21 février 2012

[Aymeric Chardon - NPA] L’extrême droite en soutane, entre réconciliation vaticane et conciliation politique

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Dans la grande famille d’extrême droite, le courant des catholiques intégristes n’avait pas autant fait parler de lui depuis plusieurs années. Alors que le FN célébrait le 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc, le 7 janvier dernier, les traditionalistes catholiques organisaient de leur côté leur propre hommage. Ils étaient quelques centaines (environ 300) à défiler jusqu’à la statue de Jeanne d’Arc à Paris. Dans son discours final, Alain Escada, président de l’Institut Civitas, a exprimé la défiance des catholiques-nationaux envers la République : « Si elle est laïque, la France, elle, est catholique ». La messe est dite!
 
Les intégristes catholiques réunis au sein de la Fraternités sacerdotales Saint-Pie X (FSSPX) et les traditionalistes de la Fraternité Saint-Pierre (FSSP) n’en sont pas à leur coup d’essai. Profitant de la programmation de deux œuvres théâtrales qu’ils jugent, blasphématoires, ils ont battu le pavé une bonne partie de l’automne dernier, occupant comme jamais l’espace médiatique. Gonflés d’orgueil, ils qualifient eux-mêmes cette période d’« automne des catholiques ». L’enjeu est important, quand bien même le caractère blasphématoire de la pièce était ou non avéré – il est vrai que chez eux, peu ont vu les pièces en question.
 
Pendant trois semaines, chaque représentation de la pièce Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci a connu son lot de péripéties : prières devant la porte du Théâtre de la Ville, intimidations des spectateurs, manifestations, usages de projectiles, irruption sur la scène, etc., rien n’a été épargné pour faire de cette pièce l’objet de tous les tabous. La contestation face au spectacle de Rodrigo Garcia, Golgota Picnic, est, quant à elle, l’affirmation de l’influence des ultras sur l’ensemble des fidèles catholiques : l’évêché parisien a fait donner une messe à Notre-Dame-de-Paris à l’heure de la première représentation (à laquelle s’est jointe C. Boutin).
 
Opposition physique ou spirituelle, la programmation concomitante des deux spectacles a permis aux extrémistes d’afficher un regain d’activisme, message clair à destination du Vatican et aussi de la droite nationale.
 
C’est une querelle longue de 30 ans entre la FSSPX, dirigée aujourd’hui par Monseigneur de Fellay, et l’Église romaine. Écartée du Vatican par l’excommunication de son fondateur Marcel Lefebvre en 1988, la Fraternité, regroupant une centaine de milliers de fidèles à travers le monde, est, dès l’avènement du Pape Benoît xvi, l’objet de toutes les attentions de la part du siège pontifical.
 
En 2007, Rome annonce la levée de l’excommunication des prêtres traditionalistes, montrant le renforcement des conservateurs en son sein. C’est un tollé dans l’Église catholique. Cela met aussi en exergue, ce à quoi la Fraternité travaille depuis longtemps : être la réserve des vocations sacerdotales.
À l’heure où l’Église peine à trouver de nouveaux prêtres, la Fraternité possède elle une réserve importante de jeunes séminaristes, ce qui n’est pas négligeable pour le Vatican. Signe de ce rapprochement inquiétant, 2011, le Vatican reconnaissait à la Fraternité l’existence d’une mauvaise interprétation du concile Vatican  II – signe d’ouverture progressiste de l’Église catholique. Les traditionalistes peuvent se féliciter d’avoir de nouveau un pied à Rome. Mais les catholiques nationaux ne comptent pas s’en tenir au seul regard bienveillant de la papauté.
 
Longtemps affiliés au Front national, les catholiques nationaux, représenté par Bernard Antony – fondateur du quotidien Présent et animateur de l’association Chrétienté-Solidarité – se sentaient chez eux sous l’ère Le Pen père.
 
À l’époque, pas une seule grand-messe du parti ne pouvait commencer sans une « messe traditionnelle », et bon nombre d’anciens dirigeants et amis du chef frontiste avaient leurs obsèques à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, QG parisien des intégristes.
 
Au cours des années 2000 cette idylle s’effrite peu à peu. Les références de plus en plus nombreuses de Marine Le Pen à la République et à la démocratie rencontrent une opposition croissante des catholiques-nationaux, pourtant satisfaits du départ des néo-païens avec Bruno Mégret, en 1999. L’arrivée de nouvelles figures – avec leurs stratégies de mélange des genres – à l’élection présidentielle de 2007, sera le coup fatal : les catholiques-nationaux, pour la plupart, désertent le parti.
 
On imagine bien que les références affichées à la « laïcité républicaine » de la présidente du FN ne les feront pas revenir.
 
En 2012, année d’élection, ils espèrent agiter la vie politique et imposer leurs idées. L’institut Civitas – pendant politique et laïc de la FSSPX – s’invite dans la campagne. Sous forme d’interpellation des candidats, les fondamentalistes réaffirment leur opposition à plusieurs des avancées progressistes de notre société (Pacs, droit à l’avortement, liberté d’expression, enseignement).
 
Gageons que cette année les intégristes catholiques sauront peser sur les candidats proches de leurs idées.
 
Aymeric Chardon