31 juillet 2009

[Antoine] Oui, ce que dit l'Abbé de T. dans son post bouillant, ou bouillonnant...

31 juillet 2009
Antoine est un lecteur attentif de l'abbé de Tanoüarn. Il commente le texte que celui-ci a récemment publié sur son MetaBlog.
Oui, ce que dit l'Abbé de T. dans son post bouillant, ou bouillonnant, "makes sense" comme disent les anglophones ! C'est cohérent et théologiquement évident, ce me semble ! Je vais me permettre de le reformuler (même si c'est très mal élevé !) avec mon propre prisme ou mes propres obsessions en partant de l'exemple sur les modernistes.

Effectivement, certains modernistes avaient cru pouvoir se passer d'une doctrine prise au pied de la lettre, ou pouvoir se passer de la lettre de la doctrine, pour n'en garder que l'esprit... A contrario, les "intégristes" ont souhaité les contrer en s'en tenant à la stricte doctrine traditionnelle appliquée de façon rigoureuse et au Iota près (Iota unum !)... Qui a raison ? Ce n'est pas moi mais St Paul qui a dit : "la lettre tue mais l'esprit vivifie"... Et il ajoute "c'est l'esprit qui vous rend libres et vous fait enfants de Dieu"... Ainsi, l'Ecriture semble donner raison aux modernistes ! Pourtant, si l'on pouvait se contenter de l'Esprit et se passer de la lettre, ce serait les Protestants qui auraient raison en définitive ! Et on ne voit pas pourquoi le Christ serait venir accomplir la loi en refusant explicitement de l'abolir... La loi textuelle est toujours en vigueur, même si sa lettre prise isolément a un pouvoir destructeur...

C'est bien là la réponse : la lettre ne peut être isolée, ne peut être détachée de l'Esprit... C'est la lettre sans l'Esprit qui tue et l'Esprit vivifie la lettre pour que, une fois qu'elle a pris vie par le souffle de l'Esprit, elle puisse devenir la nourriture du catholique puisque la Parole de Dieu est notre nourriture.

C'est Benoît XVI qui explique très bien cela dans son magnifique discours des Bernardins : "la parole de Dieu n'est jamais présente dans la seule littéralité du texte" ... "l'Ecriture a besoin de l'interprétation"... "car le christianisme n'est pas seulement une religion du livre"... "la lettre tue et l'Esprit vivifie" et "l'Esprit rend libre et nous montre le chemin"... Bref, son développement est clair, aveuglant : il montre l'incapacité de l'homme à appréhender la Parole de Dieu à partir de la seule littéralité, de la seule lettre, de la Bible... C'est bien par une action "pneumatique" (du Saint Esprit qui est souffle, pneuma en grec) exogène que le chrétien peut arriver à se nourrir de cette parole, à la comprendre, à s'y conformer et à se laisser porter par elle... En qq mots, le Pape dit tout du mystère de l'Eglise, de la Grâce et aussi de la Foi.

Du coup, il explique pourquoi : car c'est paradoxalement par la liberté que donne l'Esprit "qu'une limite claire est mise à l'arbitraire et à la subjectivité" mais c'est aussi de cette façon qu'on ne tombe pas dans le "fanatisme fondamentaliste" d'une lecture littérale des textes... Voilà indiqués les chemins que ne doivent pas prendre les modernistes (subjectivité) ni les intégristes (fondamentalisme) ! Le Pape explique que c'est cette attitude, grâce au monachisme, qui est le fondement de la culture européenne : bel exercice de style à plusieurs niveaux puisqu'il fonde la culture européenne dans le "quaerere Deum", la recherche de cet Esprit qui donne vie à la lettre et qui complète donc l'étude des textes (et l'on voit ici toute l'importance de la complémentarité entre l'étude et la prière, l'une ne va pas sans l'autre et inversement : il ne sert à rien d'étudier si l'on ne prie pas mais il ne sert à rien de prier si l'on n'étudie pas -St Pie X a rappelé l'importance pour chaque catholique d'étudier au moins son catéchisme-), il efface toute la logique protestante et anglo-saxonne du libre examen, réfute le fondamentalisme coranique mais nous donne aussi la grille de lecture (c'est le cas de le dire !) nécessaire pour comprendre la place et le rôle de l'Eglise : interpréter l'Ecriture, la lettre, pour lui donner vie, être le signe tangible et concret de l'action pneumatique de Dieu qui est l'action permanente du Saint Esprit... Il coupe ainsi court aux dérives modernistes et traditionalistes : certes il y a les textes ; certes, il y a l'action du Saint Esprit, mais on ne peut s'en tenir seulement aux uns ou à l'autre : c'est le cumul des deux qui fonde la foi, non ? Une connaissance des textes de la Révélation vivifiée, qui prend vie, par le Saint Esprit car une foi sans l'Esprit est une foi morte, pour paraphraser St Jacques ?...

