17 mai 2017

[Peregrinus - Le Forum Catholique] Anarcho-traditionalisme

SOURCE - Peregrinus - Le Forum Catholique - 17 mai 2017

Il me semble que si en conscience le supérieur du district de France avait pu prendre un autre parti que celui de sanctionner des confrères que certainement il estime, il n'est pas douteux qu'il l'aurait fait. Il suffisait à cet égard d'entendre M. l'abbé Bouchacourt pour percevoir combien la décision qu'il avait prise lui coûtait. 

Lorsque l'on a été le témoin de la conduite lamentable de certains fidèles parisiens - qu'assurément les sept signataires n'auraient pas avouée, il est vrai - on doit hélas penser qu'il était urgent de crever l'abcès.

Il s'est répandu dans le milieu traditionnel français comme une forme d'anarcho-traditionalisme, qui se manifeste à deux niveaux : tout d'abord au niveau doctrinal et dans les rapports avec le reste de l'Eglise, où l'identification abusive de l'indéniable crise de l'Eglise avec un état de nécessité aussi universel qu'absolu et intégral - qu'on se donne rarement la peine de prouver - conduit à la négation dans les faits de l'Eglise et de sa juridiction.
Dès lors, on peut absolument tout justifier et il n'y a plus de limites.

Au niveau pratique et dans la FSSPX, toujours au nom de la nécessité et du combat de la foi, on en vient à penser que tout prêtre doit continuellement prononcer sur tout, sans et même contre sa hiérarchie. Très curieusement, on adopte en pratique des positions très proches du conciliarisme richériste du XVIIIe siècle, selon lequel tout prêtre ayant reçu le sacrement de l'ordre est en tant que tel apte à donner son avis en toutes circonstances. 
De là la manie des déclarations, des prises de positions de toutes sortes qu'on observe chez certains, tant clercs que laïcs. Sur ce point les contradictions ne manquent pas, car les mêmes reprocheront tantôt aux supérieurs de la Fraternité de pas s'en prendre aux erreurs dans leur prédication, tantôt d'avoir réservé leurs remarques pour un passage de leurs sermons au lieu d'avoir publié un communiqué. Dans l'affaire récente, on ne peut qu'être frappé de relever que les sept signataires n'ont pas jugé bon d'attendre avant de se prononcer les directives de la Maison générale ou du district, comme si celles-ci tardaient trop à venir. 
On oublie, puisqu'on aime les comparaisons révolutionnaires, qu'il a fallu attendre mars 1791 pour que Pie VI publie le bref condamnant la Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790 ; que le synode janséniste de Pistoie de 1786 n'a été condamné qu'en 1794, parce que les autorités attendaient les circonstances favorables et voulaient produire un document irréprochable. Qu'auraient dit de ces longs silences de Pie VI, à l'époque, nos actuels partisans du combat de la foi à outrance ? 

Comme la subordination dans l'Eglise forme une longue chaîne dont on ne peut rompre un anneau sans que les conséquences s'en fassent partout ressentir, cet anarcho-traditionalisme ne laisse pas de se manifester également chez des laïcs très persuadés d'être investis de la mission de sauver une doctrine à laquelle il n'est pas rare qu'ils n'entendent rien : d'où les scènes peu édifiantes auxquelles on a pu assister à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

Il fallait donc trancher. Le supérieur de district l'a fait, cela lui a causé certainement une douleur bien vive, mais, comme il l'a dit, il l'a fait devant Dieu, pour le bien commun et le respect des principes de la discipline et de l'esprit ecclésiastiques. 

Peregrinus