8 juin 2017

[François Hoffman – Monde et Vie] FSSPX-France : Nouvelle donne

SOURCE – Monde et Vie – 8 juin 2017

Dans son vol de retour de Fatima, le pape François, interrogé par la presse sur la question de la FSSPX, a déclaré qu’il avait de « bons rapports » avec son supérieur, Mgr Fellay. Le pape François a ainsi reconnu la possibilité d’une régularisation de l’institut. L’opposition à une telle perspective doit être pesée à sa juste valeur.
     
Et en effet, les réactions n'ont pas tardé. Alors que l'annonce de la reconnaissance canonique de la Fraternité Saint-Pie X se fait toujours plus proche, au point que des dates ont été lancées dans certains milieux romains dits autorisés, plusieurs prêtres, doyens du district de France accompagnés des responsables de communautés religieuses proches de la FSSPX avaient manifesté leur opposition au document romain sur les mariages au sein de la FSSPX (cf. M&V N°940). La lettre a été complaisamment relayée par des sites Internet qui roulent pour la « résistance ». Sous ce terme, veuillez entendre les opposants à un accord avec Rome, dont beaucoup ont déjà rompu avec la FSSPX.

La lettre a donné lieu à des sanctions de la part de l'abbé Bouchacourt, lequel a notamment relevé l'abbé de La Rocque de sa charge de curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Cette décision a suscité l'ire de bien des paroissiens. Civitas a théâtralisé son désaccord. Une soixantaine de personnes parmi lesquelles Alain Escada ont quitté publiquement l'église lorsque l'abbé Bouchacourt a confirmé, en chaire, l'annonce de la destitution du curé de Saint-Nicolas le 14 mai 2017 pour nommer l'abbé Denis Puga curé par intérim.

L'attitude d'insubordination de ces sept prêtres français doit cependant être ramenée à de justes proportions. Au niveau international aucun des quarante membres du chapitre général - le chapitre qui élit le supérieur général de la FSSPX - n'a apporté son soutien à la missive. Mieux : la plupart l'ont même condamnée, directement ou indirectement. La maison générale de la FSSPX déplore ce tumulte. D'autre part, le « coup » est un classique lorsqu'une perspective de régularisa­tion se dessine au sein de la Fraternité. Certains cherchent à faire pencher le balancier, quitte à souffler sur les braises ou à en susciter. Déjà, en 2009, Mgr Williamson avait joué les trouble-fête, imaginant sans doute que sa sortie révisionniste, devant la télévision suédoise pourrait enrailler définitivement le processus permettant de reconnaître la Fraternité. Cette fois, des prieurs français ont profité de la publication de la concession romaine sur les mariages de la Fraternité pour faire pres­sion sur leurs supérieurs français et sur la hiérarchie internationale de la Fraternité.

France, fille aînée de la polémique ?

Si dans le reste du monde, les divergences avaient semblé déboucher sur des séparations internes dès 2012, il semble que dans le district de France de la FSSPX- le plus important - la résistance à Mgr Fellay se maintient tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la communauté. En effet, à l'étranger le phénomène « résistant » est clairement en-dehors des structures officielles de la Fraternité, comme c'est le cas aux Etats-Unis d'Amérique, un district en forte progression. Dans certains pays, c'est une situation inconnue. Ainsi, le district d'Allemagne n'est pas touché par le phénomène. Mais pour la France, c'est plus compliqué.

Pour quelle raison notre pays fait-il exception ? Il y a quelques années, le supérieur du district de France, l'abbé Régis de Cacqueray, avait veillé à placer dans les principaux prieurés des figures partageant ses réticences à l'égard d'une amélioration canonique. Nommé en 2014 pour le remplacer, l'abbé Christian Bouchacourt, soucieux de ménager les deux tendances au sein de la Fraternité, avait évité de bouleverser la carte établie par son prédécesseur. Il joua surtout la confiance envers tous les prêtres. Pourtant, les plus décidés d'entre eux, sans avoir eu cure de son pari, l'ont forcé à trancher dans le vif. La Lettre de défiance envers Rome avait été communiquée directement aux fidèles de la FSSPX, le bulletin paroissial de Saint-Nicolas du Chardonnet l'ayant même publiée... Ce n'est pas tant son contenu que la manière dont elle a été diffusée qui semble avoir suscité l'ire du District de France. L'abbé Bouchacourt n'a été informé de la diffusion de la lettre que le vendredi 5 mai au soir, alors qu'elle devait être lue le dimanche 7 mai. Bref, une mise au pied du mur que l'intéressé n'a guère apprécié. La rapidité de la sanction à l'égard de l'abbé de La Rocque a surpris certains. Mais elle n'a pas étonné les observateurs, habitués aux déci­sions expéditives de Mgr Fellay. Un bon connaisseur du dossier nous affirmait le ras-le-bol des autorités de la FSSPX de voir le mensuel de Saint-Nicolas-du-Chardonnet servir de canal à la dissidence. Il soulignait aussi les drôles d'accointance entre certaines personnalités proches de la FSSPX et des sites maintenant une hostilité non dissimulée contre Rome. Il craignait que la Fraternité soit embarquée dans des polémiques inutiles.