25 mars 2006

[Abbé Anthony Cekada] Le Rite de la consécration épiscopale de 1968: Un bref résumé du Problème

SOURCE - Abbé Anthony Cekada - résumé paru en avril 2006 de la version longue parue le 25 mars 2006

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L’abbé ANTHONY CEKADA enseigne la Théologie morale et sacramentelle, le Droit canon et la Liturgie au séminaire de la Très Sainte Trinité à Brooksville en Floride. Il a été ordonné en 1977 par Mgr Marcel Lefebvre, et il a écrit de nombreux articles et études concernant la question traditionaliste. Il réside à côté de Cincinnati où il célèbre la messe latine traditionnelle.
EN 1975, APRÈS avoir passé dix ans dans le système des séminaires de la période qui suivit Vatican II, j’entrai au séminaire de la Fraternité St. Pie X à Ecône.
 
Pendant que j’y faisais ma première année je frappai un jour à la porte du bureau de Mgr Lefebvre et je lui demandai si je pouvais avoir un court entretien avec lui.
 
Malgré mon audace (typiquement américaine!) il était, comme d’habitude, accueillant.
 
Je demandai à Monseigneur si des amis conservateurs du séminaire où j’étais auparavant pourraient, une fois ordonnés prêtres, collaborer avec la Fraternité. Il me répondit que, oui, en principe, mais qu’ils devraient d’abord être réordonnés sous condition parce que Paul VI avait changé le rite du sacrement de l’Ordre.
 
Monseigneur Lefebvre expliquait que la nouvelle forme (la forme essentielle) du rite de l’ordination sacerdotale était douteuse à cause d’un seul mot qui avait été supprimé. Et Monseigneur de continuer : pour ce qui est de la forme nouvelle de la consécration épiscopale, elle est toute différente et donc invalide.
 
Je savais bien que les traditionalistes mettaient en question la validité des rites des autres sacrements post-conciliaires, pourtant Monseigneur fut le premier traditionaliste dont j’apprenais qu’il mettait en doute la validité des nouveaux rites pour la collation des Ordres sacrés.
 
Malgré la gravité du problème seul un petit nombre d’auteurs traditionalistes avaient analysé les rites d’ordinations d’après le concile Vatican II, même après que se fussent multipliées, suite à un indult, les messes S. Pie V célébrées par des prêtres ordonnés par des évêques sacrés dans le nouveau rite.
 
Après l’élection de Benoît XVI en 2005 et l’ouverture de la part de la Fraternité St. Pie X de négociations avec lui, le problème revint à la surface : Joseph Cardinal Ratzinger, nommé archevêque et cardinal par Paul VI, avait été consacré dans le nouveau rite le 28 mai 1977. Etait-il donc un véritable évêque ?
 
Le Père Pierre-Marie OP, dominicain d’Avrillé, a publié un long article en faveur de la validité du nouveau rite dans Le Sel de la Terre n° 54 (automne 2005).
 
Enseignant la théologie morale des sacrements et la liturgie aux séminaristes depuis 1995 et ayant écrit un certain nombre d’articles sur le sujet, l’article du P. Pierre-Marie ne manqua pas bien entendu de retenir mon attention. Il m’apparut que l’auteur avait omis d’examiner deux sujets cruciaux pour cette question :
 
(1) Quels sont les principes que la théologie catholique applique afin de déterminer si une forme sacramentelle est valide ou invalide ?
 
(2) Comment ces principes peuventils être appliqués au nouveau rite de la consécration épiscopale ?
Ces deux points présents à l’esprit, je rédigeais ma propre étude au sujet du nouveau rite. Voici un bref résumé de cet article :
I. PRINCIPES GÉNÉRAUX
(1) Tout sacrement comporte une forme (la formule essentielle) qui produit l’effet du sacrement. Lorsqu’un changement substantiel de signification est introduit dans la forme sacramentelle par la corruption ou par l’omission de paroles essentielles, le sacrement est rendu invalide (= il ne “marche” pas : il ne produit pas l’effet du sacrement).
 
