18 juillet 2009

[Présent / Jean Madiran] Impressions d‘été 2009 dans quelques paroisses rurales

SOURCE - 18 juillet 2009

Ce qui manque le plus cruellement dans nos campagnes elles-mêmes décimées, ce sont les prêtres. Un seul souvent pour quatre paroisses, voire davantage, la messe du dimanche célébrée chaque fois dans une église différente. Les églises, elles, sont toujours là, petites ou grandes, immuables, admirablement romanes parfois, témoins par leur existence qu’il y eut là, pendant plusieurs générations, voire plusieurs siècles, une communauté vivante, avec une histoire qui va s’oubliant, comme on oublie de se demander comment et pourquoi, partout, furent construites toutes ces églises.

Le prêtre y célèbre plus ou moins inexactement une messe qui fut « nouvelle » il y a quarante ans, version gauloise, maintenant incrustée dans ses propres routines. L’assistance chante avec ferveur les chants ramassés à l’entrée sur un présentoir. Un ou deux laïcs distribuent la sainte communion dans la main des fidèles. Personne ne s’agenouille, pas même pendant la consécration, d’ailleurs la disposition des bancs rend l’agenouillement impossible. C’est la promotion du laïcat, un laïcat fier et debout dans sa démocratique dignité d’hommes libres.

Pourtant aucun de ces laïcs promus ne paraît savoir servir la messe quand il n’y a pas d’enfants de chœur. Et il n’y en a pas. Dans l’assistance non plus, pas d’enfants, ou guère. Les assistants sont là par une visible et résolue fidélité à l’Eglise de leur baptême, telle qu’elle se présente à eux depuis tant d’années maintenant : sans y avoir spécialement pensé, ils savent que l’Eglise est bien là autour du prêtre catholique envoyé par l‘évêque, garantie d’authenticité.

Il semble qu’un peu partout la consigne ait été donnée de ne plus s’embrasser et s‘étreindre à tout va pour se « donner la paix » avant la communion, cruel sacrifice imaginé sans doute en haut lieu pour sauver l’essentiel de la « nouvelle » liturgie, ou au moins pour gagner du temps en espérant l’arrivée prochaine d’un autre pape : mais les fidèles des paroisses rurales ignorent tout de l’effort pédagogique de celui-ci, par l’exemple et par l’enseignement explicite, pour arrêter cette insupportable communion debout et dans la main distribuée par des laïcs, et aussi pour rétablir l’agenouillement devant Jésus présent dans l’hostie consacrée. Ils ne savent pas davantage que le Pape, il ne s’en est nullement caché (ce fut toute une page pleine d’un implicite espoir dans La Croix), au plus fort de la tempête élevée contre lui, cette année, dans le clergé et sa hiérarchie, est allé en pèlerinage méditer sur le tombeau de Célestin V, le souverain pontife qui abdiqua… Les fidèles de ces paroisses rurales abandonnées sont, à la messe, tranquillement fervents et recueillis, les plus jeunes d’entre eux ont au moins dans les quarante ou cinquante ans. Toute une génération fidèle, et trompée dans sa fidélité au point d’administrer l’eucharistie à la place du prêtre mais de n’avoir plus d’enfants de chœur ni de catéchisme pour enfants baptisés, et de ne pas savoir y suppléer, toute une génération apparemment stérilisée, toute une génération qui va disparaître sans succession. L’Eglise ne disparaîtra pas, mais ailleurs. Et autrement.

JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6884 de Présent, du Samedi 18 juillet 2009