12 mai 2012

[Christian Laporte - La Libre Belgique] Rififi chez les traditionalistes

SOURCE - Christian Laporte - La Libre Belgique - 12 mai 2012

De fortes tensions divisent ainsi toujours les traditionalistes sur la réponse largement positive qui avait été donnée à la mi-avril par leur supérieur Mgr Bernard Fellay à l’offre du Vatican de réintégrer le giron de l’Eglise.
 
Éclairage Même au Vatican, pour danser le tango il faut être deux. Alors que du côté de la place Saint-Pierre on multiplie les signaux laissant entendre que le schisme entre Rome et Ecône pourrait se résorber tout prochainement - certains parlent même de la Pentecôte - il y a comme une certaine résistance, si l’on ose ainsi s’exprimer, du côté des supporters de Mgr Lefebvre. On ne peut certes pas jeter la pierre ni à l’entourage du Pape, ni au supérieur de la Fraternité Sain-Pie X, Mgr Bernard Fellay, qui ont mis le paquet pour rapprocher les points de vue. Mais au fur et à mesure qu’on s’approche de l’échéance, force est de constater que tous les esprits ne sont pas mûrs pour une grande réconciliation.
 
De fortes tensions divisent ainsi toujours les traditionalistes sur la réponse largement positive qui avait été donnée à la mi-avril par leur supérieur Mgr Bernard Fellay à l’offre du Vatican de réintégrer le giron de l’Eglise. Rien de tel que de puiser à leurs propres sources - comme par exemple le site traditionaliste "Riposte catholique" - pour s’en rendre compte. Ce site a ainsi publié un échange de lettres entre Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint Pie X et les trois autres évêques de la Fraternité qui révèle de si fortes oppositions qu’on ne peut exclure un nouveau schisme entre les schismatiques.
 
Dans leur lettre, envoyée début avril, les trois évêques intégristes, Mgr Alfonso de Galarreta, Mgr Nicolas Tissier de Mallerais et Mgr Richard Williamson - celui-là même qui avait nié l’étendue de l’Holocauste - n’ont pas hésité à mettre en garde leur supérieur général, qui est prêt à accepter l’offre de Rome.
 
Morceaux choisis : "Veuillez faire attention, vous conduisez la Fraternité à un point où elle ne pourra plus rebrousser chemin, à une profonde division sans retour et, si vous aboutissez à un tel accord, à des puissantes influences destructrices qu’elle ne supportera point", avertissent-ils. Et de se demander si "la pensée de Benoît XVI est meilleure que celle de Jean Paul II ? [ ]" avant d’y répondre eux-mêmes que "la pensée du Pape actuel est imprégnée de subjectivisme. C’est toute la fantaisie subjective de l’homme à la place de la réalité objective de Dieu. C’est toute la religion soumise au monde moderne. Comment peut-on croire qu’un accord pratique puisse arranger un tel problème ?"
  
Une mise en cause qui aurait de quoi en décourager plus un et c’est, du reste, avec une certaine lassitude sinon un brin de désespoir que Mgr Fellay leur a répondu : "Votre lettre manque de surnaturel et en même temps manque de réalisme. A vous lire, on se demande sérieusement si vous croyez encore que cette Eglise visible dont le siège est à Rome est bien l’Eglise de Notre-Seigneur Jésus-Christ, une Eglise défigurée horriblement mais qui a quand même encore pour chef Notre Seigneur Jésus-Christ". Et l’actuel supérieur général de la Fraternité de leur répondre que "la solution de la prélature personnelle proposée n’est pas un piège. Surtout, il faut absolument prendre en compte les évolutions de Benoît XVI en faveur de la Tradition", la situation actuelle étant différente de celle de 1988 qui avait fini par amener Mgr Lefebvre à rompre avec Rome.
 
"Prétendre que rien n’a changé est une erreur historique", a-t-il expliqué. "Les mêmes maux font souffrir l’Eglise, les conséquences sont encore plus graves et manifestes qu’alors ; mais en même temps, on peut constater un changement d’attitude dans l’Eglise, aidé par les gestes et attitudes de Benoît XVI envers la Tradition."
  
Pour Mgr Fellay., une minorité de jeunes prêtres, de séminaristes et même déjà quelques jeunes évêques se distinguent nettement de leurs prédécesseurs et apportent leur sympathie et leur soutien à un rapprochement mais ils sont encore dominés par la ligne dominante dans la hiérarchie en faveur de Vatican II. Et de demander à ses troupes de garder le cap car pour Mgr Fellay, de moins en moins de prélats vantent les acquis de Vatican II : "Le discours sur les gloires de Vatican II que l’on va nous ressasser, s’il est encore dans la bouche de beaucoup, n’est cependant plus dans toutes les têtes. De moins en moins y croient". Et le supérieur général de la FSSPX de condamner l’attitude de ses trois évêques qui essaient de lui imposer leur vision ! Des propos que l’on devrait méditer à Rome mais qui est prêt à remettre en question ce que le Pape appelle tellement de ses vœux ?