardinal Levada et Mgr Fellay. L’abbé Barthe nous a livrés le texte  qu’on lira ci-dessous. On se reportera également au texte du communiqué  du Saint-Siège (ICI) en attendant l’entretien avec Mgr Fellay que doit publier DICI.
Mgr Fellay et l’avenir du post-Concile : la légitimité de la critique de Vatican II -Par l’abbé Claude Barthe
  
Mgr Fellay et l’avenir du post-Concile : la légitimité de la critique de Vatican II -Par l’abbé Claude Barthe
La régularisation canonique de la FSSPX  est donc désormais, théoriquement « sur les rails ». Cette nouvelle  qu’une reconnaissance juridique est désormais à portée de main réjouit  grandement. On souhaite vivement qu’elle se concrétise, car elle sera  très profitable à l’Église dans le contexte présent.
Une tentative d’interprétation
Le « préambule doctrinal » qu’il est  demandé à Mgr Fellay de préalablement valider n’est, en effet, qu’une  tentative d’interprétation, qui laisse elle-même une large marge  d’interprétation. Les mots du communique de la Salle de Presse vaticane  sont au reste très pesés : le préambule conditionne non pas « la pleine communion », mais seulement, « la pleine réconciliation », pour résorber « une fracture » et non « un schisme ». Il n’est nullement une « formule d’adhésion  ». Il renforce singulièrement la jurisprudence désormais établie depuis  1988, sous des formulations diverses en précisant pour l’ensemble de la  FSSPX que sont laissées « à une légitime discussion l’étude et  l’explication théologique d’expressions ou de formulations particulières  présentes dans les textes du Concile Vatican II et du Magistère qui a  suivi ». Pour le dire clairement : un droit à la discussion est obtenu par la FSSPX. « Ce qui signifie en clair, dit Jean-Marie Guénois dans Le Figaro,  que le Vatican considère qu’un accord sur l’essentiel de la foi  catholique peut être passé avec les lefebvristes, tout en considérant en  parallèle que d’autres points liés au Concile Vatican II peuvent être  sujet à des interprétations différentes chez les catholiques sans que le  noyau de leur foi en soit altéré. Une telle distinction, ouvre d’ores  et déjà, un débat considérable à l’intérieur de l’Église catholique car  elle touche à l’autorité même du Concile Vatican II jusque là perçu  comme un bloc à prendre ou à laisser. Le Vatican, pour la première fois,  admet que certains aspects de ce Concile peuvent être soumis à un débat  «légitime». Tout donc devient désormais politique et  se trouve entre les mains et sur les épaules de Mgr Bernard Fellay, qui  vient d’opérer une brèche non négligeable dans l’idéologie de « l’esprit  du Concile ».
Le contexte général
Nous disons que cette reconnaissance  juridique de la FSSPX sera très heureuse dans l’actuel contexte. Quel  est-il ? Il est celui des revendications ouvertes d’une part du  catholicisme autrichien (mais aussi allemand, mais aussi belge, etc.) :  au-delà de l’émiettement du Credo dans le relativisme, la revendication d’une Église plurielle. C’est aussi celui que pointe Nani Moretti dans son film Habemus papam :  à plus de 40 ans du Concile (au sens global) et de Mai 68, il semble  que l’exercice d’une autorité suprême de type pontifical soit devenu  obsolète (comme d’ailleurs toutes les autorités de remplacement).
La FSSPX est perçue comme la  pointe avancée du refus de « l’esprit du Concile » (œcuménisme, liberté  religieuse, principes du dialogue interreligieux). De ce fait, comme on  le sait, elle s’est trouvée en rupture canonique depuis le 6 mai 1975  (retrait de l’approbation canonique du diocèse de Fribourg) et surtout  depuis le 30 juin 1988 (consécration de quatre évêques sans mandat  pontifical entraînant une excommunication des consacrés et  consécrateurs). Cependant, sa régularisation était devenue tout à fait  concevable depuis dix ans, et elle était attendue comme pratiquement  inéluctable depuis deux ans, lors de la levée des excommunications de  ses évêques.
Trois propositions
On peut rappeler qu’entre 2001 et 2009,  outre le « geste » de la réception de Mgr Fellay par Benoît XVI à Castel  Gandofo, le 29 août 2006, le Saint-Siège avait fait trois propositions  successives à la FSSPX pour ré-officialiser son statut. Mais avant que  ne soient faites ces propositions, Mgr Fellay, le 16 janvier 2001, avait  posé deux « préalables » à tout accord canonique : que la messe  tridentine soit accordée à tous les prêtres du monde entier et que les  censures qui frappent les évêques de la FSSPX soient annulées. Les  propositions romaines furent faites au nom du pape par le cardinal  Castrillón, alors Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, en vertu de pouvoirs spéciaux à lui conférés à cet effet par le Souverain Pontife :
– proposition sèche du 19 février 2001 de transformer la FSSPX en Administration apostolique ;
– proposition du 4 juin 2008 (ou plus exactement, annonce d’une proposition) après le Motu Proprio Summorum Pontificum, du 7 juillet 2007 permettant à tout prêtre de rite latin de célébrer la messe selon l’ancien missel (1er préalable), d’une Prélature personnelle universelle ;
– enfin, propositions réitérées, de  janvier à mars 2009, en suite de la levée des excommunications des 4  évêques de la FSSPX par décret du 21 janvier 2009 (2ème  préalable), de conférer à la FSSPX, à titre de premier stade de  reconnaissance, un statut d’Institut de droit pontifical, et ce malgré  la « pollution » opérée par l’affaire Williamson.
