SOURCE - Nathalie Simon - Le Figaro - 27 octobre 2014
Le long-métrage de Dietrich Brüggemann raconte le parcours d'une adolescente élevée dans une famille catholique intégriste, qui choisit de devenir sainte. Édifiant et terrifiant à la foi(s).
Le long-métrage de Dietrich Brüggemann raconte le parcours d'une adolescente élevée dans une famille catholique intégriste, qui choisit de devenir sainte. Édifiant et terrifiant à la foi(s).
Maria, 14 ans, a la foi chevillée au cœur et au corps. Elle applique à la lettre les enseignements du prêtre de la paroisse catholique intégriste qui les prépare, elle et ses camarades, à la confirmation. Il leur répète à l'envi qu'ils sont des «soldats de l'amour». Leur mission est de «sauver les âmes» en gardant toujours le «sourire aux lèvres». Manger des gâteaux, écouter de la soul ou du gospel - des «musiques sataniques» - ou ne serait-ce que se soucier de son apparence sont autant de péchés susceptibles de détourner les êtres de Dieu.
Maria commence à douter le jour où elle rencontre un garçon. Sa mère, arc-boutée sur ses convictions religieuses, isole un peu plus l'adolescente, qui ne s'alimente plus. Acculée, elle occulte ses sentiments et décide donner sa vie à Dieu pour obtenir la guérison de son petit frère autiste.
On ne s'étonnera pas que Chemin de croix, du réalisateur allemand Dietrich Brüggemann , ait reçu l'ours d'argent du meilleur scénario au dernier Festival de Berlin. Le cinéaste n'est pas dans la dénonciation, il traite de l'endoctrinement avec une précision chirurgicale et un réalisme terrifiant de vérité. Sobrement mis en scène, son film est ponctué par les 14 étapes que Maria accomplit, à l'image du Christ. Un procédé qu'il avait déjà employé dans son premier long-métrage Neun Szenen (très remarqué à Berlin en 2006), où les longs plans-séquences fixes renforcent la rigidité des préceptes maternels.
Expérience personnelle
Face à son intégriste d'épouse, le père est quasi inexistant. «C'est souvent le cas dans la représentation de la Sainte Famille avec la Vierge Marie, Jésus et Joseph, qui n'a pas grand-chose à dire», a expliqué Dietrich Brüggemann, servi par des acteurs remarquables dirigés au millimètre près.
Le réalisateur a écrit le scénario avec sa sœur, en partant de leur expérience personnelle: dans leur enfance, leur père, catholique, a fait un retour à la religion, et la famille a appartenu plusieurs années à la Fraternité Saint-Pie X. «C'était très naturel pour nous, dit-il, les questions sont venues beaucoup plus tard. Nous n'avons pas eu besoin de nous documenter, nous avons puisé dans nos souvenirs. Ces catholiques, je les comprends complètement, de l'intérieur. Ils veulent suivre les pas du Christ. C'est pourquoi la structure du chemin de croix s'est imposée tout de suite à nous. Simplement, ils vont un peu plus loin que la religion moyenne. Et dans ce zèle, il y a une ambiguïté, comme dans toutes les choses humaines.»
Pour le cinéaste, la vie est un vaste paradoxe, et tout l'intérêt du cinéma est de le mettre en lumière. «J'aime révéler les aspects contradictoires de la réalité, permettre différents points de vue sur un phénomène. Il n'y a pas de message, ni d'interprétation univoque. Cette ambiguïté me plaît parce qu'elle laisse le spectateur libre de penser.»
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«Chemin de croix», drame de Dietrich Brüggemann, avec Lea van Acken, Franziska Weisz, Florian Strette... Durée: 1 h 50