SOURCE - SPO - Abbé Barthe - 26 septembre 2011
Avec l’aimable autorisation de Muller Éditions, nous publions, comme je l’avais annoncé, des bonnes feuilles du Carnet de la collection « Hora Decima », Pour une herméneutique de tradition. A propos de l’ecclésiologie de Vatican II, de l’abbé Claude Barthe, à paraître en octobre 2011.
Par l’abbé Claude Barthe : 
Introduction : l’essoufflement d’une idéologie
[…] Dans la mesure où Vatican II s’est abstenu d’enseigner de manière absolue, un raz-de-marée dévastateur a recouvert tout le magistère antérieur et postérieur, comme si l’enseignement le plus élevé dans l’Église (c’est-à-dire l’enseignement infaillible sous sa forme de magistère solennel ou bien l’enseignement infaillible sous sa forme de magistère ordinaire et universel) avait cessé d’exister. On pense à la grande querelle autour d’Humanæ vitæ, qui a donné lieu à une montagne de livres, thèses, articles à propos de l’autorité (plus exactement pour démontrer l’absence d’autorité) du magistère suprême. Cette production, dont le point d’orgue est en France le livre de Jean-François Chiron, L’infaillibilité et son objet (Cerf, 1999), remet pratiquement en question toute l’autorité du magistère suprême de l’Église.
Introduction : l’essoufflement d’une idéologie
[…] Dans la mesure où Vatican II s’est abstenu d’enseigner de manière absolue, un raz-de-marée dévastateur a recouvert tout le magistère antérieur et postérieur, comme si l’enseignement le plus élevé dans l’Église (c’est-à-dire l’enseignement infaillible sous sa forme de magistère solennel ou bien l’enseignement infaillible sous sa forme de magistère ordinaire et universel) avait cessé d’exister. On pense à la grande querelle autour d’Humanæ vitæ, qui a donné lieu à une montagne de livres, thèses, articles à propos de l’autorité (plus exactement pour démontrer l’absence d’autorité) du magistère suprême. Cette production, dont le point d’orgue est en France le livre de Jean-François Chiron, L’infaillibilité et son objet (Cerf, 1999), remet pratiquement en question toute l’autorité du magistère suprême de l’Église.
Et dans le même temps,  l’autorité absolue que Vatican II s’est refusé à revendiquer, s’est  transmuée en une autorité bien plus absolue qu’une autorité dogmatique.  Il y a d’ailleurs un parallèle frappant avec la liturgie : la nouvelle  messe a-rituelle et a-normative est devenue comme par enchantement au  maximum obligatoire. Dans le flou et le vague les plus complets,  « l’esprit du Concile » en matière doctrinale et en matière liturgique a  pris valeur de magistère absolu. Il faudrait « avoir l’esprit du  Concile », bien au-delà de sa lettre, c’est-à-dire bien au-delà de ses  textes proprement dits. De même, on s’en souvient, jusqu’au Motu Proprio  Ecclesia Dei de 1988 et surtout jusqu’au texte libérateur qu’a été le Motu Proprio Summorum Pontificum de 2007, il était pratiquement obligatoire de tenir la nouvelle liturgie pour obligatoire…
Le cardinal Ratzinger  qui avait parlé de « super-dogme » à propos de Vatican II (conférence  devant les évêques du Chili, 13 juillet 1988), aurait aussi pu parler de  « super-liturgie » à propos de la messe nouvelle. C’est là le grand  apport du mouvement actuel permis par l’essoufflement de l’idéologie :  il permet de comprendre comment on est passé d’un concile et d’un  post-concile non infaillible à un « esprit du Concile » indiscutable. En  réalité, ce passage a toutes les caractéristiques bien connues de  l’établissement d’une dictature idéologique.