Du fait de l’échec de ces tentatives  infructueuses successives, la démission du cardinal Castrillón fut  acceptée par Benoît XVI lequel, par le Motu Proprio Ecclesiae Unitatem, du 2 juillet 2009, rattachait la Commission Pontificale Ecclesia Dei  à la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Le Président de la  Commission devenait le cardinal Levada et le Secrétaire, en charge de la  poursuite du processus engagé par la levée des excommunications, Mgr  Pozzo, fidèle ratzinguérien d’entre les fidèles.
Pas plus que Mgr Fellay, le Pape, contrairement à ce que l’on a affirmé, ne posait un 3ème  préalable, qui eût été l’avènement d’une concordance doctrinale sur les  points contestés par la FSSPX. Il disait seulement dans ce Motu  Proprio : « Cependant, les questions doctrinales, bien évidemment,  demeurent et, tant qu’elles ne seront pas résolues, la Fraternité ne  jouira d’aucun statut canonique dans l’Église ». Selon les usages  de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, il s’agissait de savoir  si les positions théologiques de la FSSPX, une fois examinées par des  colloques avec les intéressés, s’accordaient ou non avec la foi  catholique, au jugement de la Congrégation : « Les cas principaux et  les questions à caractère doctrinal [concernant la FSSPX] à l’étude et  au discernement des instances ordinaires de la Congrégation pour la  Doctrine de la foi ».
Tolérance du refus
Le communiqué de ce jour précise que ces colloques « ont atteint leur but, qui était de clarifier les positions respectives et leurs motivations  ». En clair, et dans le cas considéré, selon les termes employés par le  P. Morerod, op, l’un des théologiens romains en charge du dossier, lors  d’une conférence à Paris, le 21 février 2008 : dans quelles limites une  « tolérance » du refus de certains points de Vatican II était-elle  aujourd’hui supportable par Rome ? Une proposition de ce qu’on pourrait  appeler un pacte de tolérance réciproque est énoncée dans le  « préambule doctrinal » remis aujourd’hui à Mgr Fellay et qu’il lui est  demandé de valider avant de régler rapidement les questions canoniques.
Ces colloques de clarification se  déroulèrent sur une durée d’une année et demie, du 26 octobre 2009 au 11  avril 2011, avec 8 réunions et de nombreux échanges entre les réunions.  Mais en novembre 2010, la plenaria de la Congrégation pour la  Doctrine de la foi avait déjà donné un avis favorable à l’accord d’une  solution canonique de type ordinariat à la FSSPX. Après rédaction des  synthèses de ces colloques, selon les échanges classiques en ce domaine,  le supérieur de la FSSPX a été convoqué par le cardinal Levada, Préfet  de la Congrégation de la Doctrine de la foi et Président de la  Commission Ecclesia Dei au Palais du Saint-Office, avec ses  deux assistants, en ce 14 septembre, la rencontre aboutissant à une  « mise sur orbite » de la régularisation.
Sur l’événement lui-même, certes encore à  venir, qui sera – qui est déjà du seul fait de la proposition – l’un  des plus importants dans l’histoire de l’après-Concile, on peut faire  d’ores et déjà faire quelques premières et brèves remarques :
Un événement inéluctable
Pour les observateurs attentifs, cet  événement semblait inéluctable : l’état d’apesanteur canonique dans  laquelle avait été placée et s’était placée la FSSPX, lié à la crise  sans précédent provoqué par le mode d’être nouveau du magistère et de la  liturgie de l’Église depuis Vatican II, était devenu graduellement  moins compréhensible, quel que soit l’aire catholique dans laquelle on  se plaçait, dès lors qu’un infléchissement « restaurationniste » se  manifestait à la tête de l’Église romaine, très emblématiquement par la  reddition croissante du droit de Cité à la liturgie d’avant le Concile  (indult du 3 octobre 1984 ; Motu Proprio du 2 juillet 1988 ; Motu  Proprio du 7 juillet 2007). De sorte que, la levée de l’excommunication  de 1988 en 2009 contenait virtuellement la reconnaissance canonique qui  se prépare désormais activement.