(2) Les formes sacramentelles approuvées dans les Rites orientaux de l’Eglise catholique diffèrent parfois dans leur formulation des formes du rite latin, mais elles restent les mêmes quant à leur substance, et sont donc valides.
 
(3) Pie XII a déclaré que la forme des Saints Ordres (c. à d. du diaconat, de la prêtrise et de l’épiscopat) doit signifier de manière univoque (= de manière non ambiguë) les effets sacramentels — le pouvoir d’ordre et la grâce du Saint-Esprit.
 
(4) Pour la collation de l’épiscopat Pie XII a désigné pour forme sacramentelle une phrase dans le rite traditionnel de la consécration épiscopale, qui exprime de manière univoque (a) le pouvoir d’ordre qu’un évêque reçoit et (b) la grâce du Saint-Esprit.
II. APPLICATION AU RITE
(1) La forme de la consécration épiscopale de Paul VI apparaît dans la Préface spéciale du rite ; le texte complet de la forme est le suivant :
«Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit qui fait les chefs, que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, qu’il a lui-même donné aux saints Apôtres qui établirent l’Eglise en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange
incessante et à la gloire de ton Nom.»
Alors que la forme nouvelle semble mentionner la grâce de l’Esprit Saint, elle ne spécifie pas le pouvoir d’ordre qui est supposé être conféré. Peut-elle conférer l’épiscopat ? Afin de répondre à cette question, nous allons appliquer les principes établis dans la première partie.

(2) La forme assez brève de la consécration épiscopale de Paul VI n’est pas identique aux formes assez longues des rites orientaux ; elle ne mentionne pas comme c’est le cas dans celles-ci, les pouvoirs propres à l’évêque seul (p. ex. celui d’ordonner). Les prières des rites orientaux auxquelles la Préface de Paul VI qui enchâsse sa forme consécratoire, ressemble le plus, sont des prières nonsacramentelles pour l’intronisation des patriarches Maronite ou Syrien qui sont déjà évêques au moment de leur nomination. En somme, il n’est pas permis d’argumenter (comme le F. Pierre-Marie le fait) que la forme de Paul VI «est en usage dans deux rites orientaux certainement valides» et qu’elle serait par conséquent valide. 
 
(3) Divers textes anciens (Hippolyte, les Constitutions apostoliques, et le Testament de Notre-Seigneur) partagent quelques éléments avec la Préface consécratoire de Paul VI qui enchâsse la forme nouvelle ; le F. Pierre-Marie les invoque pour preuve de son affirmation de la validité de la nouvelle consécration épiscopale. Mais tous ces textes ont été «reconstitués», sont d’origine douteuse, ne peuvent constituer un usage liturgique réel avéré, ou soulèvent d’autres problèmes. Il n’existe aucune preuve qu’ils aient constitué des formes sacramentelles «acceptées et utilisées par l’Eglise en tant que telle» — critère établi par la Constitution Apostolique de Pie XII sur les Saint Ordres. Ces textes ne fournissent donc aucune preuve fiable à l’appui de la démonstration de la validité de la forme de Paul VI.
 
(4) Le problème-clé de la forme nouvelle tourne autour de l’expression Spiritus principalis (traduite en français par «l’Esprit qui fait les chefs»). Avant et après la promulgation de la consécration épiscopale de 1968, le sens de cette expression suscita des inquiétudes sur la question de savoir si cette expression signifiait suffisamment le sacrement. Même un évêque de la commission vaticane qui a créé ce rite, a soulevé cette interrogation.

(5) Dom Bernard Botte, le moderniste qui était l’auteur principal du nouveau rite, soutenait qu’au IIIe siècle chrétien, Spiritus principalis connotait l’épiscopat, parce les évêques possèdent «l’Esprit d’autorité» en tant qu’ils gouvernent l’Eglise. Spiritus principalis voulait dire «don de l’Esprit qui convient à un chef».
 
(6) Cette explication était fausse et trompeuse. Les références aux dictionnaires, à un commentaire de l’Ecriture Sainte, aux Pères de l’Eglise, au traité de dogmatique et aux cérémonies d’investiture non-sacramentelles des rites orientaux, révèlent que, parmi une douzaine de significations différentes et souvent contradictoires, Spiritus principalis ne signifie nullement de manière spécifique, ni l’épiscopat en général, ni la plénitude des Saints Ordres que l’évêque seul possède.
 
