29 août 2013

[Abbé Jacques Mérel, fsspx - Sainte-Anne (bulletin)] L'apostolat de la Militia Mariae

SOURCE - Sainte Anne (bulletin) - août-septembre 2013

Depuis quelques temps à Lanvallay (fin 2009), on entend parler de « milice de Marie » (Militia Mariae en latin), parfois de « légion ». Que font-ils, de quoi s’agit-il ? Voici dans un premier temps une présentation sans doute incomplète de cette œuvre d’apostolat par les laïcs.

La « Militia Mariae », relancée dans le district de France de la Fraternité parM. l’abbé de Cacqueray en 2008, s’inspire largement de la « Légion de Marie », ce grand mouvement mondial d’apostolat marial, fondé à l’origine en Irlande en 1921.

Un laïc, Frank Duff, touché par la grâce au tombeau du Père de Montfort à Saint-Laurent-sur-Sèvres, se lance dans l’apostolat, avec, au cœur de cet apostolat, la Vierge Marie. Voici comment il exprime le but de l’œuvre :
« la sanctification personnelle de ses membres par la prière et leur coopération active, sous la direction des supérieurs ecclésiastiques, à l’œuvre de Marie et de l’Eglise : l’écrasement de la tête du serpent et l’extension du règne de Jésus-Christ ».
Chez Duff, il ne s’agissait pas de jolis mots mystiques mais sans portée pratique. Il mit au point une méthode rigoureuse et avec les premiers apôtres recrutés, il quadrilla la ville de Dublin. Les quartiers les plus mal famés, ignorés de la Police et dans lesquels on pénétrait au péril de sa vie furent méthodiquement « attaqués » par une jeune fille audacieuse, incarnant parfaitement ces propos du « manuel » de la Légion : la Légion « porte avec une inexprimable fierté le nom de Marie. Organisation mariale, elle est fondée sur une confiance illimitée d’enfant envers cette bonne Mère, confiance qu’elle fortifie en l’implantant profondément au cœur de chacun, possédant ainsi des membres qui travaillent ensemble dans la plus parfaite harmonie de fidélité et de discipline. »

En peu de temps, la ville de Dublin fut transformée. Dès lors les conquêtes de la Légion de Marie n’auront plus de bornes. En 1942, 230 diocèses ont fait appel à elle, 1300 en 1961, année qui recense l’existence dans le monde de 50 000 groupes.

La Fraternité, dans le contexte de la crise de la Foi qui a fait perdre son âme à cette œuvre comme à tant d’autres choses, se fait une joie et un honneur de reprendre le flambeau, fondée sur l’enthousiasme de son fondateur :
« devant la dégradation progressive de l’idéal sacerdotal, transmettre, dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire, le sacerdoce catholique de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’Il l’a transmis à ses apôtres et tel que l’Eglise romaine l’a transmis jusqu’au milieu du 20ème siècle. »
Le premier « presidium » (nom du groupe local dans le langage de la Militia) démarra à Gastines fin 2008. Presidium pilote, il traça la voie aux nombreux groupes qui existent maintenant en France, dont Lanvallay (presidium Notre-Dame de Pontmain). Tractage dans la rue, dans les cimetières le 2 novembre, visites à domicile (porte-à-porte), les actions vont se mettre en place avec méthode. Car la Militia Mariae est organisée sur le modèle d’une armée, spécialement celle de l’ancienne Rome dont elle a adopté la terminologie ; un président, un bureau, un aumônier et des soldats de Marie qui agissent sur le terrain ; avec l’assistance essentielle de troupes auxiliaires chargées de prier pour ceux qui sont sur le terrain (on peut ainsi être soit membre « actif » soit membre « priant »). Les réunions des membres actifs se font en principe tous les 15 jours dans un décor immuable : une statue de l’Immaculée Conception entourée de deux cierges allumés au centre du groupe. L’ordre du jour ne change pas non plus : chapelet, compte-rendu des actions menées, lecture et instruction de la part du prêtre, prière au milieu de la réunion, décision des actions des semaines à venir, prière finale. Du pragmatisme anglo-saxon !

