30 octobre 2014

[Roberto de Mattei - Correspondance Européenne] Eglise catholique : vers le Synode 2015

SOURCE - Roberto de Mattei - Correspondance Européenne - 30 octobre 2014

«Das Drama geht weiter!» (“Le spectacle continue”) a déclaré dans une interview le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Monaco de Bavière (“La Repubblica”, 20 octobre 2014). Ce spectacle est celui du Synode des Evêques, où survint un coup de théâtre inattendu.

La Relatio post disceptationem presentée le 13 octobre, malgré les remaniements dont elle a fait l’objet, n’a pas obtenu la majorité des deux tiers attendue sur les deux points cruciaux : l’accès à la communion des divorcés remariés et l’ouverture aux couples homosexuels, le premier point atteignant 104 voix pour et 74 voix contre et le second 118 voix favorables contre 62 défavorables. Malgré l’évidente débâcle, le cardinal Marx, qui est l’un des plus fervents représentants de l’aile progressiste, s’est dit satisfait, parce que le processus révolutionnaire se fait en différentes étapes.

Sur certains sujets, il a expliqué que «nous avons fait deux pas en avant, puis un en arrière». Mais ce recul a été imposé par une résistance des Pères synodaux bien plus large que prévu. Pour comprendre la portée de l’évènement on peut se rappeler qu’au Concile Vatican II, malgré l’âpre débat en séance, les documents les plus contestés, comme Dignitatis Humanae et Nostra Aetate, furent approuvés avec 2308 voix contre 70 pour le premier et 2221 contre 88 pour le deuxième. Si alors on a parlé de consensus majoritaire, aujourd’hui la scission est évidente.

L’Eglise est aujourd’hui un champ de bataille, comme elle l’a été tant de fois, de Nicée à Vatican II, où se sont toujours affrontés non pas des conservateurs et des progressistes, mais les catholiques qui ne veulent pas toucher un iota du dépôt divin et ceux qui dans ce dépôt veulent introduire des nouveautés.

La phrase du pape François selon laquelle «Dieu ne craint pas ce qui est nouveau» doit être entendue dans un sens différent de celui qu’a voulu lui attribuer le Pontife : elle ne peut que signifier que Dieu ne craint pas les “novatores”, mais qu’il en détruit l’œuvre et confie le soin de les vaincre aux défenseurs du Magistère immuable de l’Eglise.

En matière de foi et de morale, toute exception appelle une règle et toute nouvelle règle ouvre la voie à un système normatif qui annule l’ancien. La nouveauté a une portée révolutionnaire qu’il faut saisir à son stade embryonnaire. Le cardinal George Pell, dans une interview télévisée au “Catholic New Service”, a défini la demande de communion des divorcés comme un cheval de Troie qui ouvre la voie à la reconnaissance des unions homosexuelles. En effet, le nombre de divorcés remariés qui demandent à recevoir la communion est négligeable.

C’est bien autre chose qui est en jeu : l’acceptation par l’Eglise de l’homosexualité, considérée non comme un péché ou une tendance désordonnée, mais comme une tension positive vers le bien, digne d’accueil pastoral et de protection juridique. Les cardinaux Marx et Schönborn ont été clairs à ce propos et le secrétaire adjoint du Synode Mgr Bruno Forte, élève de l’école de Tübingen, en a exécuté les desiderata, se révélant être l’auteur des passages les plus scabreux de la première Relatio.

La grande majorité des pères synodaux a rejeté les paragraphes scandaleux, mais ce que la doctrine n’admet pas est admis en revanche par la pratique, dans l’attente d’être confirmé par le prochain Synode. Pour de nombreux laïcs, prêtres et évêques, l’homosexualité peut être pratiquée, même si elle n’est pas admise de droit, parce qu’elle ne constitue pas un péché grave.

Cette question est liée à celle des cohabitations hors mariage. Si la sexualité hors mariage n’est pas un péché grave, mais une valeur positive, pourvu qu’elle s’exprime de façon stable et sincère, elle mérite donc d’être bénie par le prêtre et légalisée par l’Etat. Si c’est une valeur, et même un droit, et s’il existe un droit à la sexualité, on passe inévitablement de la cohabitation des divorcés au mariage homosexuel.