Mais St Paul a sans doute voulu aller au-delà de cette simple complémentarité entre lettre et esprit... La lettre tue car non seulement nous ne sommes pas une religion du Livre mais tout au contraire nous sommes une religion de l'oralité ! Ce que Dieu nous ordonne, en parlant de son Fils, c'est "Ecoutez-Le" et la Ste Vierge Marie à Cana appuie cet ordre de son conseil "Faites tout ce qu'Il vous dira"... Ainsi, c'est l'écoute, et non la lecture qui est essentielle ! Et finalement, pour un catholique, il est indispensable d'écouter Dieu et donc de s'offrir à son activité pneumatique à la fois pour recevoir la parole de Dieu, mais aussi pour bénéficier de la vie que le St Esprit donne à cette parole... L'Esprit a sûrement une double action : il apporte la Parole et il vivifie la lettre... C'est d'ailleurs le propre d'une parole que d'être offerte prioritairement à l'écoute, et non à la lecture ! La lecture n'est qu'une retranscription et l'écrit ne saurait à lui seul constituer et restituer la Parole vraie vivante, le Logos qui est Dieu. Et nous devons recevoir cette Parole avec notre coeur et l'y garder, ce que nous ne pouvons faire avec un écrit... Donc la Parole, ce ne peut être l'écrit tant qu'il n'a pas reçu la vivification de l'Esprit ? (je dérive, emporté par la méditation !)

Mais pour ne pas tomber dans le subjectivisme, il ne suffit pas de se laisser individuellement envahir par le souffle de l'Esprit pour parvenir à une compréhension satisfaisante de la lettre de l'Ecriture et de la loi. C'est nécessaire de se laisser remplir du Saint Esprit et du feu de son amour avant d'étudier mais insuffisant... Sinon, on ne répond pas à la problématique de la subjectivité et de l'interprétation personnelle. Certains estiment qu'il y a un sens obvie, évident, des textes. Depuis le temps ça se saurait ! Chacun a sa propre interprétation, son herméneutique individuelle : et même les tables de la Loi, même le Notre Père, peut-être les deux textes parmi les plus simples de l'Ecriture, ont donné lieu à des interprétations diverses dans lesquelles chacun revendique l'action de l'Esprit mais où rares sont les personnes qui peuvent individuellement apporter une garantie divine... Cela vaut aussi pour les textes des Papes d'avant le concile comme pour ceux d'après !

Alors qui, ou que, devons-nous écouter au quotidien pour rester attentif au Christ qui nous parle, dont nous devons faire ce qu'Il nous dit, sans tomber dans l'interprétation personnelle, la révélation privée, dans la subjectivisme et le libre examen ? C'est évidemment l'Eglise et son magistère selon l'ordre du Sauveur au sujet de ses Apôtres : "qui vous écoute, M'écoute". C'est l'Eglise, mère et maîtresse, qui est la bouche du Christ au quotidien, jour après jour, pour parler d'une façon qui soit la même pour tous, intelligible par tous à toutes les époques, de façon à préserver l'unité du Peuple de Dieu, tout au long de la vie de l'Eglise. On ne peut donc avoir la foi si l'on n'accepte pas de se soumettre au magistère de l'Eglise au quotidien... Car si l'on n'accepte que le "magistère passé " (d'avant le concile, pour faire court !) on retombe dans l'interprétation subjective de la lettre, sans avoir la certitude, malgré ce qu'on pense être le sens obvie, que sa compréhension soit effectivement celle de l'Eglise et donc celle que le Christ veut nous donner.

D'ailleurs, les Papes ont toujours rappelé que le Magistère s'exerce "de vive voix" et au quotidien. Encore une fois, l'Eglise catholique transmet toujours la Parole oralement ! Benoît XVI le souligne aujourd'hui, mais ces prédécesseurs ont dit la même chose en commençant par son fondateur NSJC (qui vous écoute, M'écoute) et plus récemment Léon XIII dans Satis Cognitum ou Pie XI dans Mortalium Animos... Par là même occasion, le simple rappel de ces évidences coupe l'herbe sous le pied du sédévacantisme : jusqu'à la fin du monde, il sera possible d'entendre et d'écouter le Christ parlant par la vive voix de son Eglise, et pas un magistère ténu et éparpillé ou mort, car le magistère de l'Eglise, c'est un magistère vivant, s'exprimant avant tout par le Pape, puis à travers les évêques qui sont en communion avec lui. On ne peut remettre en cause l'indéfectibilité de l'Eglise qui est avant tout une indéfectibilité de son magistère... Cela coupe aussi l'herbe sous le pied de ceux qui s'imaginent pouvoir interpréter un magistère pré-conciliaire en l'opposant au post-conciliaire : il n'y a qu'une herméneutique possible de l'ensemble de ce magistère, c'est celle qui est donné "de vive voix" par le Pape régnant et répétée par les évêques affichant leur communion (pas seulement juridictionnelle !...) avec le pape et les prêtres s'inscrivant dans cette hiérarchie...