Un face à face apocalyptique : Église/village planétaire 
[…] On pourrait soutenir que la pointe de la réflexion théologique et magistérielle contemporaine porte sur cette globalité : la « mondialisation » fait partie de son être surnaturel. En  tout cas, deux documents fondamentaux, à vingt ans de distance l’un de  l’autre, ont été composés autour de ce sujet : l’encyclique Mysticis corporis (1943) de Pie XII, d’une part, et la constitution Lumen gentium (1964)  de Vatican II, d’autre part. Cependant, contrairement à ce que l’on dit  habituellement – soit pour s’en réjouir, soit pour le déplorer, soit  pour le nier au nom d’une laborieuse herméneutique de continuité qui  laisse du coup entendre que la continuité n’est pas évidente du tout –  les deux textes n’ont pas exactement la même préoccupation. 
Une certaine légitimation de la diversité ecclésiale 
[…] L’œcuménisme, doctrine indéterminée, n’est pas conceptualisé comme tel par Lumen gentium, mais  il lui est subséquent, et résulte très spécialement de son n. 8. Tout  le problème de l’œcuménisme tient au fait que son but n’est pas  déterminé. Il ne vise pas, comme l’œcuménisme protestant, celui du  Conseil Œcuménique des Églises, à établir une unité dans la diversité  des confessions, ce qui serait l’hérésie pure et simple. Mais il est  distinct de l’uniatisme traditionnel qui recherche le retour à Rome des  communautés qui s’en sont séparées, car alors il n’aurait servi à rien  de l’élaborer. Le décret Unitatis redintegratio, fondé sur le n. 8 de Lumen gentium, dessine  en fait une indécise troisième voie, sans vraiment l’expliciter, qui  semble reposer sur l’idée que les Églises et communautés séparées  auraient une certaine ecclésialité (avec un pourcentage plus important  pour les orthodoxes que pour les protestants), laquelle procurerait aux  chrétiens séparés une « communion imparfaite » (concept aussi étrange  que serait celui d’« état de grâce imparfait »). 
Et cependant, l’Église comme totalité 
[…] L’autre pôle de l’organisation de Lumen gentium est  au contraire celui de « totalité », inclinant à affirmer qu’hors de  l’Église catholique il n’y a rien, rien d’ecclésial ou, ce qui revient  au même, que tout élément d’Église, notamment sacramentel, que l’on  trouve hors des frontières visibles du catholicisme, est en fait un  élément de l’Église catholique. 
Le  n. 1 de la Constitution parle de la « sacramentalité » de L’Église de  manière analogique : elle est « dans le Christ, en quelque sorte le  sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime  avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Mais il y a beaucoup  plus : le n. 21 contient un enseignement, qui est peut-être le seul  donné comme tel, de l’ensemble du corpus de Vatican II, et qui tranche  une question doctrinale autrefois débattue : celle de la sacramentalité  de l’épiscopat.
Ce qui ne change rien,  en définitive, à l’organisme sacramentel tel qu’il était vécu, mais qui  manifeste en revanche que la divine constitution de l’Église,  essentiellement fondée sur le pape et les évêques, est une constitution à  fondation sacramentelle : le successeur de Pierre et les successeurs  des Apôtres en sont les pasteurs et les docteurs de droit divin en vertu  de leur accès à l’ultime degré du caractère sacerdotal par lequel le Christ fait participer des hommes à sa médiation de souverain prêtre. 
Dans l’attente d’un grand retour magistériel 
[…] Force est aussi  de constater que les deux voies conjuguées utilisées pour surmonter les  difficultés de Vatican II laissent un goût d’inachevé, d’attente : la  première voie (la non-infaillibilité des points contestés) parce qu’elle  est purement négative et ne règle pas le fond du débat ; la seconde  (les réinterprétations en forme de précisions orthodoxes de ces  passages) parce qu’elle semble relativement artificielle ou qu’elle est  en tout cas évidemment a posteriori. Mais cependant, de même  que dans la vie spirituelle l’accession aux voies mystiques ne peut  faire l’économie des purifications ascétiques, tout le bouillonnement  actuel déclenché ou activé par le discours théologique libérateur de  2005 a une valeur préparatoire à long – et sans doute très long terme –  indispensable. […]
