28 janvier 2009





La pensée intégriste est marquée par l’antijudaïsme chrétien
28/01/2009 - Nicolas Senèze - la-croix.com
Le monde lefebvriste a été fortement influencé par la pensée de Charles Maurras et baigne dans l’antijudaïsme chrétien du début du XXe siècle

Sur le Forum catholique, un des principaux sites Internet de discussion de l’univers traditionaliste, un récent fil de discussion portait sur « l’énorme mensonge de Nostra ætate ». Un internaute s’y indignait de ce que cette déclaration de Vatican II rappelle que « ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps ». Le très long débat qui s’en est suivi (plus de 300 messages) montre que les milieux intégristes sont loin d’être unanimes sur ce sujet.

Mgr Lefebvre s’est lui-même peu exprimé sur le judaïsme et l’antisémitisme. Dans son homélie de Lille, le 29 août 1976, devenue un texte de référence de l’intégrisme catholique, il y avait un passage à connotation antijuive, qu’il retirera in extremis par crainte de la réaction de la communauté juive.

En outre, son éducation a été très marquée par la pensée de Charles Maurras. Son père (déporté pour faits de Résistance, il est mort en 1944 au camp de concentration de Sonnenburg) était membre de la Ligue d’action française fondée par cet écrivain et homme politique français pour qui l’affaiblissement de la France était dû aux « quatre États confédérés : juifs, protestants, maçons, métèques »…

Marcel Lefebvre sera aussi étudiant au Séminaire français de Rome au moment où celui-ci est dirigé par le P. Le Floch, partisan de Maurras dont il tentera, en 1926, de faire éviter la condamnation par Pie XI. « Au Séminaire français, on aimait Maurras, mais on pensait sans Maurras », tempère toutefois l’historien Émile Poulat. Vatican II le résultat d’un « complot judéo-maçonnique »...
Reste que la veine maurrassienne demeure bien présente chez les intégristes, dont certains n’hésitent à voir en Vatican II le résultat d’un « complot judéo-maçonnique » contre l’Église. Et, si rares sont ceux qui dévient sur la pente d’un antisémitisme de type racial – ou vers le négationnisme : les réactions claires contre les propos de Mgr Williamson n’ont pas manqué non plus du côté intégriste –, il n’en demeure pas moins que la pensée lefebvriste est aujourd’hui encore très marquée par l’antijudaïsme chrétien, dominant dans l’Église catholique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

L’« enseignement du mépris », que dénonçait Jules Isaac à propos du peuple que l’Église a longtemps considéré comme « déicide », y est encore largement répandu, comme on l’a vu dans la polémique autour de la prière pro judaeis du Vendredi saint dans la forme extraordinaire du rite romain. Aujourd’hui encore, ces milieux ont du mal à voir comment l’antijudaïsme chrétien a pu favoriser l’antisémitisme, voire la Shoah, et ne comprennent pas en quoi l’Église devrait s’en excuser. Nicolas SENÈZE