15 décembre 2015

[Lettre à Nos Frères Prêtres - FSSPX] Distinctions nécessaires

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France - n°68 - décembre 2015

Immigration choisie ?
Quels types de distinctions le pays peut-il mettre en place pour les immigrants ? Rappelons l’un des principes qui guident notre réflexion. La nation est légitime propriétaire du pays qu’elle occupe, avec ses richesses tant naturelles qu’humaines. Ces richesses, dans certaines limites sur lesquelles nous reviendrons encore, elle peut les partager avec qui elle veut. L’autorité publique est premièrement et principalement en charge du bien commun de cette nation, pas des autres pays ni du monde. Cette autorité publique doit donc veiller à ce que l’accueil d’immigrants favorise ce bien commun, et ne le lèse pas. Comme le disait Pie XII le 13 mars 1946, «une certaine restriction à l’égard de l’immigration » est admissible car, « en cette matière, ce ne sont pas les seuls intérêts des immigrants, mais aussi la prospérité du pays qui doivent être consultés».

L’autorité publique doit d’abord prendre en compte la capacité d’accueil du pays. Et en premier, évidemment, ce qui concerne le travail, qui est en général le principal but visé par l’immigrant. Il est tout à fait anormal d’accueillir des immigrants pour un travail quand des milliers, voire des millions de citoyens sont au chômage et sont prêts à accepter ce travail. Il y a là une faute et une absurdité évidente. Comme le disait avec bon sens dans les années 80 Georges Marchais, dirigeant du Parti communiste, « la venue de nouveaux travailleurs devra être déterminée, chaque année, en fonction de la politique d’ensemble et des besoins de l’économie ». Il faut également prendre en compte les ressources de la nation : un pays qui est juste à l’autosuffisance alimentaire ne doit pas accueillir des immigrants en nombre, car il ne pourra pas les nourrir en même temps que sa population. On peut en dire autant du logement : il est absurde d’accepter des centaines de milliers d’immigrants avec leur famille, quand une part notable de la population n’arrive déjà pas à se loger.
Équilibre de la nation 
Donc, l’autorité publique doit veiller sur l’équilibre des biens fondamentaux de la nation. Il a fallu arriver à l’époque récente pour voir des hommes politiques se vanter de suivre des projets utopiques, même au rebours de la réalité. La politique est, au contraire, l’art du possible au service du bien commun. Mais outre les biens fondamentaux de la nation, il existe des biens collectifs dont l’État ne peut disposer à son gré : en particulier la Sécurité sociale. Celle-ci est la propriété inalié- nable de ses cotisants. Il est anormal de donner droit sans limite, pour des millions d’immigrants, aux prestations de la Sécu, sans consulter en rien les légitimes propriétaires, à savoir chacun de ceux qui cotisent. Bien sûr, un immigrant qui travaille et cotise a droit, de façon équitable, à ces prestations. Mais est-il juste que celui qui arrive en France se trouve automatiquement pris en charge de façon très protectrice par un système d’assurances dont il n’a jamais fait partie ? On ne le fait pas pour les autres assurances : l’immigrant n’a pas droit, automatiquement et gratuitement, à une assurance automobile ou à une assurance Responsabilité civile. Pourquoi cela serait-il entièrement différent pour l’assurance maladie?

Sans doute, il faut être juste, humain, raisonnable. Il est normal de bien traiter celui que l’on décide d’accueillir. Mais il serait anormal que l’immigrant, du seul fait de ce statut d’immigrant, ait des avantages plus grands que le citoyen, surtout lorsqu’il s’agit de la propriété même de ce citoyen.
Accueillir sans compter ?
Si les richesses du pays sont suffisantes, et si l’immigration aide au développement, l’autorité publique peut-elle accueillir sans compter ? Il ne semble pas. Encore une fois, cette autorité publique est au service du bien commun total de la nation. Elle ne peut donc s’arrêter à de pures considérations économiques, ce qui est malheureusement le travers de beaucoup de gouvernements actuels. L’arrivée massive et rapide d’immigrants crée des problèmes de coexistence entre les groupes. Il existe, selon le mot du Président François Mitterrand, des « seuils de tolérance », dont il disait le 10 décembre 1989 : « Le seuil de tolérance [de l’immigration] est dépassé depuis les années 1970.»

D’autant que, par un phénomène naturel, les immigrants de même nation ou même culture ont tendance à se regrouper dans les mêmes lieux, créant spontanément des sortes de « ghettos », sources potentielles de conflits avec les natifs. Il appartient à un gouvernement digne de ce nom de réguler l’immigration pour éviter ces difficultés et tensions. Il doit donc jouer sur la rapidité d’entrée (pour laisser aux premiers arrivants le temps de s’intégrer) et sur la masse accueillie. Encore une fois, une politique du « numerus clausus », comme pratiquent les États-Unis, pays composé quasi exclusivement d’immigrés, peut constituer une politique sage et équilibrée.