24 juillet 2009

[Présent] Le bien commun mondial - par Jean Madiran

SOURCE - Jean Madiran - 24 juillet - Présent daté du 25 juillet 2009

puce_carreDans la mise en place urgente d’une « véritable autorité politique mondiale » réclamée par Caritas in veritate (§ 67), il s’agit bien d’une autorité et non pas d’un gouvernement. D’un coup d‘œil très sûr, Yves Daoudal a tout de suite mis en garde contre une confusion entre ces deux notions : « Nous connaissons pourtant la différence, avec toutes les “hautes autorités” inventées ces dernières années par notre gouvernement. » Jean-Paul II avait prévenu : « Il est important d‘éviter tout malentendu : il n’est pas question de constituer un super-Etat mondial. »

puce_carreAlors, dira-t-on, il est question de quoi ?

Pour comprendre ce qui est en question, il faut d’abord se rappeler qu’il existe en doctrine trois sociétés « naturelles et nécessaires » : la famille, l’Etat, la société des Etats.

La famille est la première, même chronologiquement, des sociétés naturelles et nécessaires. L’Etat est la société des familles (ce que l’on exprime souvent en disant, comme la Déclaration des droits de 1948, que « la famille est l‘élément naturel et fondamental de la société »). Presque toujours l’Etat, au nom du principe de totalité, a tendance à régenter arbitrairement les familles, en violant plus ou moins le principe de subsidiarité : il faut alors lui résister, car il n’est pas là pour absorber les familles, mais pour les aider à remplir leur rôle. De même, le principe de subsidiarité doit composer avec le principe de totalité pour régler les rapports entre les Etats et la société des Etats.

puce_carreLe principe de subsidiarité étant respecté, il existe plusieurs voies pour tenter de réaliser une société des Etats. On pense d’abord à une réforme de l’Organisation des Nations Unies (ONU). L’obstacle est qu’elle s’est suffisamment déshonorée par son imposture d’avoir appelé les gouvernements communistes, qui ne reconnaissent aucun droit naturel, à dire le droit international, lequel est alors frappé, pour le moins, d’une grave suspicion. En outre, l’Organisation des Nations Unies, par son titre même, comme précédemment la Société des Nations (SDN), invite à une confusion entre la famille des nations et la société des Etats. Ce sont les Etats, et non pas les nations, qui ont comme tels vocation à entrer en société. Déjà en 1920, dans son encyclique Pacem, Benoît XV précisait que c’est bien « l’ensemble des Etats » qu’il appelait à « s’unir pour former une société ». Si c‘était aux nations d’entrer en société, cela ne serait alors possible que par un super-Etat.

puce_carreCette société des Etats est inorganique tant qu’elle ne se reconnaît que des obligations négatives : ne pas nuire à autrui, ne pas violer les traités librement consentis. Elle devient organique quand les Etat créent entre eux des institutions juridiques de coopération ; autrement dit, selon Pie XII, quand ils établissent « une organisation internationale stable » en vue d’« assurer [et non pas supprimer] l’indépendance mutuelle des peuples grands et petits ».

puce_carreDe même qu’il existe un bien commun familial pour chaque famille et un bien commun national pour chaque Etat, il existe pour la société des Etats un bien commun qui lui est propre, et que l’on peut nommer « bien commun mondial », « bien commun international » ou « bien commun universel ».

(Soit dit au passage, le « bien commun national » serait mieux nommé « bien commun politique », car un même Etat peut comporter plusieurs nations (comme fut l’Autriche-Hongrie), ou ne gouverner que la partie principale d’une nation (comme la France à l‘égard du Canada français, voire de la francophonie). Il y a une tendance légitime à faire coïncider les frontières de l’Etat avec celles de la nation ; c’est alors, « l’Etat-nation », sur le modèle capétien. Fin de la parenthèse.)

Le bien commun international comporte notamment la paix mondiale, la transmission et le respect de la loi naturelle, l’aide aux Etats les plus pauvres.

puce_carreIl est vrai que les progrès matériels des sciences et des techniques ont contribué à rendre moins difficile la considération, qui les dépasse, d’un bien commun international. Mais de même qu’il y a « une compétence primordiale des familles par rapport à celle de l’Etat » (Caritas in veritate, § 44), analogiquement il existe une compétence primordiale des Etats par rapport à la société des Etats. Ce n’est ni à la justice commutative, ni à la justice distributive, c’est à la justice générale (dite aussi légale ou sociale) qu’il appartient, à ce niveau aussi, de rechercher un juste équilibre entre l’application du principe de totalité et celle du principe de subsidiarité.

JEAN MADIRAN