| Cher Monsieur l’abbé, voici ma question : Comment l’IBP peut-il s’installer à Marseille sans       avoir l’accord de l’évêque ? Existe-t-il des articles du Code       de Droit Canon qui vous le permettent ou bien refaites-vous Saint Nicolas       du Chardonnet dans la capitale phocéenne ? Dans le deuxième cas,       puis-je vous dire respectueusement combien je trouverais cette idée fort       peu lumineuse même si, à Marseille, le jeu en vaudrait bien la chandelle ? En vous remerciant d’éclairer ma lanterne et celle de       beaucoup qui suivent votre action avec sympathie... Emmanuel Buffet - Langon
 
 L’IBP à Marseille ?
 6 novembre 2007 - par Abbé Philippe Laguérie
 
 Cher monsieur, Merci de me poser sereinement la question qui agite fébrilement     les esprits. L’I.B.P. et son fougueux modérateur sont-ils en train de     faire des fondations sauvages au risque de contrister Rome - qui les     soutient, c’est une évidence - et de donner des arguments aux évêques     français. En un mot, cherchent-ils le bâton pour se faire battre ? Vous noterez tout d’abord que ce sont massivement les     partisans de la Fraternité saint Pie X qui reprochent à l’I.B.P. cette     prétendue illégalité. C’est assez amusant et quelque peu cocasse !     Bref, ils jouent les vierges effarouchées, eux qui transgressent     joyeusement et habituellement les juridictions en place et se font gloire de     leur affranchissement général de la loi, pour reprocher aux honnêtes     citoyens leurs « incartades ». C’est l’ivrogne qui conduit     à 140 km/h dans un village et hurle sur le piéton qui traverse en dehors     des clous. L’Evangile dit mieux : « filtrer le moucheron et     avaler le chameau ». D’autant, on va le voir, qu’il n’y a pas plus de     moucheron que d’arête dans une dinde ! De quoi s’agit-il, en effet ? Le droit canon est très strict au sujet de l’implantation     d’une maison religieuse (qu’elle soit une communauté de vie religieuse     ou une communauté de vie apostolique : les canons des uns renvoient     aux autres) dans un diocèse : rien ne peut se faire sans l’accord     explicite et écrit de l’évêque. C’est d’ailleurs tout à fait     normal : comment l’ordinaire du lieu pourrait-il subir la création     d’une quelconque instance catholique dans son diocèse ? Ce serait la     négation de son pouvoir. Qu’il s’agisse d’une paroisse, d’une chapelle et même     d’un oratoire privé : la même autorisation est requise. On ne peut     pas jouer là-dessus : l’ancien et le nouveau code de Droit Canon     sont formels. Le débat n’est donc pas là. Une première question se pose lorsque l’évêque, dûment     sollicité, fait le mort. Qu’il n’y a pas moyen de le rencontrer,     qu’il ne répond pas aux courriers, qu’on ne peut obtenir de lui aucun     échange, écrit ou oral. Bref, qu’il n’y a pas moyen de connaître son     opinion. Ne croyez pas que je pose ici une question spéculative : à     ce jour cinq évêques français ont refusé de me recevoir ou même     d’avoir un simple échange épistolaire courtois. Une vingtaine m’ont reçu     très sympathiquement et nous sommes en relation, heureusement. Mais cette     première question, qui en pose beaucoup d’autres, je vous le concède,     n’est pas dirimante : puisqu’il faut l’accord de l’évêque et     qu’on ne peut pas l’obtenir, le présumer n’est pas possible. On peut     tout au plus déplorer leur absence et craindre, dans ce dialogue, une     certaine herméneutique de la rupture… Le vrai et décisif argument est tout autre et je m’étonne     qu’il puisse échapper aux fins limiers qui dégoisent à longueur de     journée sur le net. Le Motu Proprio rappelle un argument classique et     nouvellement appliqué au rite traditionnel : tout prêtre « idoine »     peut célébrer sa messe privée, sans aucune autorisation de qui que ce     soit (art 2). De plus, les fidèles qui le souhaitent peuvent profiter de     son ministère, assister à sa messe (art 4). Ces possibilités, offertes très     explicitement par le Motu Proprio, ne constituent en rien la création     d’une paroisse, d’une chapelle (au sens canonique) ni même d’un     oratoire privé. Et partant, ne tombent pas du tout sous les interdictions     du Droit Canon en la matière. N’est-ce pas aussi l’expression du bon     sens le plus élémentaire ? Un prêtre catholique célèbre une messe     catholique et des catholiques y assistent. Pas de quoi en faire un fromage. L’ordinaire du lieu peut toujours interdire le ministère     canonique, les célébrations publiques etc... refuser d’écouter, de     recevoir ; et même condamner sans appel des gens qu’il ne connaît     pas et refuse de connaître. C’est sa responsabilité devant Dieu, son     seul juge avec le Pape. En revanche, Il ne peut canoniquement interdire la célébration     privée de prêtres idoines, pas plus que l’assistance des fidèles désireux.     Il y faudrait des fautes très graves, prévues par le Droit et qu’il ne     peut inventer. En outre, et dès lors que nous nous abstenons du ministère     publique et de la charge des âmes, qui relève de l’évêque, toute     immixtion dans les affaires internes d’une société de vie apostolique,     de Droit pontifical par surcroît, est un abus manifeste de pouvoir. Le     canon 738 §1 et 2 est très précis à ce sujet : « Tous les     membres (des sociétés de vie religieuse ou apostolique) sont soumis à     leurs propres modérateurs selon les constitutions en ce qui regarde la vie     interne et la discipline de la société ». « Ils sont soumis à     l’évêque diocésain en ce qui regarde le culte public, la charge des âmes     et les autres œuvres d’apostolat ». On constate donc qu’un évêque     qui intervient auprès de prêtres d’un institut, en dehors d’un     apostolat public qu’il n’aurait pas cautionné, abuse manifestement de     son pouvoir. Ce qui veut dire que l’I.B.P. a parfaitement, et en tous     points, respecté le droit de l’Eglise et que ceux qui disent le contraire     sont de simples voyous, qui utilisent faussement contre nous un droit canon     qu’ils ne respectent pas. Quant à la volonté expresse du Pape, plusieurs fois édictée,     de voir les Instituts de vie apostolique prendre une part active au sein des     diocèses, il me semble qu’elle lie les évêques, non ? « Les     évêques impliqueront dans les nécessités pastorales les instituts de vie     consacrée et les nouvelles réalités ecclésiales, dans le respect de leur     charisme propre et ils solliciteront tous les membres du clergé à une plus     grande disponibilité pour servir l’Eglise là où il en est besoin, même     au prix de sacrifice » (Sacramentum Caritatis § 25). On trouve déjà     cette même doctrine sous la plume du Cardinal Ratzinger dans une conférence     de 1998. L’évidente bienveillance du Motu Proprio en ce domaine     devrait rapidement franchir les Alpes sans rien perdre de sa bonté ! A     ces fidèles désemparés de voir les choses n’avancer pas assez vite, je     redis la phrase du Pape (art 7) : « l’évêque est instamment     prié d’exaucer leur désir ». |