6 juin 2017

[Alain et Aline Weidert - Le temps des baptisé-e-s] Une «Prélature personnelle», c’est non!

SOURCE -  Le temps des baptisè-e-s - conférence catholique des baptisé-e-s francophones - 6 juin 2017

Selon La Croix du 1er juin 2017, il serait question que la Fraternité sacerdotale saint Pie-X (FSSPX) soit définitivement accueillie par Rome d’ici à l’été dans le cadre d’une « prélature personnelle ». Cependant, pour deux raisons – théologique et sociétale – enfouies, l’incompatibilité est totale entre ce qu’exprime cette Fraternité et l’Église catholique. Raisons qui trop souvent échappent encore aux pratiquants de base, aux catholiques sociologiques non formés, ignorants de ce qui est en jeu. Selon Léon XIII auquel les FSSPX font toujours référence, leur ֤Église a « toutes les qualités et tous les droits qui caractérisent une société légitime supérieure et de tous points parfaite » (Libertas praestantissimum 1888). Il en résulte une contestation de toute liberté religieuse publique et la visée sociétale d’une cité totalitairement catholique.

Premier point. Les FSSPX contestent l’affirmation de Dignitatis Humanae (Vatican II) selon laquelle personne ne doit être empêché, par les pouvoirs civils, de professer la foi religieuse de son choix. Droit négatif : droit à ne pas être empêché Mgr Fellay, « un faux droit naturel » dit-il, car seuls les catholiques ont le droit de professer publiquement leur foi dans l’espace public. Les FSSPX se fondent sur la condamnation définitive de cette liberté des autres religions, formulée par Grégoire XVI dans Mirari vos (1832) et par Pie IX dans Quanta cura (1864). Pour eux, être adepte d’une autre religion est inévitablement être dans l’erreur, le péché, la condamnation.

Mais leur attachement à Mirari vos leur fait encore passer un cran. Ils visent l’Homme et touchent à sa liberté de conscience, jusqu’au paroxysme de sa négation comme sujet. De ce texte ils revendiquent un passage devenu quasiment un article de leur credo : « Cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses […] et que certains hommes, par un excès d'impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. » (Lettre à nos frères prêtres, décembre 2011).
Pour les FSSPX la vérité, leur vérité, a tous les droits, l’erreur n’en a aucun. En cela ils suivent encore au pied de la lettre Libertas praestantissimum qui affirmait : « Mais une chose demeure toujours vraie, c'est que cette liberté, accordée indifféremment à tous et pour tous, n'est pas, comme nous l'avons souvent répété, désirable par elle-même, puisqu'il répugne à la raison que le faux et le vrai aient les mêmes droits. » Intolérance ? Pire que cela ! Car leur véritable raison, finalement, selon Mgr de Galarreta, c’est qu’une telle liberté religieuse dissoudrait la Royauté sociale du Christ (3/7/2016, Winona), celle d’une cité intégralement catholique. Pour eux il ne peut y avoir, au niveau de l’État, d’égalité juridique entre la seule vraie religion et les fausses.
Second point. Pour les FSSPX, à la suite de Quas primas de Pie XI (1925), les États apprendront par la célébration annuelle de la fête du Christ Roi « que les gouvernants et les magistrats ont l'obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d'obéir à ses lois […] car sa dignité royale exige que l'État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l'établissement des lois, dans l'administration de la justice ». Une royauté qui est à prendre pour eux au sens strict, effectif et non symbolique. D’où leur critique de Gaudium et spes de Vatican II qui « enseigne », selon eux, la négation de la royauté sociale du Christ. Mais au fait, Jésus n’avait-il pas refusé qu’on le fasse roi ? N’avait-il pas rejeté la tentation du diable de recevoir les royaumes de la terre ? Pour le Christ succomber au piège de la royauté aurait été diabolique !
La boucle est ainsi bouclée, entre la suppression des libertés religieuses publiques et le pouvoir discrétionnaire d’une religion d’État, de droit divin. Cela a pour nom totalitarisme, sous couvert bien sûr d’un bon-dieu débordant de prodigalité envers l’Homme !
Donner toute sa place à la FSSPX serait reconnaître dans la maison Église catholique une idéologie politico-religieuse fondamentaliste, absolutiste comme l’une des composantes de la foi commune à tous. Une normalisation officielle, par le biais d’une « prélature personnelle », entraînerait de facto une reconnaissance labellisée de leurs deux convictions-programmes, un feu vert pour leur emboîter le pas sur cette voie hégémonique et intransigeante. Non, les catholiques ne peuvent se retrouver, tel un corps constitué, assimilés, identifiés, agglomérés, rendus solidaires et complices d’une religion suffisante, contemptrice des droits de l’Homme, liberticide, et surtout en pleine contradiction avec l’Évangile des Béatitudes et le Magnificat.
Une communion, pleine et entière est exclue. On sait l’impact qu’a eu l’affaire Humanae vitae sur l’image et la notoriété de l’Église catholique, et plus récemment toutes les affaires d’abus sexuel. Alors une nouvelle affaire, qui serait celle d’une intégration pleine et entière des intégristes lefebvristes et de leurs dérives théocratiques, risque de mettre l’Église catholique complétement « out ». Dans leur procès fait à Vatican II et à son Christ-pour-l’Homme planent des accointances, des connivences de pensée avec celles du Grand Inquisiteur (Dostoïevski). Un inquisiteur certes tout en gants de velours et drapé d’or fin mais adversaire juré d’un Christ qui n’aurait pas dû réapparaître, celui des lumières de Vatican II. Si le pape François prenait réellement conscience des antagonismes mortels entre la FSSPX et le Concile des Lumières du Christ, il ne s’aventurerait pas plus loin.
L’heure des choix. Si Rome ouvrait définitivement la porte aux FSSPX et laissait ainsi libre cours à leur idéologie religieuse sectaire, à leur dérive monarchique, ce serait de surcroît dans le climat actuel laisser supposer que du côté catholique une perspective de conflits inter-religieux ne serait pas exclue. Peut-il en être autrement lorsqu’une religion se met à revendiquer en son sein le rétablissement de droits impérialistes, c’est-à-dire d’avoir seule droit de cité (!) ? Nous sommes donc contraints de mettre cartes sur table : ce sera eux ou nous ! Mais c’est là un scénario qu’ils ont eux-mêmes écrit. Ils ont déjà exprimé par avance que nous réagirions ainsi (Mgr Fellay, 8/10/2016, Port-Marly).
S’il y avait à trouver un accord avec la FSSPX sur le fond, sur la substance même de la foi, il faudrait que ce soit avant toute prise de décision d’un accord de prélature. Dans le cas contraire, en ce qui nous concerne, nous ne pourrions faire autrement que nous échapper pour ne pas suffoquer. Seule solution pour nous prémunir de toute schizophrénie, nous sauvegarder de tout obscurantisme, nous garder sains et saufs, nous et les Lumières du Christ de Vatican II.

Alain & Aline Weidert, Chalvron-près-Vézelay, Pentecôte 2017.