| 
 | 
 | 
      
       | N.O.M., légitime ou pas ? |         | 2007-11-27 - Abbé Guillaume       de Tanoüarn - leforumcatholique.org |       | Chers amis,       Je trouve le très long fil me concernant, après une journée de       travail. N'ayant pas l'habitude de me défosser ou de me débiner, je       voudrais revenir sur les principes théologiques qui sont en jeu dans       cette affaire. Membre de l"'IBP, j'ai prêché pour les obsèques de Pierre Pujo,       directeur de l'Action Française, dans l'église de La Madeleine à Paris,       au cours d'une cérémonie célébrée selon la forme ordinaire du rite       romain, appelée vulgairement Messe de Paul VI.
 Pouvais-je faire autrement que d'accepter la demande qui m'était faite       ? Il ne me semble pas.
 La forme ordinaire du rite romain, que je me suis engagé à ne pas célébrer       en adhérant à l'IBP, et contre laquelle j'ai formulé et je formule des       critiques construites, du point de vue à la fois théologique et pastoral       (voir mon texte sur La messe de l'homme dans La messe en question, 2002       pp. 261-289), ce Novus Ordo Missae reste un rite légitime de l'Eglise       catholique romaine.
 Austremoine essaie de dire dans le fil que ce N.O.M. est légal et non       légitime ; et il donne immédiatement l'exemple de la loi autorisant       l'avortement jusqu'à 12 semaines qu'il caractérise également (sic)       comme légale et non légitime.
 Réfléchissez pourtant : aucun Etat n'a le droit de s'attaquer à la       vie humaine depuis la conception jusqu'à la mort naturelle. Il peut       mettre en place un dispositif législatif qui permette cette pratique,       mais il ne peut pas la déclarer bonne ou indifférente. Ce n'est pas à       lui d'édicter la loi morale. Cette loi libéralisant l'avortement n'est       donc pas légitime, parce qu'elle prétend dirimer un problème d'ordre       moral qui, par définition, échappe au législateur politique.
 En revanche, si l'on en vient à la réforme liturgique et au pouvoir       du pape, on est bien obligé de constater qu'il s'agit d'une loi légitime       et pas seulement légale.
 Le pouvoir du pape, pour sanctifier et pour enseigner le troupeau du       Christ est un pouvoir de droit divin. Certes le pape est matériellement       élu par un conclave, mais formellement il ne tient son pouvoir que du       Christ et non de l'Eglise (cf. Cajétan De institutione Romani pontificis).       Et ce pouvoir est un pouvoir immédiat, ordinaire et universel sur toutes       les brebis, qu'il gouverne en les enseignant et en les sanctifiant.
 Le pape a donc bien pouvoir en droit sur cette grande loi de la       sanctification des fidèles qu'est la loi liturgique. Il est dans le       domaine de définition de son pouvoir lorsqu'il exerce son autorité sur       les formes de la liturgie.
 Reste bien évidemment, au-delà de la question de droit qui est réglée,       une question de fait : le pape a-t-il raison de modifier cette loi qu'il a       bien le droit de modifier ? S'il est vrai que «l'homme spirituel juge de       tout » comme dit saint Paul, on est fondé, comme simple fidèle à se       poser cette question. En l'occurrence, pour ce qui est de la messe coeur       de notre vie chrétienne, il me semble que c'est un devoir de le faire -       et de le faire avec le respect et l'intelligence que suppose une telle démarche.       Benoît XVI lui-même dans son discours du 22 décembre 2005 nous exhorte       à faire preuve d'esprit critique pour ce qui concerne le concile et les réformes       issues du Concile, en ne cédant pas à la tentation d'une herméneutique       de rupture.
 Concernant la sainte messe, nous devons donc par exemple nous en tenir       au Concile de Trente et aux définitions irréformables qu'il donne plutôt       qu'au document intitulé Institutio generalis, qui dans son article 7 présente       une définition insuffisante du rite, en omettant de mentionner sa       puissance propitiatoire.
 Notre critique est bien légitime : nous sommes fondés, en tant que       membres du corps du Christ, à la formuler, selon notre degré de       responsabilité (nous sommes responsables de notre salut personnel, de       notre famille etc.) et notre degré d'instruction. Lorsqu'il a donné aux       laïcs la possibilité de créer des groupes stables pour demander une       messe manifestant mieux le sens du sacré que la messe ordinaire, il me       semble que Benoît XVI a eu égard à tout cela. Ce n'est pas très       courant qu'un pape reconnaisse dans un texte juridique un droit concret de       choix à de simples laïcs ! De façon très contemporaine, le pape a conçu       le Motu proprio du 7 juillet comme un droit opposable à la messe       traditionnelle.
 Mais pour en revenir au N.O.M. et à ma prédication à La Madeleine,       il n'en reste pas moins qu'en droit, cette messe n'est pas seulement légale,       elle est, elle aussi, légitime, elle correspond au domaine dans lequel       s'exprime l'autorité du pape, qui a reçu en plénitude du Christ lui-même       le Munus sanctificandi. Si on refuse la légitimité d'une loi liturgique       promulguée par le pape, c'est le pape lui-même que l'on refuse comme       pontife légitime.
 Ayant égard à ce point fondamental de doctrine, Mgr Lefebvre nous a       fait signer un texte dans lequel nous nous engagions, avant d'être ordonnés       prêtres pour la FSSPX, à reconnaître la validité essentielle du rite       nouveau. Il montrait par là que le rite nouveau est apte à transmettre       aux fidèles la grâce qui sanctifie. Si le Christ est présent, il est       actif (« Mon Père agit toujours et moi aussi j'agis »). S'il est actif,       il sauve.
 Dans cette perspective, pour en revenir à ce qui m'était proposé à       La Madeleine, il m'a semblé que la prédication, qui n'est pas en soi un       acte cultuel même s'il s'agit d'un acte liturgique, était pour moi une       manière d'affirmer la communion ecclésiastique, qui nous dépasse tous.       Cette communion sort bien entendu du Christ lui-même, qui est la tête de       son corps mystique, mais aussi du pape en tant qu'il détient la plenitudo       potestatis, selon la formule de Vatican I et de l'évêque, Mgr       Vingt-trois en l'occurrence, en tant qu'il manifeste la présence de l'Eglise       universelle dans l'Eglise locale.
 Je ne célèbre pas le N.O.M., parce que j'ai des critiques sérieuses       à formuler, critiques qui, comme le soulignait l'abbé Héry dans un récent       article de Mascaret ne sont pas seulement d'ordre intellectuel ou théologique       mais aussi d'ordre sensible puisqu'elles concernent un rite liturgique,       lui-même d'ordre sensible par définition.
 Mais je peux (et je dois) participer comme non-célébrant à une       liturgie dont je reconnais la légitimité, la validité et l'efficacité       en droit.
 Ces explications techniques, beaucoup d'entre vous les ont pressenties       d'instinct, ou ont commencé de les exposer. Je remercie tous ceux qui se       sont exprimés (souvent avec fougue) pour défendre mon geste. Je souhaite       de tout mon coeur que les grands mots qu'emploient certains un peu vite ne       leur retombent pas dessus.
 Sur cette question cruciale de la légitimité du N.O.M. , j'ai bien       conscience de ne pas avoir tout dit. Mais je me tiens prêt à répondre       à toutes questions - et aussi à peser toutes les raisons contraires, d'où       qu'elles viennent.
 |  |