Apologues de la dernière cartouche
Suresnes - Avril 2008 
«S’il ne reste au dernier des chasseurs qu’une seule cartouche pour tuer la bête, qu’il ne croit pas qu’elle mourra s’il la tire mal et encore moins s’il ne la tire pas...»
Premier apologue
Au soir de cette journée, les chasseurs venaient de        renverser leurs étuis : il ne leur restait plus qu’une unique et        dernière cartouche. Tout naturellement, ils la remirent à celui        d’entre eux qui était le meilleur fusil. En temps habituel, aucun        n’aurait assurément reconnu cette supériorité de l’un d’entre eux        sur les autres. Mais l’heure était suffisamment grave pour que beaucoup        de sentiments d’amour-propre disparussent d’eux-mêmes. A ce dernier        coup de feu, bientôt tiré, se trouverait en effet suspendue la survie de        toute la population. Voilà des mois qu’ils combattaient une bête maléfique        qui dévastait leurs habitations et, du cercle des chasseurs qu’ils        formaient, il n’en était pas un qui ne pleurait quelque membre de sa        famille emporté dans la gueule du monstre. Ils savaient, puisqu’ils        avaient épuisé leur poudre, qu’ils y passeraient tous si la dernière        cartouche manquait sa cible.
Ils n’avaient pas hésité à désigner leur champion.        Mais aucun d’eux ne pouvait s’empêcher de penser  qu’avec        cette dernière cartouche, c’était aussi sa vie et celle de tous les        siens qui se trouvait remise entre les mains d’un seul homme ! Ils        se le chuchotaient entre eux et leur inquiétude montait. Chacun pensait        intensément- car aucun n’était inexpérimenté dans l’art de la        chasse ni ne manquait d’une réelle connaissance du terrain- au choix du        meilleur affût pour se poster, de l’instant le plus favorable du jour,        pour ce coup qu’il restait à tirer.
Tandis que les nouvelles les plus sombres des horreurs        commises par la bête continuaient de leur arriver, certains estimèrent nécessaire        de donner à leur camarade, en plus de la dernière cartouche, leurs avis        et vives recommandations. Ce fut un brouhaha d'opinions divergentes.        Plusieurs, conscients des ravages opérés par la bête, alors même        qu’on était encore en train de réfléchir et de parler, plaidaient        pour qu’on ne perdît plus de temps et que l’affrontement, de toute façon        inévitable, eût lieu au plus vite. D’autres, non moins justement, rétorquaient        qu’à se précipiter sans avoir pris le temps de choisir le meilleur        guet, le coup serait manqué et la population entière définitivement        livrée à la bête. La discorde augmentait leur peine. Voilà que ceux        qui devaient combattre un si grand ennemi commun se retrouvaient, à        l’heure la plus grave, presque fâchés entre eux.
Les premiers se tournaient vers leur champion et le        sommaient de courir sus à la bête sans plus attendre. Les autres le        retenaient par la manche et lui reprochaient de penser à partir au combat        sans plus de réflexion. Ils ne semblaient pas s’apercevoir que par leur        désunion, le ton de leur querelle et cette soudaine appréhension, ils        lui faisaient endurer deux combats au lieu d’un seul, au risque de le        voir arriver affaibli pour le duel décisif.
Mais lui, conscient et même compréhensif de leur mélange        de méfiance et de confiance, écoutait leurs avis et en retenait le        meilleur. Il savait, depuis qu’ils avaient fait ce geste de lui remettre        leur dernière cartouche et depuis qu’elle était bien passée de leurs        mains dans les siennes, que, à un instant donné qui ne manquerait pas de        survenir, c’est lui et lui seul qui se retrouverait devant la bête,        face à face, et lui seul qui appuierait sur la gâchette.
Chasseurs ! Si vous les croyez justes, donnez tous        vos conseils de chasseur à votre champion mais prenez garde cependant de        ne pas l’accabler ! Il vous est évidemment difficile de remettre        votre vie entre les mains de l’un des vôtres mais souvenez-vous        -c’est ainsi- qu’une cartouche n’est jamais tirée que par un seul        homme.
Deuxième apologue
Lorsque son étui est bien garni, le fier chasseur ne        regarde pas à ses cartouches. Il se saisit impatiemment de chacune puis,        qu’elle ait ou non atteint sa cible, c’est toujours son fusil, puisque        la cartouche n’est plus là pour l’entendre, ou qu’il gronde ou        qu’il congratule ; ce n’est jamais la cartouche.
Mais, lorsqu’au soir de la journée, il ne lui reste        plus que la dernière, voyez donc comme il la regarde, comme il la traite        avec respect, comme il la polit entre ses mains ! On dirait que d'être        sa dernière l'a comme transfigurée à ses yeux, qu’elle en a        brusquement reçu un surcroît d’être qu’elle ne possédait pas,        qu’elle mérite désormais les plus grands égards. Sans doute veut-il        la tirer mais il veut encore moins la gaspiller ! Alors que le crépuscule        descend, il pense qu'elle seule pourra lui procurer le couronnement de sa        journée et l’ovation de ses pairs.
Le chasseur veut donc - et pour cause !- ne tirer        qu’"à coup sûr". Mais, à dire vrai, quel est le sens de        cette expression ? Ne signifie-t-elle pas qu’il faut seulement        tirer lorsqu’il n’y a plus aucune chance de manquer la bête maléfique ?        Cependant est-ce jamais possible ? Y a-t-il un chasseur sans        faiblesse et un fusil sans défaut à qui  le triomphe soit garanti ?
S’il ne reste au dernier des chasseurs qu’une dernière        cartouche pour tuer la bête maléfique, avant la tombée de la nuit,        chacun comprend que le chasseur, les autres chasseurs et la population ne        risquent la mort que pour deux motifs possibles. Il est certain qu’ils        mourront si la cartouche n'est pas tirée à la nuit tombée. Ils mourront        également si elle est tirée mais qu’elle manque la bête. N’apparaît-il        donc pas qu’il vaut encore mieux se risquer à tirer plutôt que de ne        pas tirer ?
Cependant, cette certitude, au yeux du détenteur de la        dernière cartouche, ne constitue pour autant qu’un premier principe de        sa stratégie. Il sait bien qu’elle ne le dispense nullement de se        mettre en quête de toutes les circonstances qui rendront, lorsqu’il        tirera, son âme paisible, parce que son coup, prudemment et parfaitement        calculé, sera un coup de maître.  
Comme illustration de ces deux apologues.
Autant que le plan de Dieu nous apparaisse visible, il       semble que  la dernière cartouche qui doive être tirée sur l'hydre       moderniste soit la Fraternité Saint-Pie X.
Autant que le plan de Dieu nous apparaisse visible, si        cette dernière cartouche n’est jamais tirée, la bête ne sera pas tuée        et finira par étouffer l’Eglise.
Autant que le plan de Dieu nous apparaisse visible, si        cette dernière cartouche est mal tirée, la bête ne sera pas tuée et        finira par étouffer l’Eglise.
Autant que le plan de Dieu nous apparaisse visible, la        Fraternité Saint-Pie X est  cette dernière cartouche qui sera tirée,        depuis le bon affût et à l’instant convenable, et elle tuera la bête.
C'est à la lumière de telles considérations sur la       Providence que nous avons donné notre confiance à la Fraternité.
Suresnes, Avril 2008
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier,
Supérieur du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.
Supérieur du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.
