| Un évêque avoue     Il y a un malaise dans l'Eglise de France. Un malaise qui ne date pas     d'hier. Les fidèles les plus introduits le ressentent sans pouvoir toujours     définir ce qu'ils perçoivent. Et si l'un ou l'autre, sur ce registre,     cherche à en remontrer à son curé ou à son évêque, il prend le risque     de passer pour Gros Jean et de se faire traiter comme tel, ce qui à partir     d'un certain âge n'est pas forcément très agréable, on en conviendra. Mgr Maurice Gaidon a été un évêque en vue dans cette Eglise qui est     en France. A la tête d'un petit diocèse, le diocèse de Cahors, 160 000     habitants, il a joué un rôle capital dans l'introduction du Renouveau     charismatique chez nous. Aujourd'hui, alors que l'âge de la retraite a sonné     pour lui, il publie un petit livre (fort bien écrit ce qui ne gâte rien),     où il entreprend avec courage son examen de conscience d'évêque,     histoire, comme il le reconnaît lui-même, de se préparer au grand     passage.
 Il revient sur certains moments forts de son existence, avec beaucoup de     sensibilité et une véritable piété. Il évoque les épreuves     personnelles qu'il a traversées et toujours surmontées par le haut. Il     propose enfin à l'attention de tous, quelques critiques fondamentales, qui     devraient permettre, si elles étaient entendues, de sortir du malaise.
 La liturgie d'abord : il ne s'agit pas seulement de contester des excès.     « J'ai très mal vécu la réforme liturgique, imposée au détour d'un     dimanche, avec un autoritarisme clérical insupportable. L'histoire de     l'Eglise m'avait appris que l'on ne touche pas impunément aux rites et au     langage symbolique. Le passage en force à la langue vernaculaire, la     nouvelle disposition de l'autel, la place et le rôle du célébrant, la     mise sur le marché de chants liturgiques composés à la hâte : que de     bouleversements en peu de temps et quelles portes ouvertes aux     improvisations des apprentis sorciers, sous l'oeil paterne et parfois     complaisant d'un épiscopat atteint d'aphasie ».
 La pastorale ensuite, avec son sinistre marquage idéologique, toujours     d'actualité. « J'ai très mal vécu les orientations pastorales qui se     sont imposées sous l'influence de courants qui, par générosité, ont donné     abondamment dans l'idéologie régnante des années 60 et 70 ».
 Ce que déplore Mgr Gaidon, c'est le conformisme de ses confrères : «     Paralysie... ou manque de liberté d'expression de la foi ? D'où vient     cette impression d'étrange torpeur que je ressens au contact de nos     communautés désorientées, de nos prêtres désabusés, de mes frères évêques     au silence peureux dans nos assemblées. Où est le courage des prophètes     dont parlait, à Lourdes le cardinal Etchegaray ? ».
 Je ne peux pas tout citer ici. Mais l'on voit bien qu'il s'agit d'une véritable     bombe. Pour la première fois depuis 30 ans, en France, un évêque parle et     dit tout haut ce que beaucoup s'interdisaient même de penser.
 
 Mgr Maurice Gaidon, Un évêque français entre crise et renouveau de     l'Eglise, Editions de l'Emmanuel 2007, 15 euros.
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