La méthode, si elle est bien suivie, donne tout son souffle surnaturel au groupe local et à ses membres, l’enthousiasme et le courage aussi ; il faut vaincre sa timidité, ses peurs, les rebuffades parfois des personnes que l’on tente d’attirer à Jésus-Christ par Marie, les échecs, ou simplement le froid ou la pluie. Mais il faut dire aussi que ce n’est pas si difficile. La prière et le zèle communs sont un encouragement constant à se dépasser ; les fruits bien visibles aussi aident beaucoup : retours à la pratique religieuse, grâces d’une bonne mort, catéchismes pour les enfants, retraites spirituelles de cinq jours…
Témoignage d’un membre quelque part en France au sujet du porte-à-porte :
« au début, je pensais qu’on nous jetterait des seaux d’eau, qu’on nous insulterait, qu’on nous prendrait pour une secte ! C’est certain que tout le monde ne nous ouvre pas la porte dans la joie et la bonne humeur, mais c’est loin d’être difficile. Il faut juste regarder les gens avec amour, les voir comme ce qu’ils sont, des enfants de Dieu, et leur sourire de tout cœur. Cela, même une âme fermée, blessée et souffrante, le perçoit tout de suite. C’est comme un parfum qui se dégage de vous… C’est le parfum de Marie ! Et si ça ne marche pas dans l’instant, peu importe, il en reste toujours quelque chose…»
Pour ma part, j’aime à dire que la Milice de Marie, c’est « l’avenir ». L’apostolat n’est pas l’œuvre exclusive des prêtres mais le rayonnement de la charité. Dans un monde qui s’éloigne toujours plus de Dieu, où la charité se refroidit de jour en jour, les fidèles doivent faire une couronne et un SAS de charité aux prêtres, pour entraîner les âmes dans la vérité, qui est Notre Seigneur Lui-même ; témoigner le règne de Dieu, redonner le sens de Dieu et du sacerdoce catholique autour d’eux, sens perdu par les papes depuis Vatican II. L’apostolat de l’Eglise, autrement dit le prolongement de la venue du Christ, c’est de conduire les hommes dans les voies du Ciel (directement par l’apostolat, indirectement par les activités temporelles des catholiques). La mission directe de l’Eglise, l’apostolat des âmes, consiste à unir les âmes au grand élan de charité de Jésus-Christ, tel qu’il s’est exprimé principalement dans son sacrifice. La vierge Marie est l’école nécessaire où l’on apprend cette union. Aussi, la charité est nécessairement missionnaire, comme la Messe, et comme Notre-Seigneur et Notre Dame sont les grands apôtres de nos âmes. La charité de soi rayonne, et la Milice de Marie donne un cadre remarquable à ce rayonnement. La définition du but de l’apostolat par Mgr Lefebvre donne bien le but de la Militia Mariae et son rayonnement surnaturel : le but de l’apostolat c’est : « aimer le Christ pour le porter aux autres, afin que cet amour se diffuse et chante la gloire de Dieu. »

