7 mai 2017

[Nicolas Senèze - La Croix] La Fraternité Saint-Pie-X mise en cause pour sa gestion des abus sexuels

SOURCE - Nicolas Senèze - La Croix - 7 mai 2017
Alors qu’un prêtre intégriste a été condamné vendredi 5 mai à Versailles pour « viols aggravés », Rome estime que la question de la gestion des abus sexuels « n’est absolument pas un problème » dans le processus de rapprochement avec la FSSPX.
Que se passe-t-il dans la Fraternité Saint-Pie-X ?

La cour d’assises des Yvelines a condamné vendredi soir 5 mai l’abbé Christophe Roisnel, prêtre de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) à seize ans de réclusion criminelle pour « viols aggravés » sur trois jeunes enseignantes de l’école Notre-Dame de la Sablonnière de Goussonville dont il était le directeur. Cette lourde condamnation est assortie d’une injonction de soins et d’une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.

Même si l’avocat de l’accusé a indiqué qu’un procès canonique pourrait avoir lieu, au terme duquel l’abbé Roisnel pourrait être renvoyé de l’état clérical, cette affaire souligne la mauvaise gestion des cas d’abus sexuels au sein de la FSSPX. L’abbé Roisnel avait en effet déjà été l’objet d’un procès interne où la Fraternité avait conclu à des « actes sexuels sans fornication »avant de le muter dans une école de garçons puis, après un « comportement équivoque » avec de jeunes garçons, dans un couvent.

Selon l’association Aide aux victimes de dérives dans les mouvements religieux en Europe et à leurs familles (Avref), ces manières d’agir seraient récurrentes au sein de la FSSPX. Dans un Livre noir publié en mai 2016, elle relève ainsi plusieurs affaires d’abus étouffées par la Fraternité dont le supérieur général, Mgr Bernard Fellay, se serait contenté de muter les auteurs, contre les normes de l’Église concernant les délits graves (abus sexuels).
Comment réagit Rome?
Cette question de la gestion des abus sexuels « n’est absolument pas un problème » dans le processus de rapprochement avec la FSSPX, affirme-t-on à la Commission Ecclesia Dei chargée des discussions entre les lefebvristes et le Saint-Siège. Selon elle, « Mgr Fellay n’a jamais pris aucune décision concernant les délits graves sans en référer à la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) ou à celle pour le clergé pour les renvois de l’état clérical ».

« Mgr Fellay n’a jamais voulu créer une Église parallèle », explique-t-on, confirmant que la CDF a déjà confié Mgr Fellay la possibilité de juger en première instance des auteurs d’abus sexuels. « Comment confier mandat à un supérieur pour juger un suspect selon les normes sur les délits graves quand ce même supérieur a précédemment contredit au sujet du même suspect ces mêmes normes ? », s’indigne d’ailleurs l’Avref dans son rapport.

À Ecclesia Dei, on reconnaît seulement du bout des lèvres que, si un accord aboutissait donnant un statut canonique à la Fraternité, le supérieur général de celle-ci serait « évidemment » justiciable du motu proprio Comme une mère aimante qui prévoit la « révocation » d’un ordinaire s’il a « manqué de diligence » dans les cas d’abus sexuels.
Où en est le dialogue de Rome avec la FSSPX?
Les discussions entre Rome et la Fraternité « n’ont aucune échéance temporelle précise », explique Ecclesia Dei, démentant toute annonce pour le 13 mai prochain (centenaire des apparitions de Fatima) ou le 7 juillet (dix ans du motu proprio Summorum pontificum). « Le temps de la réconciliation est toujours plus proche car nous avons fait du bon travail ces dernières années », explique-t-on seulement.

La « condition sine qua non » d’un statut officiel de la FSSPX dans l’Église catholique demeure que Mgr Fellay signe la déclaration doctrinale proposée sous le pontificat de Benoît XVI. « Mgr Fellay a demandé le temps nécessaire pour que toute la Fraternité soit prête à accepter l’accord »,explique Ecclesia Dei qui rappelle que la main tendue du pape François répond à « une volonté d’unité pour toute l’Église ».