(7) D’ailleurs, avant même que la controverse à ce sujet ne se soit déclenchée, Dom Botte lui-même avoua qu’il ne voyait pas comment l’omission de l’expression Spiritus principalis pourrait affecter la validité du rite de la consécration.
 
(8) La forme nouvelle échoue à satisfaire aux deux critères établis par Pie XII pour les Saints Ordres (a) Du fait que l’expression Spiritus principalis peut signifier beaucoup de choses ou personnes différentes, elle ne signifie pas de manière univoque l’effet sacramentel. (b) Il manque à la forme nouvelle une expression, quelle qu’elle soit, qui connoterait, même de manière équivoque, le pouvoir d’ordre que l’évêque seul possède — la «plénitude du sacerdoce du Christ dans la fonction et l’ordre de l’évêque» ou «la plénitude ou l’entièreté du ministère sacerdotal
 
(9) Pour ces raisons la forme nouvelle constitue un changement substantiel dans la signification de la forme sacramentelle pour la collation de l’épiscopat.
 
(10) Or, un changement substantiel de la signification de la forme sacramentelle, conformément aux principes de la théologie morale des sacrements, rend un sacrement invalide.
III. SACREMENT INVALIDE
Par conséquent, une consécration épiscopale conférée dans la forme sacramentelle promulguée par Paul VI en 1968 est invalide — cela veut dire qu’elle ne peut pas instituer un véritable évêque. 
 
Prêtres et autres évêques dont les ordres proviennent de tels évêques sont dès lors ordonnés invalidement et invalidement consacrés. Par conséquent les sacrements qu’ils administrent ou réalisent, lesquels dépendent du caractère sacerdotal ou épiscopal (la Confirmation, l’Eucharistie, le sacrement de Pénitence, l’Extrême Onction, les saints Ordres) sont eux aussi invalides.
IV. OBJECTIONS
(1) «Le contexte rend les ordres valides». Réfutation : Les paroles situées ailleurs dans le rite ne peuvent pas redresser ce défaut, parce qu’un élément essentiel de la forme (le pouvoir d’ordre) n’est pas simplement exprimé de manière ambiguë, mais parce qu’il est complètement manquant.
 
(2) «La forme a été approuvée par le pape.» Réfutation : D’après le concile de Trente et Pie XII l’Eglise n’a nullement le pouvoir de changer la substance d’un sacrement. Or l’omission du pouvoir d’ordre dans la forme nouvelle en change la substance. Aussi, même si Paul VI avait été un vrai pape, il n’aurait eu nullement le pouvoir d’introduire un tel changement. Et si c’était le cas, la simple tentative de le faire quand même, suffirait à démontrer qu’il n’était pas un vrai pape.
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LA RAISON POUR laquelle le rite de Paul VI de la consécration épiscopale est invalide peut être résumée en une seule phrase : Les modernistes ont changé les paroles essentielles en supprimant la notion de la plénitude du sacerdoce. 
 
Le texte intégral de mon article «Absolument nul et entièrement vain» se trouve en version française sur deux sites Internet : www.traditionalmass.org/articles/ “Sacraments” www.rore-sanctifica.org 
 
Il est aussi disponible sous la forme d’une brochure à l’adresse ci-dessous.
 
J’invite les lecteurs à photocopier et à distribuer ce résumé de mon article à des catholiques, amis de la Tradition, spécialement au clergé et aux laïcs qui sont de la FSSPX, car il doit y en avoir déjà beaucoup, sait-on jamais, qui nourrissent de sérieuses réserves au sujet de la validité du nouveau rite.
 
Etant donné que le mouvement traditionaliste en France est fort et qu’il a une influence mondiale, il importe que la fille aînée de l’Eglise ne soit pas entraînée dans un fausse résistance qui la priverait de messes valides et de sacrements valides, alors que tant de catholiques français ont mené si bien un combat si long!