Les moyens offerts pour ce but dans la Milice de Marie sont à la hauteur. Ce sont : une doctrine mariale solide (celle du Père de Montfort) ; un idéal élevé joint à une méthode rigoureuse et efficace (car souvent, dans les œuvres, il manque soit l’idéal soit la méthode) ; une fécondité apostolique fondée sur un renoncement à soi-même dans la dépendance de Marie ; l’autorité et l’influence constante de l’aumônier, dont l’un des rôles essentiels, explique le manuel de la Milice, est « d’infuser à tous les membres un amour éclairé et ardent pour la mère de Dieu, et particulièrement pour ceux de ses privilèges que la Légion honore d’une façon spéciale » ; un esprit de prière commune très consolant : « Avec tous les détails de la réunion ne formant qu’un tout, les affaires traitées reçoivent une singulière empreinte de prière, féconde en fruits remarquables d’héroïsme et d’efforts » (manuel) ; un esprit de conquête : « dans chaque cas il faut se proposer d’accomplir un bien précis et considérable » (manuel) ; un grand esprit de charité, première qualité requise pour être membre : « pratiquée entre eux, la charité le sera bientôt dans le public. Des abîmes qu’ils auront comblés entre eux-mêmes en tant que membres ne tarderont pas à disparaître aussi parmi leurs frères du dehors » (manuel) ; enfin un grand désintéressement surnaturel : « le but direct de leur activité n’est pas d’obtenir des résultats mais bien de travailler pour Marie » (manuel).
Quelques citations pour terminer et en guise d’invitation !
- M. l’abbé de Cacqueray :
« C’est vrai qu’il y a la crise de l’Eglise, que le prosélytisme est mal vu, que nous ne sommes qu’un petit nombre de catholiques, que nous manquons de formation doctrinale, d’expérience et que, par-dessus tout, nous sommes timides. Mais si nous ne le faisons pas, qui va le faire ? Plus que jamais, nous devons faire preuve d’audace apostolique ».
- Un membre de la Militia Mariae :
J’ai tout reçu de la Tradition et il faudrait que je reste chez moi à tout garder pour moi ? Aujourd’hui, les gens n’ont plus rien, même plus la possibilité d’une belle messe dans l’église d’à-côté et nous, nous resterions bien planqués, dans nos prieurés ? Non, c’est impossible… »
- Le manuel de la Militia Mariae :
« les systèmes matérialistes déclarent aimer les hommes et les servir. Ils prêchent un évangile vide de fraternité. Des millions d’hommes ont cru à cet évangile ; pour l’embrasser, ils ont abandonné une religion qu’ils croyaient sans vie, et se sont soumis avec enthousiasme à toutes les tyrannies. Convaincus que leurs nouveaux chefs les aimaient davantage, ils les ont suivis, et dès lors ils s’appliquent avec ardeur à entraîner à leur suite le genre humain tout entier. Ils semblent bien triompher. La situation n’est pourtant pas désespérée. Car il est un moyen de ramener à la foi ces millions d’obstinés et d’en sauver une multitude d’autres : c’est simplement d’appliquer le grand principe qui gouverne le monde, ce principe que le saint Curé d’Ars formulait ainsi : Le monde appartient à celui qui l’aime le plus et lui prouve cet amour. Ces millions d’infortunés n’écouteront pas, sans doute, l’exposé des vérités de la foi ; mais ils ne pourront pas s’empêcher de remarquer l’amour héroïque du prochain qu’inspire notre foi, et d’en être profondément touchés. Persuadez-les que l’Eglise les aime plus, et ils tourneront bientôt le dos à ceux qui les égarent. En dépit de tout ils reviendront à la foi ; ils iront même jusqu’à donner leur vie pour la foi. Pour subjuguer ainsi les hommes, un amour ordinaire ne saurait suffire, pas plus qu’un catholicisme médiocre, à peine capable de se maintenir lui-même. Seul peut y réussir un catholicisme profond, qui aime de toute son âme Jésus-Christ, son Seigneur, et qui sait le voir et l’aimer dans tous les hommes sans distinction. Mais cette sublime charité du Christ doit être tellement concrétée dans l’action que tout observateur soit contraint d’admettre qu’elle est vraiment la caractéristique de toute l’Eglise, et non pas simplement le fait de ses membres de choix. Il faut donc qu’elle se manifeste dans la vie de l’ensemble des catholiques laïques. »

Abbé Jacques Mérel, prieur-doyen de Lanvallay

Source : Sainte Anne n° 253 d'août-septembre 2013