Et ce sera comme cela jusqu'à la fin du monde, selon la promesse du Christ "je suis avec vous jusqu'à la fin des temps", selon l'interprétation obvie (!) qui est donné de cette phrase par les deux encycliques pré-citées et selon la réalité des faits, telle qu'elle se déroule sous nos yeux au sein de l'Eglise.

Alors le Magistère de l'Eglise parle et il suffit de l'écouter, de le recevoir dans son coeur, car son expression est la Parole... C'est pour cela qu'il nous est toujours demandé un assentiment religieux de la volonté et de l'intelligence (l'Eglise est une vraie mère : d'abord un assentiment de la volonté, puis de l'intelligence : chacun fait avec ce qu'il a, comme on a pu le constater lors de récents débats !...) pour toute expression du magistère. Ce n'est pas seulement lorsque ce magistère s'exprime selon les formes officielles de l'infaillibilité que le catholique doit le recevoir. Ainsi, la nouvelle encyclique doit bénéficier de ce traitement qui n'est pas un traitement de faveur, mais le comportement instinctif, viscéral (!) que doit adopter un catholique lorsque la magistère de l'Eglise s'exprime, en particulier par la voix du Pape. D'autant plus que le sujet traité touche à l'organisation de la société, donc à ses moeurs... Et qu'en ce domaine, la voix de l'Eglise est plus que parfaitement autorisée...

Pour revenir à un registre polémique dans lequel je suis malheureusement plus à l'aise, je dois avouer que je suis, dès lors, totalement indifférent aux commentaires d'un quelconque Abbé, fût-il directeur d'un institut universitaire... Cet abbé est d'autant moins la voix du magistère qu'il semble confondre le mot et l'idée puisqu'il estime qu'un document qui étudie les moyens de faire régner sur la société universelle la Vérité et l'Amour du Christ ne traiterait pas de la royauté sociale de NSJC ! Il semble aussi prendre pour de l'indifférentisme le fait d'envisager la contribution possible des différentes religions à la paix sociale en imaginant qu'une telle possibilité remettrait en cause le fait que l'Eglise catholique soit la seule arche de salut ! Une telle confusion des concepts et des idées démontre à l'envi que cet abbé ne peut en aucun cas se revendiquer du magistère de l'Eglise. Il n'en est pas une voix et son avis n'engagerait que lui s'il n'engageait aussi sa Société en en démontrant en l'occurrence la grande légèreté intellectuelle et doctrinale...

Il en va de même pour un évêque dont Mgr Lefebvre a lui-même explicitement indiqué lors de son sacre, qu'il n'était pas donné à l'Eglise pour enseigner mais pour transmettre les sacrements. En effet, comment un évêque qui n'est pas en communion parfaite avec le Pape pourrait se revendiquer du magistère de l'Eglise ? C'est chose impossible et la réalité des faits à travers l'analyse des propos tenus par cet évêque nous prouve, ô combien, que ses propos ne peuvent être confondus avec la voix de l'Eglise et qu'à lui ne s'applique malheureusement pas, pour le moment, le "qui l'écoute, M'écoute" de Notre Seigneur...

Quant aux pères-roquets de certain forum qui se contentent d'occuper et de marquer le terrain en psalmodiant les mantras que d'autres leur ont transmis, ils feraient mieux d'étudier et de prier car on ne peut transmettre que lorsqu'on reçoit et l'on ne reçoit que lorsqu'on s'ouvre à la Parole, à Dieu... "Parlez, Seigneur, car votre serviteur écoute"... C'est tout de même plus intelligent et plus constructif que de vociférer pour meubler, pour éviter que les propos de "l'adversaire" ne puissent aider à la réflexion et à la méditation en Dieu... Surtout quand cet "adversaire" a démontré que sa science ne le remplissait pas de certitudes mais l'aidait au contraire à approfondir la Parole pour en faire une nourriture toujours plus riche et plus féconde de nos intelligences, de nos esprits, de nos âmes et sans doute de nos corps car la saine Doctrine a sûrement des effets physiologiques que nous ignorons !...

Et en conclusion, je dirai "vive internet" qui nous permet d'écouter l'Eglise qui nous parle "de vive voix" en ayant accès aux propos mêmes du pape et du magistère de l'Eglise, sans se laisser abuser par un journal en mal de sensations, par un théologien en rupture de ban ou par je ne sais quel évêque allemand n'ayant conservé qu'une communion purement imaginaire avec le successeur du Prince des Apôtres !

PS : ces propos n'engagent que moi et sont émis "salvo melior judicio", bien évidemment !

Antoine