9 décembre 2012

[Côme de Prévigny - Credidimus Caritati] Mgr Lefebvre et les relations avec Rome

SOURCE - Côme de Prévigny - Credindimus Caritati - 9 décembre 2012

Après les sacres conférés à Écône le 30 juin 1988, le fondateur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X n’a plus entretenu de relations avec le Siège apostolique de son vivant. Sans doute la grave décision de procéder à cette cérémonie avait-elle eu des conséquences sur les relations entre le Siège apostolique et Mgr Lefebvre. La tension avait été suffisamment forte et le décret du 2 juillet l’avait prouvé. Est-il possible, sans trop s’aventurer, de l’expliquer autrement ?
Un acte de survie
Hâtivement, on pourrait penser que l’archevêque avait finalement conclu que poursuivre des discussions avec un monde pétri d’idées néo-modernistes s’avérait néfaste pour la progression de son œuvre qui n’aurait pu que prospérer bien loin de ce monde enténébré. Il semble cependant que cette idée ne constitue qu’un fâcheux raccourci. Reprenons le contexte. Jusqu’à la veille des sacres, Mgr Lefebvre a cherché par tous les moyens possibles un accord avec le Saint-Siège. Il n’a cessé d’écrire et de communiquer durant toutes les années 1970-1980 avec quelques cardinaux et prélats connus de lui, au sein de la Curie, et il a affirmé à plusieurs reprises que la solution viendrait de Rome. Il a été jusqu’à signer un protocole au mois de mai 1988. Imaginer qu’il ait changé diamétralement de pensée en l’espace d’un mois ferait de lui un personnage emporté et impulsif, ce qu’il n’était pas. Au contraire, la question des sacres est apparue comme une affaire longuement réfléchie, ce qui ne l’empêchait pas de poursuivre, parallèlement, les discussions avec le Siège apostolique, tant qu’il en avait la force. Seule l’approche de la mort l’a contraint à « l’opération survie ».
Pour comprendre la pensée de Mgr Lefebvre, il faut bien noter qu’il a vraiment agi in articulo mortis. Il le dit lui-même dans le sermon des sacres. Sa mort interviendra bientôt : « Ce ne sera sans tarder ». Et la cérémonie des sacres n’aurait probablement pas pu avoir lieu si son auteur n’avait pas justifié l’état de nécessité par le fait qu’il n’avait plus aucun recours et qu’il allait prochainement disparaître. Reprendre des pourparlers après les sacres aurait inévitablement déjugé l’acte qu’il venait de poser. Son acte s’explique uniquement par le fait qu’il se sentait à la veille de sa mort et qu’il était donc celui de la dernière chance, après lequel il n’y aurait plus d’échange humainement possible de son vivant. 
Les pourparlers après 1988
Au-delà de la situation in extremis dans laquelle il se trouvait, Mgr Lefebvre envisageait d’ailleurs une reprise assez rapide des pourparlers avec Rome. Il souhaitait que ses successeurs relancent le processus. Lors de la conférence de presse qu’il a accordée le 15 juin aux journalistes réunis à Écône, par laquelle il annonçait sa ferme décision de procéder aux sacres et de mettre un terme aux relations avec Rome, il estimait que l’interruption de ces échanges, due à la gravité de l’acte des consécrations, durerait environ deux ou trois ans :
« Ces événements que nous allons vivre ces jours-ci, bien sûr, vont faire parler et il y aura un monde fou à la cérémonie du 30 juin pour la consécration de ces quatre jeunes évêques qui seront au service de la Fraternité. C’était prévu comme ça par Rome. Les évêques sacrés pour la Fraternité seront au service de la Fraternité. Eh bien, ces quatre évêques seront au service de la Fraternité, voilà. Celui qui aura donc en principe la responsabilité des relations avec Rome lorsque je disparaîtrai, ce sera le Supérieur général de la Fraternité, M. l’abbé Schmidberger, qui a encore six années de supériorat général à accomplir. C’est lui qui, éventuellement, aurait les contacts avec Rome désormais pour continuer les colloques, si ces colloques continuent ou si le contact est maintenu, ce qui est peu probable pendant quelques temps, puisque dans L’Osservatore Romano va être mis sous un grand titre : « Schisme de Mgr Lefebvre, excommunication… ». Donc, pendant X années, peut-être deux ans, trois ans, je n’en sais rien, cela va être la séparation. »
On constate là le grand optimisme de Mgr Lefebvre. Il saisit bien qu’il y aura séparation temporaire pendant un certain laps de temps. Lui-même survit deux ans et demi aux sacres. Aussi l’absence de relations lui est-elle parue naturelle, non pas en raison d’un changement de position radical, mais en raison de la secousse qu’a provoqué l’acte des sacres épiscopaux. Dès 1988, l’abbé Schmidberger est devenu le responsable adoubé des relations avec Rome, comme l’a souhaité le fondateur. Il n’a pas repris les relations au bout de deux ou trois ans, soit au moment de la mort de Mgr Lefebvre, comme ce dernier avait pu l’estimer. Il a finalement fallu attendre douze années, après six années de supériorat de l’abbé Schmidberger et six années de supériorat de Mgr Fellay pour que les « colloques continuent ». En l’occurrence, on pourrait davantage reprocher à la Fraternité son extrême prudence que sa précipitation. Mais le seul juge de cette chronologie était, de toute façon, le responsable mandaté pour estimer cette durée, à savoir le supérieur général de la FSSPX. Ainsi l’a souhaité le fondateur.
 
Côme de Prévigny