Le Magistère doctrinal de l’Eglise, qui n’a jamais changé en 2000 ans, enseigne que la pratique de l’homosexualité doit être considérée comme un péché contre-nature, qui entraîne non seulement la damnation éternelle des individus, mais aussi la ruine morale de la société. Les propos de saint Augustin dans ses Confessions résument la pensée des Pères : «les crimes contre nature, tels que ceux des sodomites, appellent partout et toujours l’horreur et le châtiment. Et quand bien même tous les peuples imitaient Sodome, ils seraient tenus de la même culpabilité devant la loi divine » (Confessions, c. III, p. 8).

Au cours des siècles, les pasteurs de l’Eglise ont recueilli et retransmis cet enseignement pérenne. Ainsi la morale chrétienne a toujours condamné sans réserves l’homosexualité, et a établi qu’à aucun titre ce vice ne peut prétendre à être légalisé par l’ordre juridique ni promus par le pouvoir politique.

Quand en 1994 le Parlement Européen vota sa première résolution en faveur du pseudo-mariage homosexuel, Jean-Paul II rappella dans son discours du 20 février 1994 que «l’approbation juridique de la pratique homosexuelle n’est pas moralement admissible. (…) Avec la résolution du Parlement Européen il a été demandé de légitimer un désordre moral. Le parlement a indûment conféré une valeur institutionnelle à des comportements déviants, non conformes au plan de Dieu. (…) En oubliant la parole du Christ – ‘la Vérité vous rendra libres’ (Jn 8, 32) – on a essayé d’indiquer aux habitants de notre continent le mal moral, la déviation, un particulier esclavage, commeune voie de libération, en falsifiant ainsi l’essence même de la famille».

Une brèche a été ouverte dans cet édifice doctrinal le 28 juillet 2013, lorsque sur le vol de retour du Brésil, le pape François tint ces propos explosifs : « Qui suis-je pour juger ? », paroles qui allaient être dès lors utilisées pour justifier toute transgression.Le jugement, avec la définition subséquente des vérités et la condamnation des erreurs, incombe par excellence au Vicaire du Christ, gardien suprême et juge de la foi et de la morale.

Se réclamant des propos de François, quelques évêques et cardinaux, pendant et en dehors des séances synodales, ont exprimé la demande que soit retenus les aspects positifs de l’union contre nature. Mais si l’un des péchés les plus graves cesse d’être reconnu comme tel, c’est le concept même du péché qui disparaît et reparaît cette conception luthérienne de la miséricorde qui a été anathématisée par le Concile de Trente.

On lit dans les canons sur la justification promulgués le 13 janvier 1547 : «‘Si quelqu’un dit que la foi qui justifie n’est rien d’autre que la confiance en la miséricorde divine’ (can. 12); ‘Si quelqu’un dit que le Christ Jésus a été donné par Dieu aux hommes comme rédempteur, en qui se confier, et non pas aussi comme législateur à qui obéir’ (can. 21); ‘qu’il n’y a pas de péché mortel, en dehors du manque de foi’ (can. 27), qu’il soit anathème ».

Ce sont des sujets théologiques qui ont une retombée sociale et que même les laïcs ont le droit et le devoir d’aborder, tandis que se rapproche non seulement le Synode 2015, mais aussi 2017, cinquième centenaire de la Révolution de Luther et premier centenaire de Fatima. Ce n’est pas un spectacle divertissant qui se déroule, comme le laisse entendre le cardinal Marx, mais un conflit difficile, qui engage le Ciel et la terre.

Les derniers actes seront dramatiques, mais l’épilogue certainement victorieux, selon la promesse divine, confirmée par la Vierge Marie à la Cova da Iria en 1917. Que l’Immaculée daigne accorder une persévérante pureté en pensées et actions à tous ceux qui dans l’ardeur du combat défendent avec courage l’intégrité de la foi catholique. (Roberto de Mattei)