Dans l’état présent de crise de  l’Église, que résume la crise catéchétique, à savoir une espèce  d’interruption de la transmission de foi, tous les remèdes chocs, comme  dans une crise financière, sont les bienvenus. On peut estimer que  l’ébranlement que va provoquer ce « retour », s’il se confirme, aurait  été beaucoup plus fort s’il était intervenu en suite du « retour » de la  liturgie traditionnelle avec le Motu Proprio Summorum Pontificum, en  2007. Cependant, du côté de la FSSPX, les risques d’éclatement, et du  côté du Saint-Siège, les dangers des réactions défavorables des  épiscopats, auraient certainement été beaucoup plus importants. Sur sa  signification ecclésiale profonde, et qui dépasse infiniment le statut  canonique qui pourrait être accordé à une communauté, l’évaluation est  beaucoup plus difficile à faire, et l’on ne peut qu’avancer prudemment  quelques pistes de réflexion :
Deux formes…
La reconnaissance canonique de la FSSPX, si elle intervient, sera au fond assez semblable à la déclaration par Summorum Pontificum qu’un  rite liturgique nouveau n’avait nullement aboli le rite liturgique  précédent. De même, une communauté qui s’en tient à certaines doctrines  remplacées par des doctrines nouvelles, peut le faire légitimement. En  quelque sorte, il y a deux « formes » concernant certaines doctrines,  comme il y a deux « formes » concernant l’usage liturgique romain.  Situation intrinsèquement provisoire.
Mais cette relativisation de l’esprit du  Concile et de la liturgie du Concile va intervenir au sein d’une  relativisation générale du magistère qui a été, non pas provoqué  purement et simplement, mais largement activé par le nouveau corpus  liturgico-doctrinal. Paradoxalement, la revendication antimoderne  (liturgie tridentine, communauté « tridentine »), dans la mesure où elle  obtient droit de cité, est en quelque sorte digérée par la modernité  liturgico-doctrinale : la liberté est laissée aux ennemis de la liberté,  lesquels en contrepartie, doivent baisser un peu la garde dans la  manière. Le tout – recul de la modernité liturgico-doctrinale et style  plus soft des attaques des anti-modernes – et en raison du rapport de  force qui lui est de moins en moins favorable à l’esprit du Concile au  sein d’une modernité bien plus radicale que celle, timide et désuète,  qu’il a cru inventer.
Vers l’union des forces vives
En revanche, pourrait réellement devenir  une réalité ce que l’on a appelé l’union des « forces vives », ou du  « nouveau catholicisme », pas si considérable en nombre, il faut bien le  dire, qui se rassemble lors des déplacements de Benoît XVI :  communautés nouvelles, traditionalismes de toutes sensibilités, écoles  catholiques renaissantes, scoutismes, nouveaux mouvements de jeunesses,  petits bataillons d’un nouveau clergé.
Faut-il se réjouir de l’infléchissement  partout sensible en un sens traditionnel de cette union, spécialement  grâce au Motu Proprio ? Ou bien faut-il se lamenter du danger de  laminage que court ce « petit reste », tant en raison de l’accélération  prodigieuse de la pression sur lui du monde ambiant, que de l’absence de  mesures ecclésiales vraiment appropriées pour enrayer le mal ?
Un pontificat de transition
L’Église est comme une forêt ancestrale  ravagée par les coupes toujours plus larges de modernes déboiseurs  insatiables. D’une certaine manière, le reboisement tardant à venir,  chaque zone préservée doit tenter et de subsister, et bien entendu de  s’étendre, car il n’y a pas de vie ecclésiale sans mission. Pour filer  la métaphore, on pourrait dire que le Pontificat actuel, Pontificat de transition, prépare activement la jonction de ces lieux de vie et de verdure en un tout à nouveau compact, bien que sans doute fort réduit.
Pour parler sans métaphore, il est  permis de souhaiter, car c’est une question de vie ou de mort, non pour  l’Église du Christ qui ne peut mourir, mais pour l’Église d’Occident,  que le schisme latent qui l’affecte devienne le plus vite possible une  séparation ouverte et clarificatrice. Sachant que cette séparation – qui  ne se réalisera pas d’elle-même, et qu’on ne fera pas l’économie de déclarer avec autorité – ne portera pas tant sur l’émiettement du Credo,  comme les fractures anciennes, y compris la fracture jamais vraiment  prononcée du modernisme, mais cette séparation portera plus radicalement  sur la revendication d’une Église plurielle. Autrement dit, elle ne  fera pas le partage entre ceux qui croient, par exemple, que le Christ  est Dieu et ceux qui ne le croient pas, mais entre, d’une part, ceux qui  croient qu’on ne peut pas être catholique en niant la divinité du  Christ, et d’autre part, ceux qui croient qu’on peut être catholique  aussi bien en affirmant la divinité du Christ qu’en l’infirmant.
