| Monsieur l’Abbé, On entend dire un peu partout que l’obstacle principal         à l’application du Motu Proprio serait…les traditionalistes !         Et en particulier les instituts comme le vôtre qui ne pratiquent pas la         célébration (ou la concélébration) de la forme ordinaire. J’aimerais vraiment avoir votre avis sur ce sujet. Bravo pour le travail que vous faites ! C.Dufour - Metz
 
 Cher Monsieur, Voilà bien longtemps que je voulais sortir de ce silence       et je vous remercie de votre question qui m’y provoque, tant sur le fond       que par sa forme dialectique, très appréciée. D’autant que la chose       est d’une facilité extrême, tant la doctrine catholique sur ce point       est précise, nette et récemment étayée. Merci beaucoup. Qu’il soit besoin à un prêtre catholique qui, non plus       par indult, mais par le droit le plus manifeste et récent de l’Eglise       Romaine, célèbre habituellement ou toujours la forme extraordinaire du       rite romain, de célébrer aussi, à l’occasion, la forme ordinaire de       ce même rite, dans le but de manifester une communion supplémentaire me       paraît tout simplement un camouflet théologique. Et facilement démontable       comme tel, jugez plutôt. C’est aussi une mauvaise dialectique dans       laquelle s’aventurer est la preuve d’un rejet pur et simple du Motu       Proprio et de la volonté expresse du pape régnant.   1/       Si le Motu Proprio comporte une thèse forte par excellence, c’est bien       celle-là : il n’y a qu’un seul rite romain qui subsiste en deux       formes, équivalentes en droit. Dès lors, introduire une distinction       d’effets entre la forme ordinaire ou extraordinaire, l’une manifestant       davantage la communion ecclésiastique que l’autre, est directement       contraire, non seulement à la pensée du Pape mais à la théologie       catholique ; qui correspondent par principe, faut-il le rappeler à       certain théologien ? Les deux formes de l’unique rite romain ne       sauraient se distinguer, par leur promulgation, par leur validité donc       et, partant, par leurs effets au niveau de la communion ecclésiastique.       Soutenir le contraire remet en cause, dans un cas comme dans l’autre,       l’Autorité de l’Eglise Romaine et l’on a peine à imaginer que       quelque théologien puisse s’y aventurer…Vouloir forcer quelque prêtre       que ce soit à manifester une communion supplémentaire, que ne       comporterait pas, de soi, la forme extraordinaire est un abus manifeste       d’Autorité. Ceux qui le commettent devraient songer à son pendant :       exiger de tout prêtre qui célèbre la forme ordinaire du rite romain de       célébrer de temps à autre l’autre forme pour manifester une communion       qu’il n’aurait pas tout à fait. Avons-nous jamais exigé une pareille       chose ? Contestons-nous la communion des évêques et des prêtres       qui ne célèbrent jamais la messe traditionnelle ? Aurions-nous       l’audace téméraire de l’exiger d’eux ? Au moins sachez-nous       gré d’une cohérence théologique dont d’autres se dispensent allégrement.  2/       Le droit canon n’y trouve pas non plus son compte, qui affirme       clairement en son canon 902 qu’un prêtre n’est jamais tenu de concélébrer :       « Etant respectée pour chacun la liberté de célébrer       individuellement ». Et comment le droit canon de l’Eglise       Catholique pourrait-il dispenser tout à fait les prêtres d’une       pratique qui serait nécessaire à leur pleine communion ? Poser la       question c’est évidemment y répondre…Et le même canon de préciser       que la concélébration ne saurait se pratiquer si « l’utilité       des fidèles ne requière ou ne conseille autre chose… ».  3/       Les uniates de tous rites dans l’Eglise catholique seraient-ils tenus de       manifester aussi leur communion par la célébration de la liturgie       promulguée par le Pape Paul VI ? Il y a longtemps que ça se saurait !       Grecs, Melkites, Coptes, Syriaques, Slavons, Maronites etc…devront-ils       demain manifester leur communion ainsi ? Il faudrait d’abord oser       le leur demander. Quant à la réponse, il me semble qu’elle ne serait       pas très courtoise.  4/       Une telle thèse malmène à l’évidence le Concile Vatican II lui-même       qui affirme (Sacrosanctum Concilium I, 4) que les rites reconnus sont égaux       en droit et en dignité et que cette diversité est une richesse :       « l’Eglise (…) ne désire pas, même dans la liturgie, imposer       la forme rigide d’un libellé unique » (idem III 37. Là encore,       vouloir réduire l’ensemble des célébrations à une forme unique, loin       de manifester la communion, est plutôt de nature à la rendre incertaine       et problématique.  5/       Cette thèse est contraire à la volonté du pape régnant, souvent exprimée.       Je songe, entre autre, au petit mot envoyé par la Secrétairerie d’Etat       aux obsèques de Don Gérard où il est dit au nom du Pape (c’est lui       qui parle) qu’ « Il rend grâces pour l’attention de dom Gérard       à la beauté de la liturgie latine, appelée à être toujours davantage       source de communion et d’unité dans l’Eglise ».  6/       Le Bon Pasteur peut se prévaloir, tant dans ses statuts que dans son décret       d’érection, d’une liberté contraire à cette exigence supplémentaire,       il est vrai. Mais l’argument ne vaut pas uniquement pour les prêtres       qui ont l’honneur de lui appartenir. Si Rome approuve ces directives qui       accordent et imposent cette unicité de la forme extraordinaire, on ne       saurait dès lors imposer à ceux-là une obligation théologique supplémentaire       dont ceux-ci seraient dispensés !  7/       Il y aurait enfin de nombreux arguments pastoraux à développer ; je       n’en retiendrai aujourd’hui qu’un seul. Je songe à ces nombreux prêtres       de la Fraternité saint Pie X que manifestement Rome, et le Cardinal       Castrillon-Hoyos en particulier, avec sa patience et sa bonté légendaires,       veut ramener au bercail. Avouez que cette exigence de dernière minute       serait tout à fait impropre à les amadouer et les conforterait plutôt       dans leurs positions.Recevez,cher Monsieur, ma bénédiction.      |